Pour une coopération européenne nouvelle entre États libres de s’organiser

Dossier : Europe et énergieMagazine N°629 Novembre 2007
Par Henri PRÉVOT (64)

Oui ! Il faut une poli­tique de l’én­ergie en Europe : les déci­sions pris­es par l’U­nion européenne sur l’én­ergie sont erra­tiques alors qu’une bonne poli­tique, nationale et européenne, est néces­saire. Elle se fera à par­tir d’une analyse lucide de la sit­u­a­tion et sur un mode qui soit adap­té au car­ac­tère stratégique de l’én­ergie, car l’én­ergie est d’une néces­sité vitale et, par les émis­sions de gaz à effet de serre, grosse de dan­gers de toutes sortes. Sans doute fau­dra-t-il une coopéra­tion d’un type nou­veau pour que l’U­nion européenne, en dimin­u­ant con­sid­érable­ment ses besoins d’én­ergie fos­sile, ren­force sa sécu­rité énergé­tique, con­tribue à la préser­va­tion du cli­mat et soit en mesure de pro­pos­er au monde entier les tech­nolo­gies et les organ­i­sa­tions urbaines dont il aura besoin le jour où sera imposée, sous la pres­sion des faits, une action déci­sive con­tre les émis­sions de gaz à effet de serre.

Grâce à cette poli­tique de l’én­ergie respectueuse de l’en­vi­ron­nement, l’U­nion européenne et ses États mem­bres con­firmeront leur cohé­sion et ren­forceront leur place sur la scène internationale.

Trois fois trop d’énergie fossile

Des déci­sions erratiques
L’Union européenne oblige à pro­duire du bio­car­bu­rant. Or, il faut plus de trois mil­lions d’hectares de céréales pour dimin­uer les émis­sions autant qu’une tranche nucléaire mod­erne de 1,6 GW rem­plaçant des cen­trales au char­bon – alors que l’humanité manque de ter­res arables. La mesure phare de l’Union européenne, avec le fameux « marché européen des per­mis d’émettre », fait peser des oblig­a­tions sur des entre­pris­es directe­ment con­cur­rencées par d’autres qui ne sont pas soumis­es aux mêmes objec­tifs, ce qui, sans mesure com­pen­satoire, fausse les con­di­tions de con­cur­rence sans béné­fice pour l’atmosphère. L’Union européenne oblige à pro­duire une cer­taine pro­por­tion d’électricité à par­tir d’énergie renou­ve­lable ce qui, dans un pays où l’électricité peut être nucléaire, a pour effet d’augmenter les émis­sions de gaz car­bonique. Une déci­sion essen­tielle serait d’augmenter les impôts sur le gazole con­som­mé par les camions ; une telle déci­sion ne peut être prise qu’à l’échelle de l’Union européenne ; or celle-ci s’en est jusqu’ici mon­trée incapable.

L’humanité devra savoir se priv­er de sources d’énergie abondantes

La hausse des tem­péra­tures dépend de la teneur de l’at­mo­sphère en gaz à effet de serre. Pour que la hausse de tem­péra­ture moyenne ne dépasse pas trois degrés, c’est-à-dire, compte tenu des incer­ti­tudes, de 2 à 4 degrés, ce qui est énorme, la somme cumulée des émis­sions dues à l’ac­tiv­ité humaine ne devra pas avoir dépassé d’i­ci quelques siè­cles mille mil­liards de tonnes de car­bone (1 000 GtC).

Or, les ressources d’én­ergie fos­sile en place, sans même compter les énormes quan­tités d’hy­drates de méthane présentes dans les océans, sont de 5 000 GtC. Avec des tech­niques qui ne cessent de se per­fec­tion­ner, les quan­tités qui seront acces­si­bles dans les cent ou deux cents ans à venir au prix où les con­som­ma­teurs seront prêts à pay­er leur énergie sont cer­taine­ment supérieures à 2 000 GtC. Cela veut dire qu’il ne faut pas relâch­er dans l’at­mo­sphère plus de la moitié ou du tiers des ressources acces­si­bles ; les pos­si­bil­ités de stock­age du gaz car­bonique seront très loin de combler l’é­cart entre les ressources acces­si­bles et la lim­ite d’émission.


La recherche sur les nou­velles tech­nolo­gies est du domaine communautaire.

