L’automobile et l’automobiliste

Dossier : L'automobileMagazine N°557 Septembre 2000
Par Christian GERONDEAU (57)

Le siècle de l’automobile

À bien des égards, l’his­toire de notre pays au cours du siè­cle écoulé est indis­so­cia­ble de celle de l’automobile.

L’Alle­magne et la France se dis­putent la pater­nité de la pre­mière auto­mo­bile, aux alen­tours de 1890. Mais il ne fait aucun doute que notre pays fut celui qui adop­ta le plus vite et avec le plus d’en­t­hou­si­asme le nou­veau mode de trans­port, sinon de vie.

À deux repris­es, pen­dant le pre­mier con­flit mon­di­al, les véhicules auto­mo­biles nous sauvèrent de la défaite.

Entre les deux guer­res, l’é­conomie française se rel­e­va avec dif­fi­culté. La grande crise aggra­va les choses. Les sta­tis­tiques de la pro­duc­tion (env­i­ron 200 000 voitures par an) et du parc en témoignent. À la veille du sec­ond con­flit mon­di­al, avec un parc de 2,3 mil­lions de véhicules dont 1,8 mil­lion de voitures, l’au­to­mo­bile restait l’a­panage d’une minorité (1 foy­er sur 7), con­traire­ment à ce qui se pas­sait à la même époque aux États-Unis où 2 foy­ers sur 3 en pos­sé­daient au moins une.

Il fal­lut atten­dre la fin du sec­ond con­flit mon­di­al pour que les choses changent. À l’is­sue de celui-ci, la France ne pos­sé­dait certes qu’un parc de véhicules très réduit. En 1950, celui-ci n’at­teignait tou­jours que 1 600 000 voitures, soit 1 pour 8 foy­ers, et la pro­duc­tion annuelle des firmes français­es d’au­to­mo­biles n’ex­cé­dait pas 250 000 véhicules. Mais tout alla ensuite très vite, le parc s’él­e­vant à 5 000 000 de voitures en 1960, 12 000 000 en 1970, 18 500 000 en 1980, 23 000 000 en 1990, pour attein­dre 27 500 000 en l’an 2000, soit 1,2 voiture par foy­er. Dans les foy­ers dont les mem­bres ont entre 25 et 50 ans, le taux s’élève aujour­d’hui à 1,6 et il con­tin­ue à croître.

La sec­onde moitié du XXe siè­cle fut donc, en France comme dans les autres pays d’Eu­rope occi­den­tale, celle de la démoc­ra­ti­sa­tion de l’au­to­mo­bile. L’ac­cès aux mul­ti­ples avan­tages qu’elles pro­curent n’y est plus aujour­d’hui réservé à une minorité, mais à la qua­si-total­ité de la pop­u­la­tion. Les enquêtes les plus récentes révè­lent ain­si que plus de 85 % des Français et des Français­es de plus de 18 ans ont une voiture à leur dis­po­si­tion per­son­nelle pour leurs déplace­ments, le pour­cent­age approchant 100 % en province pour ceux qui ont entre 30 et 50 ans.

Une qualité de vie nouvelle

À l’aube du siè­cle qui s’ou­vre, un exa­m­en objec­tif des choses con­duit à dress­er sur tous les plans, à une excep­tion près, un bilan éminem­ment posi­tif de l’im­pact de l’au­to­mo­bile sur notre société. Celle-ci est quo­ti­di­en­nement plébisc­itée par nos conci­toyens qui l’u­tilisent mas­sive­ment pour aller tra­vailler, faire leurs cours­es, ren­dre vis­ite à leur famille ou leurs amis, ou se déplac­er à l’oc­ca­sion de leurs loisirs. Plus de 90 % d’en­tre eux déclar­ent qu’elle est un élé­ment cen­tral de leur liber­té. Aujour­d’hui, 85 % des déplace­ments motorisés qui pren­nent place dans notre pays ont recours à l’au­to­mo­bile. En Île-de-France, la pro­por­tion cor­re­spon­dante atteint 70 %, les trans­ports en com­mun en assur­ant pour leur part 27 %. L’au­to­mo­bile et la route con­stituent, au sens pro­pre du terme, le pre­mier sys­tème de trans­port col­lec­tif de notre époque.

