Adrien Chavanne (07) commandant la 3e Compagnie du 3e RPIMa à Carcassonne.

Polytechnicien et officier parachutiste

Dossier : Le Grand Magnan 2017Magazine N°727 Septembre 2017
Par Adrien CHAVANNE (07)

Comme ma famille ne com­porte aucun mili­taire, mon expé­rience de l’armée se limi­tait au stage de pre­mière année à l’École, soit une for­ma­tion ini­tiale à Bar­ce­lon­nette, deux mois de for­ma­tion à l’École des fusi­liers marins à Lorient avant le stage de for­ma­tion humaine et mili­taire au com­man­do Hubert à Saint-Mandrier. 

Puis en deuxième année, j’eus la chance d’encadrer l’incorporation des 2009 à La Cour­tine. Ces périodes ont nour­ri ma déci­sion de rejoindre la « Grande Muette ». En 2010, alors que la plu­part de mes cama­rades rejoignent une école d’application, je rejoins mon « école d’appli », l’École de l’infanterie, fraî­che­ment démé­na­gée à Draguignan. 

La for­ma­tion assez dense se concentre sur le sport, le tir et la tac­tique pour le volet opé­ra­tion­nel, sur la ges­tion des mili­taires du rang et des sous-offi­ciers pour le volet des res­sources humaines. 

DU GABON À LA RCA

À l’été 2011, jeune lieu­te­nant, je rejoins le 8e Régi­ment de Para­chu­tistes d’Infanterie de Marine (RPI­Ma), situé à Castres dans le Tarn. 

Le par­cours clas­sique de l’officier direct dure trois ans en tant que chef de sec­tion, incluant si pos­sible une pro­jec­tion (c’est-à-dire une inter­ven­tion hors de fron­tières) et une phase de for­ma­tion ini­tiale (les « classes »), cette durée équi­va­lant à celle du grade de lieu­te­nant avant le pas­sage au grade de capi­taine (durée réduite à deux ans pour les Polytechniciens). 

“ En novembre 2012, je suis projeté à Bangui, sur le camp de M’Poko ”

Lors de ma pré­pa­ra­tion à ma nou­velle affec­ta­tion, le chef de corps m’annonce mon départ aux classes dès mon arri­vée au régi­ment. En octobre 2011, je pré­pare donc cette incor­po­ra­tion avec la base arrière de la 2e com­pa­gnie, pro­je­tée au Gabon. Le contexte appa­raît défa­vo­rable, puisque les cadres savent qu’ils manquent une pro­jec­tion et que, lorsque les classes se ter­mi­ne­ront, la com­pa­gnie sera à peine ren­trée, repous­sant la pro­chaine projection. 

Les aléas de la pro­gram­ma­tion me sou­rient puisque je rejoins une autre com­pa­gnie avec ma sec­tion de jeunes recrues, la 1re com­pa­gnie, dont la pro­jec­tion en Répu­blique cen­tra­fri­caine (RCA) est pré­vue en novembre 2012. 

La pré­pa­ra­tion tac­tique se foca­lise alors sur le pays, ses envi­rons et les mis­sions pos­sibles, telles que l’évacuation de ressortissants. 

En novembre 2012, je suis donc pro­je­té avec ma com­pa­gnie à Ban­gui, sur le camp de M’Poko. Rapi­de­ment, les consignes me sont don­nées, comme le rythme de la mis­sion. La sec­tion monte la garde, prend l’alerte, patrouille en ville, s’instruit et se repose. 

Durant les quatre mois de mis­sion, une à deux tour­nées de pro­vince (TP) sont pré­vues, d’une durée d’une semaine dans les vil­lages de pro­vince, en auto­no­mie com­plète avec la section. 

Les recrues étant encore jeunes, l’effort est main­te­nu sur l’instruction à tra­vers la réa­li­sa­tion d’un cer­ti­fi­cat tech­nique élé­men­taire (CTE).

Le rythme s’alourdit alors, pour les cadres comme pour la troupe, mais la capa­ci­té opé­ra­tion­nelle s’en trouve augmentée. 

« TOURNÉES EN PROVINCE »

La pre­mière TP est pré­pa­rée avec soin, la sec­tion par­tant avec les vivres, le sou­tien logis­tique et médi­cal pour une semaine. Mais la cha­leur, la pous­sière et l’état des routes ralen­tissent nos véhi­cules. Après un long dépla­ce­ment, la sec­tion s’installe dans un vil­lage dans un ter­rain vague. 

Com­mencent alors les dif­fé­rents échanges. Les infir­miers par­tagent avec les sou­tiens sani­taires locaux, les groupes partent patrouiller dans les envi­rons pen­dant que j’échange avec le chef du vil­lage et ses adjoints. 

“ Tensions, missions imprévues, adaptation perpétuelle, imposent une remise en question permanente ”

La semaine s’écoule et se ter­mine par le tra­di­tion­nel match de foot­ball entre mili­taires et locaux, la mani­fes­ta­tion atti­rant l’ensemble des vil­lages aux alentours. 