Préserver la sécurité d’approvisionnement et lutter contre les émissions, même combat

Com­ment réduire les émis­sions de CO2
Dans l’Union européenne, si les émis­sions sont aujourd’hui de 100 par an, d’ici trente ans, une évo­lu­tion ten­dan­cielle les porterait, avec une crois­sance de 1 % par an, à 135 ; pour les divis­er par qua­tre en cinquante ans, il fau­dra que dans les trente ans à venir elles aient été ramenées à 35 ou 40. C’est-à-dire qu’il fau­dra éviter, par rap­port à la ten­dance, env­i­ron 100 par an. Com­ment faire ? La bio­masse peut per­me­t­tre d’éviter entre 20 et 30 ; si l’on cherche à réduire autant que pos­si­ble les coûts, les autres éner­gies renou­ve­lables (solaire, énergie des déchets, géother­mie, éoli­ennes) ne peu­vent pas éviter plus de 10 ; le reste, soit 60, sera partagé entre les économies d’énergie (dépen­dant de l’isolation ther­mique et de l’urbanisme), et la pro­duc­tion d’électricité à par­tir de moyens qui n’émettent pas de gaz car­bonique, c’est-à-dire à par­tir d’énergie nucléaire ou à par­tir de gaz ou de char­bon avec séques­tra­tion de gaz carbonique.

Toute tonne de gaz car­bonique dont l’émission est évitée béné­fi­cie au monde entier, quelle que soit la façon dont elle n’a pas été émise

Un objec­tif con­stant de toute poli­tique énergé­tique a tou­jours été de préserv­er la sécu­rité d’ap­pro­vi­sion­nement. Cet objec­tif demeure, assuré­ment, mais se présente très dif­férem­ment. Ce n’est pas l’épuise­ment physique des ressources qui nous men­ace. C’est, d’abord, le réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Même si les ressources appa­rais­sent derechef surabon­dantes, cela ne veut pas dire que notre pays ne court aucun risque sur son appro­vi­sion­nement, puisqu’il est tout à fait envis­age­able que les pays déten­teurs reti­en­nent des ressources tech­nique­ment et économique­ment acces­si­bles, en invo­quant comme motif la lutte con­tre l’ef­fet de serre, tout en gar­dant pour eux la rente de rareté qu’ils auront ain­si créée. Que ce soit pour par­ticiper à la lutte con­tre les émis­sions ou pour se préserv­er des effets d’un pos­si­ble embar­go, la France et les pays de l’U­nion européenne ont tout intérêt à dimin­uer leur con­som­ma­tion d’én­ergie fos­sile, au-delà des indi­ca­tions don­nées par le marché.

Si l’on ne peut pas se fier à la régu­la­tion anonyme exer­cée par le marché, il fau­dra une autorité pour s’y oppos­er ; pour ori­en­ter, brid­er ou même blo­quer l’ini­tia­tive indi­vidu­elle, il fau­dra une autorité solide­ment assise. Cette autorité ne peut être con­férée que par la voie démoc­ra­tique ; la démoc­ra­tie s’ex­erce dans le cadre des nations et elle est con­fiée aux États.

Aujour­d’hui, la France et les pays d’Eu­rope n’ont pas con­fié à l’U­nion européenne la respon­s­abil­ité de bâtir une poli­tique de l’én­ergie mais les autres poli­tiques de l’U­nion — con­cur­rence, marché intérieur, com­merce extérieur, recherche, envi­ron­nement, etc. — ont un impact par­fois con­sid­érable sans que l’on puisse penser qu’il ait été sérieuse­ment mesuré ni anticipé et sans qu’ap­pa­raisse de vision d’ensem­ble cohérente.

Clarifier les responsabilités

Il faut met­tre le doigt sur ce qui est une banal­ité : chaque pays de l’U­nion européenne se trou­ve dans une sit­u­a­tion spécifique.

Chaque pays pro­duit plus ou moins d’élec­tric­ité hydraulique, pour­ra pro­duire plus ou moins de bio­masse, dis­pose ou non de cen­trales nucléaires et pro­jette ou non d’en aug­menter la capac­ité, a choisi ou non de dévelop­per la capac­ité des éoli­ennes, pos­sède un parc immo­bili­er plus ou moins bien isolé ther­mique­ment — sans oubli­er la diver­sité des con­di­tions cli­ma­tiques. Ce qui peut être par­faite­ment jus­ti­fié dans un pays peut être inopérant voire con­tre-pro­duc­tif dans un autre, comme ce fameux ratio de pro­duc­tion d’élec­tric­ité d’o­rig­ine renouvelable.

