Coffret du CD de Schubert : The complete symphonies

Musicothérapie

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°682 Février 2013Rédacteur : Jean SALMONA (56)

Depuis les temps bibliques – David calme les agi­ta­tions du roi Saül en jouant de la harpe – et l’Antiquité grecque – Pla­ton et Aris­tote ont théorisé l’influence de la musique sur les pas­sions et la moral­ité – et chi­noise qui asso­cie, en gros, la fréquence des notes aux organes du corps humain, jusqu’à la France des années 1950 où l’on a com­mencé à soign­er cer­taines affec­tions – pas seule­ment psy­chi­a­triques – par la musique, notam­ment la mal­adie de Parkin­son, la musi­cothérapie a acquis droit de cité.

Des uni­ver­sités – en France Mont­pel­li­er et Nantes – délivrent aujourd’hui des diplômes de musi­cothérapie. Qui d’entre nous n’a jamais écouté un disque pour élim­in­er le stress, dis­siper le vague à l’âme ou provo­quer une décharge d’adrénaline ?

La Rage de vivre

La pochette du dernier disque des Dix­ieland Seniors affirme que son écoute « fera faire des économies à la Sécu­rité sociale ». Et il est vrai que ce sex­tette désor­mais mythique et plus vivant que jamais, issu de la pro­mo 45 dont deux anciens jouent encore dans le groupe – François May­er, trom­bone et Jacques Napoly, ban­jo – ray­onne l’optimisme et la joie de vivre qui sont la mar­que du jazz New Orleans1.

Des stan­dards con­nus – Real­ly the blues, qui rend hom­mage au vieil enreg­istrement de Mezz Mez­zrow et Tom­my Lad­nier, Chatanooga Stomp, Some­body stole my gal – et des thèmes moins con­nus comme Lit­tle Lawrence de Jel­ly Roll Mor­ton, Mojo Blues de Tom­my Lad­nier, sont l’occasion de très beaux cho­rus de Daniel Pélissier au cor­net et Gilbert Lévy à la clarinette.

Ce 4e disque est de très loin le meilleur des Dix­ie Seniors, le plus achevé. Rap­pelons que l’on peut enten­dre les Dix­ieland Seniors le 3e mer­cre­di de chaque mois au Petit Jour­nal Saint-Michel (excep­tion­nelle­ment le 4e mer­cre­di en févri­er 2013).

Schubert et Bartok

Saviez-vous que Schu­bert avait écrit 13 sym­phonies ? 6 sont restées inachevées dont 5 impos­si­bles à exé­cuter, l’Inachevée étant la seule des 6 dont deux mou­ve­ments entiers aient été ter­minés. Jos Van Immerseel et l’Anima Eter­na Brugge ont enreg­istré en 1997 une inté­grale des 8 sym­phonies « jouables » qui est pub­liée à nou­veau aujourd’hui2.

Immerseel s’applique, on le sait, à renou­vel­er les inter­pré­ta­tions des grandes œuvres en les débar­ras­sant des scories accu­mulées au cours du temps par des édi­teurs et des chefs approx­i­mat­ifs plus soucieux de se con­former à la mode de leur temps que d’authenticité.

Il a ain­si con­sacré beau­coup de temps et de moyens à rechercher et restituer les don­nées du temps de Schu­bert : hau­teur du dia­pa­son (à 440), instru­men­tar­i­um, taille de l’orchestre (pas plus de 35 cordes, pas de dou­ble­ment des vents si cela n’est pas spé­ci­fié dans le man­u­scrit, soit au total un effec­tif de 50 musi­ciens au max­i­mum, rup­ture fon­da­men­tale avec les habi­tudes con­tem­po­raines), recherche appro­fondie pour retrou­ver le tem­po voulu par Schu­bert, etc.

Le résul­tat est excep­tion­nel de clarté et de rigueur : un Schu­bert sym­phonique comme vous ne l’avez jamais entendu.

Coffret du CD : Bela BARTOK, 44 duos pour violon Schu­bert s’est inspiré pour une part – on le sait peu – de la musique tzi­gane. C’est dans la musique pop­u­laire et donc en par­tie dans cette même musique tzi­gane que, un siè­cle plus tard, Bar­tok puise les thèmes de nom­bre de ses œuvres, dont les 44 Duos pour vio­lon que vien­nent d’enregistrer Jan Talich, pre­mier vio­lon du Quatuor Talich, et Agnès Pika3.

Cette inter­pré­ta­tion est totale­ment dif­férente de celle de Gérard Poulet et Régis Pasquier naguère évo­quée dans ces colonnes : celle-ci était sage et posée, typ­ique­ment française, pro­pre à calmer un esprit agité ; celle-là est beau­coup moins académique, vibrante, vrai­ment tzi­gane : un excitant.

Musique médiévale

On ne con­naît guère la musique du Moyen Âge qu’à tra­vers des pseu­do-recon­sti­tu­tions pour les besoins d’un film, ou bien par de sym­pa­thiques mais sou­vent laborieuses resti­tu­tions archéologiques.

L’ensemble Mil­lenar­i­um et ses parte­naires pub­lient une somme qui cou­vre la total­ité du spec­tre de la musique médié­vale et qui fera date4 : Chan­sons de trou­ba­dours et dans­es de jon­gleurs, dont les chan­sons du célèbre Bernard de Ven­ta­dorn ; Chan­sons de trou­vères et dans­es de ménestrels ; Carmi­na Burana, extraits des orig­i­nales (et non, bien sûr, celles de Carl Orff) ; des Dans­es instru­men­tales vir­tu­os­es ; l’extraordinaire Lli­bre Ver­mell de Montser­rat, pièces anonymes et col­lec­tives à car­ac­tère religieux ; enfin un disque con­sacré aux Maîtres de l’organetto flo­rentin.

L’intelligence de Mil­lenar­i­um est d’avoir adap­té ces pièces à notre époque et de les avoir ren­dues audi­bles sans les déformer, en en con­ser­vant l’esprit plus que la lettre.

Tout comme dans bien des domaines, en par­ti­c­uli­er celui de la cui­sine, ce cof­fret, accom­pa­g­né d’un livret très savant, témoigne de l’extraordinaire richesse d’une époque que la Renais­sance puis les Lumières ont voulu faire pass­er pour pau­vre et obscurantiste.

À lui seul, il con­stitue, con­tre la bêtise et le préjugé, une belle et salu­taire thérapie.

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1. 1 CD – Tél. : 06 09 81 86 00.
2. 4 CD ZIG ZAG.
3. 1 CD INDESENS.
4. 7 CD RICERCAR.

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