PIOTR ILLITCH TCHAÏKOVSKI

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°671 Janvier 2012Par : Orchestre du théâtre Mariinsky, direction Valery GergievRédacteur : Marc Darmon (83)

L’orchestre du théâtre Mari­in­sky de Saint-Péters­bourg est une des plus anci­ennes insti­tu­tions musi­cales d’Europe, dont l’origine plonge au début du XVIIIe siè­cle. Dirigé par les plus grands chefs de la fin du XIXe siè­cle et du XXe siè­cle, il fit la créa­tion de nom­breuses oeu­vres et opéras de Tchaïkovs­ki, Prokofiev, Rim­s­ki- Kor­sakov et Mous­sorgs­ki. Renom­mé théâtre du Kirov pen­dant la péri­ode sovié­tique, il a repris son nom dans les années 1990. L’arrivée du grand Valery Gergiev à sa tête il y a vingt-cinq ans s’est con­juguée avec l’ouverture du pays à l’extérieur et à l’économie privée. L’orchestre et son chef sont désor­mais un des ensem­bles les plus atten­dus et demandés dans le monde. Les enten­dre, et les voir, dans ce qui est un des som­mets du monde sym­phonique russe est une for­mi­da­ble occa­sion d’en com­pren­dre les raisons objectives.

Coffret du DVD de Valery GergievCes trois sym­phonies com­posées entre 1877 et 1893 ont la par­tic­u­lar­ité com­mune d’être mar­quées par l’émotion trag­ique, Tchaïkovs­ki faisant ressen­tir aux audi­teurs son pathos, le poids du des­tin, du fatum dis­ait-il, sur ses épaules et celles des hommes, impres­sion qui ne quit­ta pas l’artiste entre son mariage raté pour cause d’homosexualité et sa mort mys­térieuse dix-sept plus tard, péri­ode où s’étend la com­po­si­tion de ces trois symphonies.

En tournée européenne, c’est de pas­sage salle Pleyel début 2010 que l’orchestre et Gergiev ont enreg­istré cette somme sous les caméras imag­i­na­tives d’Andy Som­mer (celui qui a réal­isé les mag­nifiques sonates de Beethoven par D. Baren­boïm, 6 DVD EMI). Sou­vent désor­mais, ces artistes pub­lient leurs dis­ques et DVD sous leur pro­pre label « Mariinsky ».

L’image per­met de prof­iter par­faite­ment du style orig­i­nal de direc­tion de Gergiev, avec des mains extrême­ment expres­sives et prob­a­ble­ment hyp­no­tiques pour l’orchestre, et les mou­ve­ments de l’ensemble de son corps, par­fois hal­lu­ciné. Les sym­phonies sont dirigées avec l’emphase et l’expressivité néces­saire à cette musique, avec vari­a­tions de tem­po con­tin­ues et des ral­len­tan­di à se damn­er. Ce n’est jamais vul­gaire mais tou­jours très « inter­prété ». Valery Gergiev, dans la très intéres­sante inter­view en bonus, explique com­bi­en la direc­tion d’une sym­phonie de Tchaïkovs­ki néces­site de com­plic­ité physique avec cette musique. Et la réal­i­sa­tion en image nous fait encore mieux ressen­tir cette leçon de direc­tion d’orchestre où une cen­taine de musi­ciens sont con­stam­ment soulevés vers plus d’expression (préférez le Blu-Ray, avec une image et un son encore supérieurs).

L’originalité de cer­tains mou­ve­ments (le scher­zo de la 4e Sym­phonie qui est entière­ment en pizzi­ca­to des cordes ou en solo des bois, le final de la 6e Sym­phonie qui est un ada­gio boulever­sant, la récur­rence du thème du fatum dans tous les mou­ve­ments de la 5e…) saute alors aux yeux. De plus, la réal­i­sa­tion enchaîne les mou­ve­ments sans nous mon­tr­er la pause entre les mou­ve­ments, où d’habitude les musi­ciens souf­flent mais où le pub­lic, en par­ti­c­uli­er à Paris, lance sou­vent un con­cours de toux : cet enchaîne­ment est une sit­u­a­tion idéale jamais réelle­ment atteinte en con­cert. Ce film est le moyen par­fait de décou­vrir ou de creuser ces sym­phonies grandioses.

Gergiev et le Mari­in­sky ont aus­si enreg­istré les trois pre­mières sym­phonies, qu’il nous a été don­né de vision­ner. Espérons qu’elles soient un jour disponibles, car dans ce réper­toire bien plus rarement joué, Gergiev fait extrême­ment bien ressor­tir la moder­nité de ces trois œuvres surnom­mées Rêves d’hiver, Petite Russie et Polon­aise.

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