Grâce aux efforts des généra­tions antérieures qui l’ont doté d’un réseau autorouti­er et routi­er remar­quable, notre pays est aujour­d’hui l’un de ceux où l’on se déplace le plus facile­ment en voiture, comme en témoigne l’é­ton­nante brièveté des temps de par­cours quo­ti­di­ens, y com­pris dans la région cap­i­tale, pour­tant d’une den­sité sans équiv­a­lent dans le monde dévelop­pé. Chaque déplace­ment en voiture requiert en moyenne dans notre pays 16 min­utes de porte à porte con­tre 36 pour les trans­ports en com­mun, les chiffres cor­re­spon­dant étant de 19 et 43 min­utes pour l’Île-de-France, et c’est là l’o­rig­ine de son suc­cès : la voiture per­met l’ac­cès à de mul­ti­ples activ­ités nouvelles.

Prof­i­tant de ces mêmes infra­struc­tures, de vastes super­fi­cies ont été ouvertes à l’ur­ban­i­sa­tion, l’au­to­mo­bile per­me­t­tant à la plus grande masse d’avoir accès à plus d’e­space et à un mode de vie plus déten­du et moins stressé, ce qui cor­re­spond à ses souhaits pro­fonds. 90 % des Français se déclar­ent aujour­d’hui sat­is­faits de l’en­droit où ils habitent.

Ce qui est vrai pour les déplace­ments quo­ti­di­ens l’est égale­ment pour les déplace­ments de moyenne dis­tance. Il fal­lait autre­fois aux sou­verains les plus puis­sants des jours entiers pour par­courir quelques cen­taines de kilo­mètres. Le même par­cours peut être aujour­d’hui effec­tué en quelques heures dans des con­di­tions de con­fort incom­pa­ra­bles par des dizaines de mil­lions de per­son­nes, en util­isant en par­ti­c­uli­er les autoroutes.

Grâce aux efforts des indus­triels de l’au­to­mo­bile et des car­bu­rants, la pol­lu­tion de l’air sus­cep­ti­ble d’avoir un impact sur la san­té est en régres­sion dras­tique, les véhicules mod­ernes émet­tant selon les pro­duits, de 10 à 100 fois moins de pol­lu­ants que ceux d’il y a vingt ans.

Enfin, loin de se détéri­or­er, les con­di­tions de cir­cu­la­tion ont eu ten­dance au con­traire à s’amélior­er au cours des années récentes. De 1982 à 1994, la durée moyenne des déplace­ments en voiture est restée con­stante à 16 min­utes, alors que les dis­tances moyennes par­cou­rues sont passées de 29 à 35 kilo­mètres (Enquêtes Trans­ports INSEE). En région Île-de-France, la durée moyenne des déplace­ments a même dimin­ué de 3 min­utes au cours de la dernière décennie.

Comme le parc auto­mo­bile ne se développe doré­na­vant que très mod­éré­ment, tout indique que notre pays a su faire face avec suc­cès à la démoc­ra­ti­sa­tion de l’au­to­mo­bile, ayant sur­mon­té le plus gros de la crois­sance du traf­ic. Nor­male­ment, les choses ne devraient aller qu’en s’amélio­rant car plusieurs phénomènes vertueux sont à l’œu­vre. Les besoins nou­veaux sont exclu­sive­ment local­isés à la périphérie des villes et entre elles ; ils sont le fait de la deux­ième ou de la troisième voiture ; ils se dévelop­pent surtout aux heures creuses. Autrement dit, la sit­u­a­tion est claire­ment ” durable ” si on ne l’empêche pas de l’être.

Une curieuse schizophrénie

Mais il se passe un phénomène étrange. Au moment même où le cap dif­fi­cile est franchi, de mul­ti­ples voix s’élèvent pour affirmer le con­traire. L’opin­ion publique elle-même hésite.

Par leurs com­porte­ments, nos conci­toyens mon­trent quo­ti­di­en­nement leur attache­ment indé­fectible à l’au­to­mo­bile. Mais, lorsqu’on leur demande leur opin­ion sur son futur, ils sem­blent douter. Selon un sondage récent, 89 % des Français affir­ment ain­si que ” Les trans­ports publics, c’est l’avenir “. Pour leur part, 80 % des Français­es déclar­ent qu’il serait souhaitable ” que la voiture soit inter­dite en ville “.

Ceci n’empêche pas la qua­si-total­ité (96 %) de ces mêmes Français et Français­es, lorsqu’ils ont une voiture à leur dis­po­si­tion, de choisir celle-ci pour se déplac­er de préférence aux trans­ports en com­mun. La seule excep­tion notable con­cerne le cen­tre de la région parisi­enne, qui con­stitue un cas non trans­pos­able, et où vivent moins de 10 % des Français.

