Test pour prévenir le risque de complication post-opératoire

Anticiper le risque de complications médicales pour mieux le prévenir et le traiter

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°783 Mars 2023
Par Julien HEDOU (X15)
Par Brice GAUDILIÈRE (X97)

Et s’il était pos­si­ble de prédire le risque de com­pli­ca­tion post-opéra­toire à par­tir d’une sim­ple prise de sang ? C’est juste­ment ce que la jeune pousse française Surge­Care pro­pose grâce à une tech­nolo­gie de pointe dévelop­pée dans les lab­o­ra­toires de Stan­ford. Brice Gaudil­lière (X97) et Julien Hedou (X15), cofon­da­teurs de la start-up médi­cale, nous en dis­ent plus. Rencontre.

Quelle est la genèse de SurgeCare ?

Brice Gaudil­lière : Pen­dant ma for­ma­tion à Poly­tech­nique, je me suis intéressé à la biolo­gie et aux sci­ences du vivant. Après l’École, j’ai fait un PhD en sci­ences bio­médi­cales. Puis des études de médecine au sein du pro­gramme Health Sci­ence and Tech­nol­o­gy entre Har­vard et le MIT, un pro­gramme d’études de médecine conçu et ori­en­té pour les ingénieurs.
Je dirige main­tenant un lab­o­ra­toire d’immunologie à Stan­ford, en par­al­lèle d’une pra­tique clin­ique en tant qu’anesthésiste réan­i­ma­teur. Au sein du lab­o­ra­toire, nous util­isons des tech­niques de “sin­gle-cell omics” qui per­me­t­tent d’étudier avec une pré­ci­sion iné­galée le sys­tème immu­ni­taire des patients.

Notre intérêt se porte sur des ques­tions de san­té glob­ale à fort impact, telles que le trau­ma­tisme qui représente la pre­mière cause de mor­tal­ité chez les indi­vidus âgés de 18 à 45 ans, ou encore la pré­ma­tu­rité, qui est la pre­mière cause de mor­tal­ité infan­tile. La chirurgie est un exem­ple typ­ique de trau­ma­tisme, pour lequel nous avons mis au point un « test de stress » du sys­tème immu­ni­taire. Ce test per­met de repro­duire le stress post-trau­ma­tique afin d’identifier, avant la chirurgie, les trou­bles immu­ni­taires fonc­tion­nels asso­ciés aux com­pli­ca­tions postopéra­toires, telles que les infec­tions. C’est de là qu’est née l’idée d’industrialiser ce test pour mieux prédire, et donc réduire, les com­pli­ca­tions post-opératoires.

Julien Hedou : Après Poly­tech­nique, j’ai fait un mas­ter en infor­ma­tique bio­médi­cale avec une spé­cial­i­sa­tion en intel­li­gence arti­fi­cielle à Stan­ford. Au cours de ma for­ma­tion, j’ai tra­vail­lé au sein du lab­o­ra­toire de Brice et je me suis notam­ment intéressé aux algo­rithmes per­me­t­tant d’intégrer les don­nées du sys­tème immu­ni­taire pour dévelop­per des scores pré­dic­tifs. De cette col­lab­o­ra­tion est née Surge­Care en 2021. Surge­Care se posi­tionne à l’interface de l’immunologie, l’IA, la médecine de pré­ci­sion et la recherche clin­ique, et s’appuie sur une très belle équipe notam­ment com­posée de Ben­jamin Choisy, Dyani Jones, Valentin Picot et Franck Verdonk.

Concrètement, à quelles problématiques du monde de la santé répondez-vous ?

J.H : L’ambition de Surge­Care est de sur­mon­ter l’incapacité à prédire les com­pli­ca­tions postopéra­toires. Les échelles clin­iques actuelle­ment disponibles pour anticiper le risque de com­pli­ca­tions postopéra­toires sont très impré­cis­es, ce qui lim­ite leur util­ité pour les clin­i­ciens dans leur proces­sus de prise de déci­sion. Notre objec­tif est de fournir aux clin­i­ciens des infor­ma­tions pré­cis­es et per­son­nal­isées pour chaque patient en util­isant un test qui per­me­tte de quan­ti­fi­er le risque de com­pli­ca­tions postopéra­toires. Le prob­lème auquel nous nous attaquons est majeur : plus de 60 mil­lions de chirur­gies sont effec­tuées chaque année aux Etats-Unis, et 8 mil­lions en France. Or une chirurgie sur trois se sol­de par une com­pli­ca­tion postopéra­toire, dont le coût représente jusqu’à 70 000 dol­lars aux États-Unis, et 10 000 euros en France.