Une poli­tique européenne sera effi­cace en lais­sant les États libres de tir­er par­ti au mieux de leurs com­pé­tences et de leurs possibilités.

Ne suf­fi­rait-il pas que les États s’en­ga­gent devant les autres sur leurs objec­tifs d’émis­sions totales dans les vingt ou trente ans à venir en exposant les poli­tiques qu’ils auront eux-mêmes choisies pour les atteindre ?

Cette diver­sité des poli­tiques, qui lais­sera chaque État exploiter au mieux ses com­pé­tences, n’empêchera certes pas des coopéra­tions entre États sur un mode adapté.

Des responsabilités partagées

La poli­tique com­mer­ciale, c’est-à-dire les rela­tions com­mer­ciales avec les pays tiers, relève de la Com­mu­nauté. Si les entre­pris­es con­fron­tées à la con­cur­rence inter­na­tionale sont soumis­es à des con­traintes aux­quelles leurs con­cur­rentes ne sont pas soumis­es, il appar­tient à la Com­mu­nauté de pren­dre des dis­po­si­tions qui rétab­lis­sent l’équili­bre de la con­cur­rence — ce qu’elle ne fait mal­heureuse­ment pas.


Créer un marché européen des véhicules hybrides.

Les négo­ci­a­tions inter­na­tionales sur la réduc­tion des émis­sions de gaz à effet de serre sont un domaine où Com­mu­nauté et États ont une respon­s­abil­ité partagée. La poli­tique de marché unique s’ap­plique au domaine de l’én­ergie, dans la lim­ite néan­moins où elle n’af­fecte pas les intérêts essen­tiels des États mem­bres. L’élab­o­ra­tion de normes tech­niques se fera de façon plus effi­cace au niveau com­mu­nau­taire qu’au niveau national.

La non-dis­crim­i­na­tion en fonc­tion de la nation­al­ité, un des principes de base de la Com­mu­nauté exige seule­ment que, dans un État, tout le monde, entre­pris­es et per­son­nes privées, soit soumis aux mêmes règles indépen­dam­ment de la nation­al­ité ; elle n’ex­ige pas que les règles soient les mêmes dans tous les États, lorsque cela ne gêne pas le fonc­tion­nement du marché.

Que ce soit au titre de la sub­sidiar­ité ou de la sou­veraineté, il appar­tient à chaque pays de déter­min­er les modes de pro­duc­tion d’én­ergie, de négoci­er son appro­vi­sion­nement en énergie, de décider sa fis­cal­ité sur le car­bu­rant, le gaz ou le fioul, de créer des péages sur les trans­ports, d’ar­rêter ses règles d’urbanisme.

Allons plus loin : si un pays décide que la façon la plus effi­cace et la moins coû­teuse de réduire ses émis­sions est de dévelop­per la pro­duc­tion d’élec­tric­ité nucléaire, s’il juge que, pour cela, il faut que l’élec­tric­ité soit ven­due au moin­dre coût ; s’il est démon­tré que cela demande que les prix soient fixés par l’ad­min­is­tra­tion et non pas par le marché, si enfin cet État con­sid­ère que la lutte con­tre l’ef­fet de serre, compte tenu des enjeux stratégiques qu’elle revêt, relève de la poli­tique étrangère et de la sécu­rité publique — eh bien ! il est pos­si­ble de soutenir, à mon avis, que le régime
de l’élec­tric­ité doit être fixé par l’É­tat indépen­dam­ment des règles com­mu­nau­taires sur la concurrence.