Ceci n’empêche pas non plus que la pro­por­tion de nos com­pa­tri­otes qui se déclar­ent, comme le récla­ment haut et fort les mou­ve­ments écol­o­gistes, favor­ables à une hausse des prix des car­bu­rants pour réduire la cir­cu­la­tion auto­mo­bile de s’élever à… 3 %.

Une telle inco­hérence a plusieurs explications.

La pre­mière tient à la dif­férence qui sépare un con­cept abstrait, et qui n’en­gage per­son­ne, de la réal­ité. Don­ner la pri­or­ité aux trans­ports publics, souhaiter des villes sans voiture, pourquoi pas ? Mais la réal­ité est là. Lorsqu’on demande aux mêmes Français­es si elles seraient d’ac­cord pour qu’on inter­dise la voiture dans le quarti­er où elles habitent, y com­pris pour elles, le pour­cent­age d’ap­pro­ba­tion passe de 80 % à… 10 %.

Une autre des caus­es sus­cep­ti­bles d’ex­pli­quer les doutes de nos com­pa­tri­otes est plus mys­térieuse. Par­faite­ment con­scients des béné­fices qu’ils en retirent pour eux-mêmes, ceux-ci sous-esti­ment très forte­ment les avan­tages qui découlent du recours à la voiture pour les autres. De mul­ti­ples enquêtes ont mon­tré que la durée moyenne des déplace­ments entre domi­cile et lieu de tra­vail n’ex­cé­dait pas, pour ceux qui utilisent l’au­to­mo­bile, 18 min­utes au niveau nation­al, et 25 min­utes en région Île-de-France.

Pour­tant, lorsqu’on inter­roge ces mêmes Français sur ce qu’ils pensent être cette durée, leurs répons­es s’étab­lis­sent en moyenne à respec­tive­ment 38 min­utes et 1 h 20. Plus de deux fois la réal­ité dans un cas, et plus de trois fois dans l’autre ! S’agis­sant de la région Île-de-France, la majorité de ses habi­tants pense même que les déplace­ments en voiture requièrent plus de temps qu’en trans­ports en com­mun, alors qu’ils sont en moyenne deux fois plus brefs. Au niveau nation­al, 7 % seule­ment des Français déclar­ent ren­con­tr­er habituelle­ment beau­coup d’en­com­bre­ments sur le chemin de leur lieu de tra­vail. Mais, lorsqu’on inter­roge nos com­pa­tri­otes, ils éval­u­ent cette pro­por­tion à 49 %, soit sept fois plus.

Les apparences sont donc trompeuses. La véri­ta­ble rai­son du suc­cès de l’au­to­mo­bile, sa fac­ulté excep­tion­nelle d’as­sur­er des déplace­ments de porte à porte dans des temps avec lesquels ne peu­vent le plus sou­vent rivalis­er les autres modes de trans­port, est mécon­nue du plus grand nom­bre. Nos com­pa­tri­otes pren­nent leur voiture, mais ils ne savent pas vrai­ment pourquoi.

Ayant ain­si une vision fausse et pes­simiste des choses, per­suadés de sur­croît que celles-ci se dégradent dans le temps alors qu’il n’en est rien, on com­prend que nos conci­toyens se déclar­ent inqui­ets quant à l’avenir de l’automobile.

Des oppositions organisées

Mais il faut dire que cette vision pes­simiste est soigneuse­ment entretenue par des groupes de pres­sion qui y trou­vent intérêt, ou qui en sont eux-mêmes si con­va­in­cus qu’ils ne peu­vent pas croire qu’il en aille autrement.

Le pre­mier d’en­tre eux est for­mé des héri­tiers de la tra­di­tion rousseauiste, qui ont fait de l’é­colo­gie un sub­sti­tut de reli­gion. Pour eux, l’homme ne peut que dégrad­er un état naturel idéal. Au pre­mier rang des sym­bol­es mêmes de la nociv­ité de l’homme mod­erne fig­urent deux des pro­grès tech­niques qui ont mar­qué notre siè­cle : l’au­to­mo­bile et l’u­til­i­sa­tion paci­fique de l’atome. Il est inutile d’es­say­er de mon­tr­er à cette minorité prosé­lyte que les faits ne cor­re­spon­dent pas à ce qu’elle imag­ine et que les choses se passent glob­ale­ment bien. Elle fait fi des faits. Seules les idées l’in­téressent, sans qu’une quel­conque con­nex­ion avec la réal­ité soit néces­saire. Ses représen­tants deman­dent ain­si que tout soit mis en œuvre pour réduire l’usage de l’au­to­mo­bile par principe quitte eux-mêmes à y avoir abon­dam­ment recours.