“L’ambition de SurgeCare est de surmonter l’incapacité à prédire les complications postopératoires. ”

B.G : Nous nous intéres­sons tout par­ti­c­ulière­ment aux infec­tions du site opéra­toire dont on estime le risque après une chirurgie majeure à 10–30 % en moyenne. Toute­fois, il est dif­fi­cile de déter­min­er pré­cisé­ment ce risque pour un indi­vidu don­né, ce qui rend la per­son­nal­i­sa­tion de sa prise en charge impos­si­ble. La tech­nolo­gie de Surge­Care résout cette dif­fi­culté en éval­u­ant la capac­ité du sys­tème immu­ni­taire d’un patient don­né à répon­dre et à récupér­er face au stress immu­ni­taire con­sid­érable provo­qué par la chirurgie. En exposant un échan­til­lon san­guin à des cytokines et des pro­téines inflam­ma­toires répli­quant le trau­ma­tisme chirur­gi­cal, nous prenons, si je puis dire, une empreinte dig­i­tale immu­ni­taire du patient à par­tir de laque­lle nous pou­vons prédire s’il est capa­ble de sup­port­er le trau­ma chirur­gi­cal, de se défendre con­tre une infec­tion et de récupér­er dans de bonnes conditions.

Aujourd’hui, concrètement que proposez-vous ?

J.H : Notre pre­mier pro­duit, Pre­Cyte, est une solu­tion diag­nos­tique qui per­met de prédire et d’anticiper les infec­tions de site opéra­toire en chirurgie abdom­i­nale majeure. En amont de la chirurgie, Pre­Cyte com­mu­nique une infor­ma­tion fiable rel­a­tive au risque d’infection. Grâce à ce nou­v­el out­il, il est pos­si­ble d’optimiser le par­cours de soins du patient non seule­ment pen­dant la chirurgie, mais égale­ment en phase préopéra­toire (en mod­i­fi­ant et en opti­misant les aspects nutri­tion­nels, phar­ma­cologiques, physiques, etc.) et en phase postopéra­toire (en adap­tant le suivi du patient, par exem­ple en organ­isant une réan­i­ma­tion ou un suivi à domicile).

Quelle est la valeur ajoutée de votre technologie pour les différentes parties prenantes et les patients ?

J.H : La mise à dis­po­si­tion de ces infor­ma­tions fiables et pré­cis­es per­met d’optimiser le par­cours de soins du patient, de dimin­uer les risques de com­pli­ca­tions, et de dimin­uer les coûts qui y sont asso­ciés. Un ser­vice de chirurgie compte en moyenne 40 lits, et traite jusqu’à 2 500 patients par an. Une solu­tion comme la nôtre per­me­t­trait de réduire le nom­bre de com­pli­ca­tions au sein d’un ser­vice de ce type d’au moins 40 %, ce qui représente une diminu­tion des coûts annuels de ce ser­vice d’environ 9 mil­lions de dol­lars aux États-Unis et d’environ 1,5 mil­lions d’euros en France.

B.G. : Notre kit de prélève­ment est asso­cié à un score de risque dont la pré­ci­sion dépasse les 90 %, alors que les out­ils exis­tants ont une per­for­mance inférieure à 70 %. Une solu­tion comme Pre­Cyte don­nera une meilleure vis­i­bil­ité aux patients sur leur chirurgie, et per­me­t­tra surtout au chirurgien et à l’anesthésiste d’adapter le par­cours de soins pour réduire, voire éviter, ces com­pli­ca­tions. Ces infor­ma­tions sont égale­ment stratégiques pour les sys­tèmes de san­té qui cherchent à mieux gér­er et opti­miser les coûts asso­ciés à ces inter­ven­tions chirur­gi­cales lourdes.

Quels sont les freins et enjeux auxquels vous êtes confrontés dans le cadre de votre développement ?

J.H : Il y a une dimen­sion règle­men­taire autour de la mise sur le marché de notre tech­nolo­gie et de notre pro­duit. Nous menons actuelle­ment une étude clin­ique pour con­firmer les per­for­mances de notre solu­tion. Sur le moyen terme, nous anticipons des besoins impor­tants pour l’industrialisation et la com­mer­cial­i­sa­tion de ce pre­mier pro­duit, ain­si que de nou­veaux développe­ments tech­nologiques pour éten­dre nos out­ils à de nou­velles indi­ca­tions et amélior­er leurs performances.

Quelles sont les prochaines étapes pour SurgeCare ?

B.G : Notre pre­mière étude clin­ique, en parte­nar­i­at avec l’hôpital Foch et AP-HP a démar­ré il y a qua­tre mois. Elle vise à tester notre solu­tion sur 240 patients, dont une cen­taine sont déjà inclus, et opti­miser notre pre­mier pro­duit Pre­Cyte qui prédit le risque d’infection postopéra­toire. Nous avons aus­si réal­isé un pre­mier tour de finance­ment pour un total de 2,5 mil­lions d’euros à l’été 2022 et nous pré­parons actuelle­ment la prochaine lev­ée de fonds.

Notre objec­tif est de pour­suiv­re la recherche et le développe­ment sci­en­tifique afin d’étendre notre capac­ité à décrypter le sys­tème immu­ni­taire à d’autres types de com­pli­ca­tion. À court terme, Surge­Care compte s’attaquer au prob­lème des com­pli­ca­tions de grossesse telles que la pré­ma­tu­rité et la prééclampsie.

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