Musique en Image de l’espace seconde partie

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°742 Février 2019Rédacteur : par Marc Darmon (83) et Laurent Darmon, docteur en sociologie du cinéma

Après une rubrique le mois dernier con­sacrée aux liens entre les films et de la musique clas­sique, nous ne pou­vions rester sans décrire l’influence de la musique clas­sique dans la galax­ie Star Wars.

Dès son pre­mier mon­tage, George Lucas a mis des musiques clas­siques pour accom­pa­g­n­er son tra­vail. S’il a envis­agé un temps de garder ces musiques, il se décide finale­ment à pren­dre une musique orig­i­nale qui puisse soutenir ses images et surtout le rythme. Et Steven Spiel­berg lui con­firme tout le bien qu’il pense de John Williams avec qui il vient de col­la­bor­er pour ses deux pre­miers films. D’autant que George Lucas cherche à don­ner des accents wag­nériens à l’accompagnement de ses images. John Williams est depuis longtemps un musi­cien de ciné­ma et de télévi­sion. For­mé aux cuiv­res et au piano, il s’est vite dirigé vers l’orchestration, il maîtrise aus­si bien le jazz que les com­po­si­tions orches­trales clas­siques. Ce sont ses solos de vio­lons pour la comédie musi­cale Un vio­lon sur le toit qui le ren­dront célèbre et lui apporteront son pre­mier Oscar.

Source : www.aaronkrerowicz.com

Sur le pre­mier mon­tage mon­tré à John Williams, on trou­ve quelques com­po­si­tions de Dvorák donc, mais aus­si Gus­tav Holst, Rav­el (le Boléro), William Wal­ton. C’est John Williams qui pro­pose alors des thèmes spé­ci­fiques à chaque per­son­nage à la manière d’un Prokofiev et son célèbre Pierre et le Loup et surtout de Richard Wag­n­er dans la tétralo­gie L’Anneau du Nibelung (cherchez sur Youtube « la tétralo­gie c’est très sim­ple », pour en avoir une descrip­tion rapi­de et amu­sante). Ain­si, dès que le per­son­nage de Luke est appelé par sa tante alors qu’il n’apparaît pas encore à l’écran, on recon­naît le thème empha­tique qui le car­ac­téris­era comme le futur héros du film. Il en sera de même à l’apparition ini­tiale de la princesse Leia accom­pa­g­née de son thème musi­cal. John Williams pro­posera en tout 49 leit­mo­tivs dif­férents com­posés au fil de la saga. Leia, Luke, Obi-Wan Keno­bi (le thème de la Force), les rebelles et l’Empire ont déjà le leur dès le pre­mier épisode. Héroïsme, roman­tisme et men­ace alter­nent dans le film au rythme de la reprise de ces thèmes. En tout, 86 min­utes de musique pour deux heures de film (Williams en écrira 110 min­utes pour L’Empire con­tre-attaque).

La musique com­posée par John Williams cherche à retrou­ver les accents puis­sants de la musique wag­néri­enne qui a tant influ­encé le néoro­man­tisme des com­pos­i­teurs du Hol­ly­wood des années 30 aux années 50 : Dim­itri Tiomkin, Franz Wax­man, Mik­lós Rózsa et Erich Wolf­gang Korngold.

Et l’influence de Korn­gold et de ses fan­fares de cuiv­res est plus qu’évidente à l’écoute com­par­a­tive du thème prin­ci­pal d’ouverture et du thème de Crimes sans châ­ti­ment (King’s Row) datant de 1942.

En com­para­nt les deux par­ti­tions, on con­state à la fois les emprunts et les dif­férences. Si le thème est com­pa­ra­ble, il est large­ment sim­pli­fié et har­monique chez John Williams, ce qui lui per­met d’être plus puis­sant et finale­ment plus effi­cace grâce à l’effet de l’orchestration. Mais l’emprunt est peut-être plus ancien car on trou­ve le même thème dans un court moment de l’Inter­mez­zo de Manon Lescaut de Puc­ci­ni. Les influ­ences de com­pos­i­teurs clas­siques sont nom­breuses à d’autres moments, même si plus dis­crètes : le thème de la Princesse Leia avec le Con­cer­to pour piano de Tchaïkovs­ki, le morceau The dune sea of Tatooine avec Le Sacre du print­emps (intro­duc­tion du sec­ond tableau : Le Sac­ri­fice) de Igor Stravin­s­ki, la destruc­tion de l’Étoile noire avec Les planètes (Mars, celui qui apporte la guerre) de Gus­tav Holst, comme dans L’Étoffe des héros. Les emprunts sont légers et relèvent claire­ment plus de l’inspiration que du pil­lage suiv­ant la recom­man­da­tion de George Lucas qui avait don­né ses références musicales.

Le com­pos­i­teur a réus­si une syn­thèse de ces influ­ences pour pro­duire une bande orig­i­nale inno­vante et qui en fera pen­dant longtemps un canon dans son genre, asso­ciant défini­tive­ment la musique sym­phonique et l’espace.

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