À côté de ce groupe de pres­sion à moti­va­tion idéologique, il en existe un autre, d’une nature dif­férente, for­mé de ceux qui œuvrent pour les trans­ports publics. Il faut dire que ces derniers vivent depuis des décen­nies des temps dif­fi­ciles. Au fur et à mesure de la démoc­ra­ti­sa­tion de l’au­to­mo­bile, leur clien­tèle a eu ten­dance à stag­n­er, voire à se restrein­dre. Il n’y a donc rien d’é­ton­nant à ce qu’ils voient dans la voiture un enne­mi naturel, et que beau­coup d’en­tre eux aient ten­dance à l’af­fubler de tous les maux, y com­pris dans les cam­pagnes pub­lic­i­taires payées par le con­tribuable qui cou­vrent nos murs et nos écrans. N’y est-il pas abon­dam­ment affir­mé que l’air que nous respirons est irres­pirable, même si tous les indi­ca­teurs nous mon­trent qu’il n’a jamais été aus­si pur depuis le Sec­ond Empire du fait des efforts de tous ? Dans une ville comme Paris, les lichens qui avaient dis­paru des arbres de nos boule­vards et de nos avenues sous Napoléon III y sont main­tenant revenus…

Les deux groupes de pres­sion — écol­o­gistes et défenseurs des trans­ports publics — ont enfin trou­vé leur ter­rain d’élec­tion au sein de la sphère publique qu’ils ont presque monop­o­lisée. Celle-ci, dans sa très grande majorité, est aujour­d’hui large­ment hos­tile, sinon ouverte­ment à l’au­to­mo­bile, du moins à son usage.

Il suf­fit pour s’en con­va­in­cre de regarder l’avenir que nous pré­par­ent les ” Plans de déplace­ments urbains ” actuelle­ment en cours d’élab­o­ra­tion pour les aggloméra­tions de plus de 100 000 habi­tants. Ceux-ci sont élaborés en appli­ca­tion de la loi sur l’air votée sous l’in­flu­ence des mou­ve­ments écol­o­gistes, qui stip­ule qu’ils doivent avoir comme objec­tif pre­mier ” la réduc­tion de la cir­cu­la­tion auto­mo­bile “. Or un tel objec­tif est par­faite­ment irréal­iste au moment où les ventes de véhicules neufs bat­tent tous les records. Pour que cette loi ait une chance d’être appliquée, il aurait fal­lu qu’elle prévoie simul­tané­ment une inter­dic­tion ou une lim­i­ta­tion des ventes de véhicules, ou encore une mul­ti­pli­ca­tion mas­sive du prix des car­bu­rants, ce qu’elle n’a fort heureuse­ment pas fait.

Faute qu’il en soit ain­si, les Plans de déplace­ments urbains en élab­o­ra­tion dans beau­coup de villes pré­conisent pour réduire le traf­ic de procéder à la diminu­tion organ­isée de la capac­ité des voiries, dans le vain espoir que cette opéra­tion entraîn­era un trans­fert de l’usage de la voiture vers les trans­ports en com­mun et qu’elle per­me­t­tra d’ap­pli­quer une loi inapplicable.

Comme l’a déclaré à la presse la Direc­trice régionale des trans­ports de l’Île-de-France : ” L’amélio­ra­tion des trans­ports en com­mun ne suf­fi­ra pas à dis­suad­er les auto­mo­bilistes de pren­dre le volant. Il fau­dra égale­ment réduire l’e­space disponible pour l’au­to­mo­bile. Avec les couloirs de bus, les pistes pour vélos, et l’élar­gisse­ment des trot­toirs, les temps de tra­jet en voiture s’al­longeront et les autres modes devien­dront plus intéressants. ”

Or l’au­to­mo­bile assure dans la région cap­i­tale 70 % des déplace­ments motorisés, la pro­por­tion atteignant même 89 % en grande ban­lieue. Autrement dit, pour la pre­mière fois de notre his­toire, l’ob­jec­tif affiché par les respon­s­ables des trans­ports, en Île-de-France comme dans beau­coup d’en­droits, est de détéri­or­er les con­di­tions de déplace­ment de la grande majorité de nos conci­toyens, ce qui aura néces­saire­ment pour con­séquences d’ac­croître leur péni­bil­ité de vie, et acces­soire­ment d’aug­menter la pol­lu­tion en dévelop­pant la con­ges­tion, le tout au nom d’une loi sur la qual­ité de l’air.

