Okwind : Une énergie intelligente en circuit court

Okwind : une énergie intelligente en circuit court

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°781 Janvier 2023
Par Louis MAURICE

Pro­duire et con­som­mer une énergie verte dans un même lieu : c’est l’idée dévelop­pée par la société Okwind, grâce à un dis­posi­tif pho­to­voltaïque inno­vant. Entre­tien avec Louis Mau­rice, prési­dent d’Okwind.

À partir de quelle idée avez-vous créé Okwind ?

Nous avons fondé Okwind en 2009 avec l’idée de faire des généra­teurs d’énergie dédiés à l’autoconsommation. Nous avons com­mer­cial­isé nos pre­miers track­ers en 2014.

Qu’est-ce qu’un tracker et quelle est votre originalité à ce niveau ?

Un track­er est un généra­teur d’énergie. Dans le pho­to­voltaïque, la cap­ta­tion d’énergie solaire est à son opti­mum lorsque le ray­on est per­pen­dic­u­laire aux cristaux de sili­ci­um. Si l’on prend le cas de pan­neaux pho­to­voltaïques fix­es, attachés sur un toit par exem­ple, le meilleur ren­de­ment est à midi. Notre idée était donc de con­stru­ire une struc­ture por­tant les pan­neaux qui puisse suiv­re la tra­jec­toire du soleil, avec un ren­de­ment opti­mal quelles que soient l’heure et la sai­son. Par con­séquent, nous n’avons pas de pic de pro­duc­tion à midi. La courbe de pro­duc­tion est con­stante, s’il y a du soleil. Or, il est plus facile d’injecter de l’énergie dans un process avec une ten­sion con­stante plutôt qu’avec des ten­sions très variables.

Nous avons par ailleurs intro­duit la notion de « bifa­cial » : on récupère le ray­on­nement sur la face arrière des cel­lules. Ce qui fait que nous pro­duisons 70 à 80 % davan­tage qu’une instal­la­tion de pan­neaux fixes. 

Quels niveaux d’autonomie parvenez-vous à apporter à vos clients ?

Il y a quelques années, nous savions assur­er un taux d’autonomie énergé­tique pour nos clients de l’ordre de 30 %. Nous avons mis en œuvre des tech­niques de man­age­ment de l’énergie qui per­me­t­tent de l’utiliser avec une meilleure effi­cac­ité. Désor­mais, on atteint des taux de 50 % ou 60 %. 

Le man­age­ment de l’énergie est la capac­ité à utilis­er l’énergie disponible le mieux pos­si­ble. Il faut donc savoir l’utiliser au moment adéquat et/ou la stock­er. Nous util­isons des accu­mu­la­teurs qui per­me­t­tent de stock­er l’excédent d’énergie de l’installation pho­to­voltaïque, sous une forme ther­mique ou élec­trique. Ensuite, grâce à des sys­tèmes d’alarme et d’analyse, nos clients peu­vent con­trôler leur pro­duc­tion et con­som­ma­tion d’énergie, et utilis­er l’énergie pro­duite par le track­er de manière optimale.

“Notre but est de donner aux citoyens le maximum d’autonomie dans sa production d’énergie, et donc lui apporter les moyens de l’utiliser avec la plus grande efficience possible.”

Avec notre instal­la­tion, la sta­tion d’épuration de Rennes Métro­pole, par exem­ple, est autonome en énergie à hau­teur de 60 %. Rennes Métro­pole n’a donc plus qu’à acheter les 40 % restant au lieu de 100 % auparavant.

Il faut égale­ment not­er que nos dis­posi­tifs s’inscrivent par­faite­ment dans les poli­tiques RSE. Notre track­er pro­duisant presque deux fois plus d’énergie qu’un pan­neau clas­sique, l’installation émet env­i­ron deux fois moins de CO2. La moyenne du pho­to­voltaïque en France est de 43,9g de CO2 par kW/h pro­duit ; nous émet­tons 26g seulement.

Quel est le rôle de l’IA dans votre technologie ?

Nous avons une ving­taine d’ingénieurs en recherche et développe­ment, dont la moitié se con­sacre à l’aspect élec­tro-tech­nique, la mise au point des struc­tures, etc. Mais une grande par­tie de nos effec­tifs d’ingénieurs tra­vaille sur l’informatique indus­trielle, et notam­ment sur l’intelligence arti­fi­cielle. Il s’agit de faire les bons arbi­trages pour obtenir une meilleure effi­cience de la con­som­ma­tion de l’énergie disponible. Les appels de charge d’un process peu­vent être assez aléa­toires. Il faut donc que, par appren­tis­sage, on puisse met­tre sous charge tel ou tel élé­ment de con­som­ma­tion d’énergie du process, tout en respec­tant des con­flits d’intérêt. Entre la durée de vie de la bat­terie, son temps d’utilisation, et l’optimisation de l’énergie en ques­tion, il y a des arbi­trages à opér­er. C’est ce que rend pos­si­ble la capac­ité d’apprentissage de l’intelligence artificielle.