Au retour de la TP, des inci­dents éclatent à Ban­gui, à l’ambassade, après l’avancée dans le pays de la coa­li­tion rebelle, la Sélé­ka. Le rythme de la mis­sion change bru­ta­le­ment, comme la posture. 

La garde est alors mon­tée dans les points névral­giques et des ren­forts sont envoyés depuis le Gabon. La mis­sion prend tout son sens, le risque d’évacuation de res­sor­tis­sants res­tant éle­vé. Pen­dant plu­sieurs semaines, le quo­ti­dien devient plus rus­tique, le confort est oublié et la fatigue s’installe progressivement. 

Après un retour au calme, la sec­tion repart en TP pour la seconde fois et ter­mine son CTE avant le retour en France. 

LA RCA, DE NOUVEAU

En 2013, je rejoins avant l’été la Com­pa­gnie de Com­man­de­ment et de Logis­tique (CCL) comme offi­cier adjoint en rai­son de mon pas­sage au grade supé­rieur. En novembre 2013, les ten­sions en RCA poussent la Force à déclen­cher des renforts. 

Je suis alors à nou­veau pro­je­té en RCA mais cette fois en tant que « sou­tien » et non en tant que « mêlée », qui reste mon cœur de métier. La pro­jec­tion est alors bien plus lourde en moyens, le départ se fait par voie mari­time avec nos véhi­cules de Tou­lon au Came­roun, puis par voie fer­rée jusqu’à la fron­tière avec la RCA, puis par voie rou­tière à tra­vers la RCA. 

Le convoi voyage plus de trois jours à tra­vers l’immensité du pays, les vil­lages pour la plu­part étant aban­don­nés suite aux mul­tiples exac­tions. Le tra­jet se révèle dif­fi­cile pour les véhi­cules, la ten­sion et la vigi­lance du per­son­nel res­tent maxi­males après la mort début décembre 2013 de deux para­chu­tistes de la pre­mière compagnie. 

Arri­vés à Ban­gui, les spé­cia­listes tra­vaillent alors sans relâche, dans la répa­ra­tion et l’entretien des véhi­cules, dans les ravi­taille­ments comme dans l’évacuation de civils. 

Je m’adapte rapi­de­ment aux dif­fé­rents domaines de spé­cia­li­té ain­si qu’au tra­vail inter­armes. L’ambiance dans le camp est élec­trique, le rythme des patrouilles et la ten­sion géné­rale res­tant éle­vés. Je retrouve mon ancienne sec­tion érein­tée par la mis­sion, attris­tée par la mort des camarades. 


Depuis le 28 juin 2016, Adrien Cha­vanne (2007) com­mande la 3e Com­pa­gnie du 3e RPI­Ma à Carcassonne.

Les deux com­pa­gnies du 8e RPI­Ma cumulent plu­sieurs mois de mis­sion à mon arri­vée et, si le rythme des patrouilles ne fai­blit pas, les capa­ci­tés logis­tiques du camp en sont for­te­ment réduites. 

La capi­tale est éga­le­ment mar­quée par le conflit, la popu­la­tion accepte dif­fi­ci­le­ment la pré­sence de la force. Le quo­ti­dien amène son lot de ten­sions, de mis­sions impré­vues, d’adaptation per­pé­tuelle, qui imposent une remise en ques­tion permanente. 

DU 8e RPIMa AU 3e RPIMa

Enfin, en jan­vier 2014, je repars en France pour pour­suivre mon cur­sus de for­ma­tion, aban­don­nant ma com­pa­gnie avant la fin de la mis­sion, me pré­pa­rant à ma future fonc­tion de com­man­dant d’unité.

En juillet 2014, je rejoins le dépar­te­ment de la Réunion au 2e RPI­Ma en tant que chef de sec­tion. J’effectue pen­dant plu­sieurs semaines une mis­sion sur l’île Éparse Juan de Nova (dans le canal du Mozam­bique) avec un déta­che­ment de 14 mili­taires. Le cadre para­di­siaque et les tor­tues per­mettent d’oublier tem­po­rai­re­ment la « Centraf’ ». 

En 2015, je deviens offi­cier adjoint de la CCL et res­pon­sable de l’île Éparse Europa. 

J’effectue éga­le­ment un déta­che­ment d’instruction opé­ra­tion­nelle (DIO) de quatre semaines en Zam­bie, période enri­chis­sante par l’échange avec un pays afri­cain pos­sé­dant un pas­sé colo­nial britannique. 

Depuis le 28 juin 2016, j’ai l’honneur de com­man­der la 3e Com­pa­gnie du 3e RPI­Ma à Car­cas­sonne. J’ai effec­tué deux man­dats dans le cadre de la mis­sion « Sen­ti­nelle » en région pari­sienne et serai pro­chai­ne­ment pro­je­té avec ma compagnie.

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