Un danger réel

La chose serait ris­i­ble si elle n’é­tait grave. Cha­cun peut con­stater qu’en de nom­breux endroits s’en­ga­gent aujour­d’hui des opéra­tions de diminu­tion de la capac­ité routière par rétré­cisse­ment de l’e­space disponible, créant sou­vent d’inex­tri­ca­bles encom­bre­ments là où il n’y en avait pas. Ces opéra­tions peu­vent être pleine­ment jus­ti­fiées dans cer­tains quartiers rési­den­tiels ou cen­tres-villes où la sit­u­a­tion des pié­tons et des riverains le requiert. Mais cette manière de faire, met­tant à mal le fruit des travaux des généra­tions passées, détéri­ore ailleurs inutile­ment les con­di­tions de trans­port de la majorité de nos conci­toyens, et d’abord des plus mod­estes qui, bien sou­vent, ont plus besoin de la voiture que les habi­tants aisés des quartiers centraux.

Toutes les villes français­es d’une cer­taine dimen­sion s’en­ga­gent aujour­d’hui dans la réal­i­sa­tion de métros ou plus sou­vent de tramways. Il n’y aurait rien à redire si beau­coup d’en­tre elles ne fai­saient coïn­cider ces travaux avec une restric­tion de la capac­ité de la voirie, dans l’e­spoir que les auto­mo­bilistes aban­don­neront alors leur voiture. S’ils le croient, les respon­s­ables se trompent lour­de­ment. Il n’ex­iste pas un seul cas au monde où le développe­ment des investisse­ments de trans­port en com­mun ait entraîné une réduc­tion de la cir­cu­la­tion routière. Les flux sont indépen­dants. Il ne s’ag­it pas de vas­es com­mu­ni­cants. En province notam­ment, l’ex­péri­ence mon­tre que seuls ou presque ont recours aux trans­ports en com­mun, même les plus mod­ernes, ceux qui n’ont pas accès à la voiture.

Certes, il faut des trans­ports en com­mun, et per­son­ne n’a jamais prôné le ” tout auto­mo­bile “. Mais, l’au­to­mo­bile con­tin­uera à être le mode de trans­port social de référence, assur­ant partout, sauf au cen­tre de la région parisi­enne, la très grande majorité des déplace­ments motorisés. Si l’on ne veut pas que ses con­di­tions d’u­til­i­sa­tion se dégradent au détri­ment de la qual­ité de vie de la masse de nos conci­toyens, il fau­dra aban­don­ner une approche idéologique au prof­it d’une démarche rationnelle, qui parte de la réal­ité des faits et non de clichés préconçus.

À cette con­di­tion, la France con­tin­uera d’être, comme elle l’est depuis un siè­cle, une des ter­res d’élec­tion de l’ex­cep­tion­nel out­il d’amélio­ra­tion de la vie que con­stitue pour la très grande majorité l’au­to­mo­bile, à laque­lle nos conci­toyens ne sont nulle­ment prêts à renoncer.

Un défi qui subsiste

Il est impos­si­ble enfin, au milieu de ce tableau, de pass­er sous silence la seule con­trepar­tie majeure de l’au­to­mo­bile et c’est par elle qu’il faut ter­min­er. Les acci­dents de la route demeurent un drame de notre société, tout par­ti­c­ulière­ment dans notre pays où ils sont pour l’in­stant plus mal maîtrisés qu’ailleurs.

Il serait utopique de penser sup­primer totale­ment ou presque les acci­dents, comme c’est le cas pour d’autres modes de trans­port. La présence sur les routes de dizaines de mil­lions de véhicules, con­duits par des dizaines de mil­lions de per­son­nes ayant cha­cune leurs lim­ites physiques et psy­chologiques inter­dit cette per­spec­tive. Comme il est exclu d’en­vis­ager de sup­primer les acci­dents en sup­p­ri­mant la cir­cu­la­tion, ce qui aurait pour con­séquence inéluctable de paral­yser toute activ­ité économique et sociale et présen­terait de mul­ti­ples autres incon­vénients, il est du devoir de notre société de tout met­tre en œuvre pour réduire au strict min­i­mum cette con­trepar­tie néga­tive du mode de trans­port que plébisci­tent nos concitoyens.

Heureuse­ment, sur la longue péri­ode, les acci­dents sont en diminu­tion puisque le nom­bre des vic­times est deux fois moin­dre qu’il y a trente ans, pour un traf­ic qui a plus que dou­blé. Mais il reste beau­coup à faire, et les efforts accom­plis dans notre pays sont encore très insuff­isants en regard d’un enjeu économique et surtout humain qui reste insup­port­able. C’est là le défi majeur des années à venir, celui qui, plus que tout autre, doit mobilis­er les efforts de tous.

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