Union européenne et États mem­bres : qui décide ?
L’Union européenne est fondée sur la Com­mu­nauté européenne, sur des poli­tiques et sur des modes de coopéra­tion entre ses États mem­bres (cf. l’article 1 du traité).
Les poli­tiques com­mu­nau­taires sont placées sous le con­trôle des insti­tu­tions com­mu­nau­taires (Com­mis­sion et Cour de jus­tice notam­ment). Selon le principe de sub­sidiar­ité, la Com­mu­nauté n’est respon­s­able que de ce qui peut être fait plus effi­cace­ment par elle que par les États.
Elle décide en général à la majorité qual­i­fiée c’est-à-dire qu’un État mem­bre peut se trou­ver obligé d’agir con­tre son gré. Mais ce trans­fert de sou­veraineté n’est pas total car les États peu­vent pren­dre des déci­sions qui s’écartent des poli­tiques com­mu­nau­taires dans la mesure où ces déci­sions sont néces­saires à l’accomplissement de mis­sions d’intérêt économique général, ou à la préser­va­tion de la sécu­rité publique ou de l’ordre pub­lic, ou à la sauve­g­arde d’intérêts essen­tiels de la nation.
La Cour de jus­tice des Com­mu­nautés a eu plusieurs occa­sions de con­firmer cette respon­s­abil­ité des États. Ceux-ci peu­vent égale­ment coopér­er dans le cadre de l’Union mais hors du con­trôle des insti­tu­tions com­mu­nau­taires dans les domaines de la police, de la jus­tice, de la défense et des affaires étrangères. Ils peu­vent aus­si nour­rir des coopéra­tions hors de l’Union telles que celles qui ont débouché sur Air­bus, les accords de Schen­gen, la fab­ri­ca­tion d’armements.

Deux indicateurs pour une « bonne action climat »

Au nom de quoi faudrait-il a pri­ori respecter les mêmes exi­gences dans tous les États ?

Normes d’iso­la­tion ther­mique, normes d’émis­sion des moteurs auto­mo­biles, quotas
d’émis­sion, un objec­tif de pro­duc­tion d’élec­tric­ité à par­tir d’én­ergie renou­ve­lable, un autre objec­tif d’in­cor­po­ra­tion min­i­mum de bio­car­bu­rant : les con­traintes et les objec­tifs fleuris­sent selon les secteurs d’u­til­i­sa­tion, selon les modes d’én­ergie. Mais quelle est la cohérence de tout cela ?

À mul­ti­pli­er les indi­ca­teurs, les critères et les objec­tifs, ne risque-t-on pas de per­dre de vue que l’ob­jec­tif, l’ob­jec­tif dom­i­nant, est de dimin­uer les émis­sions, ce qui aura pour effet de ren­forcer notre sécu­rité d’ap­pro­vi­sion­nement ? Cet objec­tif, ne faudrait-il pas chercher à l’at­tein­dre au moin­dre coût ? Tout euro dépen­sé pour dimin­uer nos émis­sions, en effet, c’est un euro de moins pour la recherche ou la défense par exem­ple. Et, lorsque l’on utilise de la bio­masse, ne vaut-il mieux pas se sou­venir que le sol est une den­rée rare ? 

Plutôt que de par­ler du coût de la tonne de gaz car­bonique évitée, une notion qui est dif­fi­cile d’usage et dépen­dante du prix du pét­role, il serait beau­coup plus sim­ple de se pos­er les ques­tions suiv­antes, face à une action qui se réclame de la lutte con­tre l’ef­fet de serre :

  • quel devrait être le prix à la con­som­ma­tion finale de l’én­ergie fos­sile (car­bu­rant, fioul ou gaz) pour que cette action soit intéressante ?
  • si l’ac­tion utilise de la bio­masse, com­bi­en cette action per­met-elle d’éviter d’émis­sion de gaz car­bonique par hectare et par an ?
     

Les actions seraient classées en fonc­tion de ces deux indi­ca­teurs et l’on n’au­rait plus à retenir que celles qui per­me­t­tent d’at­tein­dre de la façon la plus effi­cace l’ob­jec­tif d’émis­sion fixé par le pou­voir politique.

Les indi­ca­teurs pour­raient être les mêmes pour tous les pays mais il n’y a aucune rai­son pour que les critères soient les mêmes partout en Europe. Par exem­ple, selon que le pays refusera ou dévelop­pera la pro­duc­tion d’élec­tric­ité nucléaire, il devra, pour attein­dre son objec­tif de réduc­tion des émis­sions, engager des actions plus ou moins onéreuses, ce qui peut se traduire par des prix dif­férents. En quoi serait-ce gênant, si ces dif­férences ne touchent ni l’in­dus­trie ni le trans­port inter­na­tion­al de marchandise ?

Laisser les États libres de s’organiser

À mul­ti­pli­er les indi­ca­teurs, les critères et les objec­tifs, ne risque-t-on pas de per­dre de vue que l’objectif dom­i­nant est de dimin­uer les émissions ?