L’IA a donc un rôle important dans la problématique de l’efficience énergétique ?

Sa place est déter­mi­nante. Les process vont con­som­mer de manière très vari­able en fonc­tion de l’environnement : s’il fait froid, s’il fait chaud, s’il y a des nuages, etc. Il faut égale­ment pren­dre en compte la capac­ité de stock­age, et un marché qui se car­ac­térise par des cours très volatiles. La mul­ti­plic­ité de ces vari­ables con­damne les auto­mates sur ce type d’application, et ren­dent néces­saires le tra­vail par processeur et algorithmie.

Quels sont vos projets à l’heure actuelle ?

L’agrivoltaïsme est un aspect impor­tant de notre développe­ment. Il s’agit ici de con­cili­er la qual­ité de ren­de­ment agronomique des ter­res, équipées de track­ers, la qual­ité de la bio­di­ver­sité présente, la réversibil­ité de l’utilisation des sols, un partage équitable des revenus. Nous avons à ce niveau des con­trats de recherche avec le CNRS por­tant essen­tielle­ment sur les volets bio­di­ver­sité et ren­de­ment agronomique. Avec nos solu­tions l’agriculteur ne devrait pas per­dre un seul point de ren­de­ment agronomique en favorisant la bio­di­ver­sité. C’est ce à quoi nous pou­vons con­tribuer en per­me­t­tant de pro­duire de l’énergie sur des ter­res agri­coles sans les déna­tur­er. L’agriculture est donc pour nous une cible prioritaire.

Comment voyez-vous le futur du photovoltaïque dans le mix énergétique ?

Le pho­to­voltaïque doit être la pierre angu­laire du mix énergé­tique. Le déploiement indus­triel d’une énergie renou­ve­lable comme l’hydrogène ne sera pas effec­tif avant 10 ou 15 ans. Idem pour le mini-nucléaire. Les temps de cycle d’obtention des dif­férents per­mis pour la con­struc­tion d’éoliennes sont trop longs ; ces temps sont beau­coup plus courts pour le pho­to­voltaïque. Enfin, le pho­to­voltaïque pos­sède l’avantage de génér­er l’énergie de manière pas­sive, sur un plan mécanique, néces­si­tant de ce fait très peu de main­te­nance. Le nucléaire, lui, demande une main­te­nance impor­tante ; de plus, il est forte­ment impacté par un débit des fleuves réduit par le réchauf­fe­ment climatique.

Quel est le rythme de développement de votre société ?

En 2015, la société avait un chiffre d’affaires d’à peine 1 mil­lion d’euros. Cette année, nous sommes à env­i­ron 35 mil­lions, et nous avons l’ambition d’arriver à 175 mil­lions en 2026. Okwind est donc une société en très forte pro­gres­sion. Con­cer­nant la crois­sance externe, nous avons levé des fonds pour con­tin­uer à inve­stir dans des blocs tech­nologiques de régu­la­tion (man­age­ment d’énergie essen­tielle­ment) et pour pou­voir déploy­er sur un plan indus­triel et com­mer­cial l’ensemble de nos offres, sur les pays européens et sur le Maghreb.

Comment voyez-vous l’avenir de cette énergie ?

L’énergie solaire est disponible et bon marché. Elle a tout pour plaire. Mais l’autoconsommation est un peu nég­ligée en France. Alors qu’elle absorbe 10% de la pro­duc­tion nationale en Alle­magne, elle représente 1% chez nous.

La pro­duc­tion d’électricité est con­cen­trée en France sur quelques cen­trales. Or, en décen­tral­isant la pro­duc­tion d’énergie, en favorisant l’autoconsommation, on intéresse chaque citoyen à la ges­tion de l’énergie. Notre but est de don­ner aux citoyens le max­i­mum d’autonomie dans sa pro­duc­tion d’énergie, et donc lui apporter les moyens de l’utiliser avec la plus grande effi­cience pos­si­ble. Qu’on soit un par­ti­c­uli­er, un agricul­teur, un indus­triel, une col­lec­tiv­ité ter­ri­to­ri­ale, la tran­si­tion doit se faire d’abord par l’autoconsommation et par l’adhésion de tous à ce concept. 

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