La poli­tique européenne ne devrait-elle pas laiss­er les États libres de fix­er le régime de l’élec­tric­ité — mono­pole ou non, entre­prise publique ou entre­prise privée, prix fixé par le marché ou par l’ad­min­is­tra­tion ? Si un État estime qu’un mono­pole de pro­duc­tion nucléaire, con­nais­sant bien son marché et dégagé de la pres­sion con­cur­ren­tielle, sera à la fois plus effi­cace et plus sûr, pourquoi l’empêcher de faire ce choix ?

Même si chaque pays choisit indépen­dam­ment sa pro­pre poli­tique (le droit européen leur en laisse la pos­si­bil­ité), les coopéra­tions sont possibles.

La coopéra­tion com­mu­nau­taire ne per­met pas de répon­dre à la diver­sité des sit­u­a­tions nationales et les « coopéra­tions ren­for­cées » sont très dif­fi­ciles à met­tre en œuvre.

Une coopération européenne d’un type nouveau

Le pro­jet de traité con­sti­tu­tion­nel com­por­tait quelques arti­cles sur la coopéra­tion en matière de défense et de sécu­rité com­mune, appelée « coopéra­tion struc­turée ». Il s’ag­it d’une coopéra­tion entre États qui se choi­sis­sent et fix­ent eux-mêmes les règles de leur coopéra­tion. Il n’y aurait pas grand-chose à chang­er à ces arti­cles pour sus­citer et encadr­er des coopéra­tions dont le but serait de beau­coup dimin­uer les émis­sions de gaz car­bonique tout en ren­forçant la sécu­rité énergé­tique : ces coopéra­tions béné­ficieraient de con­di­tions spé­ci­fiques, non seule­ment tech­niques mais aus­si com­mer­ciales et finan­cières, néces­saires à leur réal­i­sa­tion, qui devraient pou­voir être dif­férentes, en tant que de besoin, des règles com­mu­nau­taires. Elles fédér­eraient les com­pé­tences et les poten­tiels d’en­tre­pris­es européennes liées de divers­es façons aux États qui auront décidé de tra­vailler ensem­ble comme ils l’ont décidé dans le domaine de l’aéro­nau­tique, du spa­tial et, pro­gres­sive­ment, de l’arme­ment. Une telle coopéra­tion struc­turée, por­tant par exem­ple sur la ges­tion de monopoles de pro­duc­tion d’élec­tric­ité serait plus effi­cace et plus équitable que de laiss­er faire des oli­gop­o­les privés, au nom de la sacro sainte concurrence.

Autre exem­ple : fix­ant le prix de l’élec­tric­ité et celui du car­bu­rant pétroli­er (pas néces­saire­ment au même niveau dans tous les pays), cette coopéra­tion créerait un vaste marché européen des véhicules élec­triques ou hybrides, don­nant à la con­struc­tion auto­mo­bile européenne une très forte base indus­trielle et commerciale.

La con­struc­tion de cen­trales nucléaires, la pro­duc­tion de bio­car­bu­rant, la recherche pour l’élec­tric­ité pho­to­voltaïque et bien d’autres chantiers seront autant de ter­rains pour des coopéra­tions tech­nologiques et indus­trielles qui auront pour marché le monde entier.

Le poids des déci­sions politiques
La lutte con­tre l’effet de serre pose une autre jolie ques­tion d’économie poli­tique : des marchés très impor­tants seront créés, non pas par l’évolution du prix du pét­role, ni par l’évolution tech­nique, ni par la dynamique pro­pre au marché mais par des déci­sions poli­tiques (un impôt sur l’énergie fos­sile, des régle­men­ta­tions, des inci­ta­tions). Com­ment con­va­in­cre les entre­pris­es et les pour­voyeurs de finance­ment d’investir dès aujourd’hui dans des marchés dont l’existence dépend de déci­sions publiques à pren­dre dans les années et les décen­nies à venir ?
Le prob­lème étant nou­veau (du moins de cette ampleur), il ne serait pas éton­nant qu’il soit néces­saire de pren­dre des déci­sions nationales incom­pat­i­bles avec le droit com­mu­nau­taire tel qu’il existe aujourd’hui.
Par exem­ple, com­ment con­va­in­cre les con­struc­teurs de véhicules d’investir aujourd’hui pour répon­dre à une demande de véhicules élec­triques ou hybrides recharge­ables qui n’apparaîtra que lorsque le prix du gazole aura atteint 1,5 euro le litre, le prix de l’électricité étant cal­culé sur le prix de revient ? L’un et l’autre dépen­dent de déci­sions de l’État.

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