Mieux tirer parti de l’énergie solaire

Dossier : ExpressionsMagazine N°667 Septembre 2011
Par Thomas COQUIL (04)

La Terre reçoit du Soleil une énergie huit mille fois supérieure à la demande mon­di­ale. L’u­til­i­sa­tion de cette énergie, qui peut être con­ver­tie en chaleur, en élec­tric­ité ou en bio­masse, représente un enjeu tech­nologique et économique majeur.

Pan­neaux photovoltaïques 
Les cel­lules pho­to­voltaïques mon­trent des baiss­es de ren­de­ments sig­ni­fica­tives dans le bleu (400–500 nm). Ces pho­tons génèrent rel­a­tive­ment peu d’élec­trons et provo­quent l’échauf­fe­ment du sys­tème par ther­mal­i­sa­tion. L’u­til­i­sa­tion de matéri­aux pho­to­lu­mi­nes­cents per­met donc d’aug­menter le nom­bre de pho­tons dans les longueurs d’on­des opti­males et égale­ment de lim­iter l’ef­fet de thermalisation.

Elle con­stitue aus­si un levi­er de crois­sance extra­or­di­naire qui dynamise aujour­d’hui des marchés en pleine expan­sion tels que ceux du pho­to­voltaïque et de la bio­masse. Le pho­to­voltaïque, par exem­ple, con­naît des taux de crois­sance de l’or­dre de 40% annuels depuis plus de dix ans, tan­dis que le marché de la cul­ture de microalgues à but agroal­i­men­taire ou énergé­tique implique des acteurs aus­si divers qu’Exxon, Chevron, Google, Vir­gin, Bouygues ou Lafarge. L’a­gri­cul­ture sous serre représente, quant à elle, un marché d’en­v­i­ron un mil­lion d’hectares de films agri­coles dans le monde (don­née BASF), renou­velés tous les deux ou trois ans.

Décaler les longueurs d’ondes

La Terre reçoit du Soleil une énergie huit mille fois supérieure à la demande mondiale

Les phénomènes de décalage de longueurs d’on­des — stokes shift — par pho­to­lu­mi­nes­cence offrent la pos­si­bil­ité de mod­uler le spec­tre solaire afin d’amélior­er l’ef­fi­cac­ité des procédés de con­ver­sion énergé­tiques par les cel­lules pho­to­voltaïques, les microalgues ou les végé­taux terrestres.

Le principe con­siste à décaler cer­taines longueurs d’on­des (ou couleurs, pour le vis­i­ble) vers d’autres longueurs d’on­des plus utiles. Par exem­ple, les UV, générale­ment inutiles ou dom­mage­ables, sont trans­for­més en bleu, le bleu peut être trans­for­mé en vert, le vert en rouge, puis en infrarouge. Ce phénomène est obtenu grâce à l’u­til­i­sa­tion de sub­stances optique­ment actives par­ti­c­ulières per­me­t­tant d’ab­sorber puis de réémet­tre les pho­tons dans les gammes de longueurs d’on­des de plus grande sen­si­bil­ité d’une cel­lule solaire ou chlorophyllienne.

Matériaux photoniques

Il est ain­si pos­si­ble de dévelop­per, à par­tir de ces sub­stances par­ti­c­ulières, des matéri­aux, dits ” pho­toniques “, aux pro­priétés orig­i­nales et fonc­tion­nant non pas comme de sim­ples fil­tres mais comme de véri­ta­bles con­cen­tra­teurs spectraux.

En com­bi­nant l’ef­fet de plusieurs de ces sub­stances bien choisies au sein de nou­veaux matéri­aux, il est pos­si­ble de recréer, à par­tir de la lumière naturelle, une nou­velle lumière, conçue sur mesure pour les besoins de l’u­til­i­sa­tion finale. Par exem­ple, la plu­part des plantes pos­sé­dant de la chloro­phylle utilisent de manière préféren­tielle l’én­ergie solaire cor­re­spon­dant aux couleurs bleues et rouges, et réfléchissent le vert et le jaune dont elles ne se ser­vent pas ou peu, d’où leur couleur verte.

Capacités multiples

En plus de cette pho­to­lu­mi­nes­cence, les matéri­aux ain­si conçus peu­vent offrir des pro­priétés de con­cen­tra­tion lumineuse par effet de guide d’onde à deux dimen­sions ain­si que la pos­si­bil­ité de capter ou réémet­tre la lumière de manière dif­fuse. Ces pro­priétés peu­vent se révéler déter­mi­nantes pour bon nom­bre d’ap­pli­ca­tions comme dans les domaines du film agri­cole ou du solaire urbain inté­gré au bâti­ment par exemple.

Démon­stra­teur de l’ap­pli­ca­tion des matéri­aux Photo­Fu­el présen­té récem­ment au Japon (sur invi­ta­tion du gou­verne­ment local), en Malaisie et à Sin­gapour. © PHOTOFUEL SAS

Rendements accrus

Les mod­ules solaires util­isant des matéri­aux pho­to­lu­mi­nes­cents atteignent des per­for­mances supérieures

Les études quan­ti­ta­tives préal­ables menées sur l’u­til­i­sa­tion de la pho­to­lu­mi­nes­cence dans les domaines du pho­to­voltaïque, des algues et de l’a­gri­cul­ture témoignent d’aug­men­ta­tions de ren­de­ments sig­ni­fica­tives, com­pris­es entre 5% et plus de 50% selon les applications.

En effet, sous forme d’ encap­su­lants pho­to­voltaïques, les matéri­aux pho­to­lu­mi­nes­cents per­me­t­tent, grâce à leurs mul­ti­ples pro­priétés, de génér­er une puis­sance don­née sur une sur­face don­née en util­isant un foi­son­nement de cel­lules poten­tielle­ment inférieur à celui des mod­ules actuels. Il en résulte une util­i­sa­tion de sili­ci­um réduite et donc des coûts réduits. Les mod­ules solaires ain­si fab­riqués mon­trent d’autre part des per­for­mances supérieures en inci­dence non directe. Pour les plantes ou les algues, l’é­claire­ment solaire peut être adap­té aux divers spec­tres d’ac­tion pho­to­syn­thé­tique des espèces cul­tivées. Sous forme de films ou plaques plas­tiques, ces matéri­aux per­me­t­tent d’amélior­er de manière sim­ple et peu coû­teuse la pho­to­syn­thèse et le ren­de­ment des cul­tures sous serre (un mil­lion d’hectares dans le monde).

Créée à Paris en 2009, Photo­Fu­el développe et com­mer­cialise des tech­nolo­gies et matéri­aux pho­toniques pour les marchés du pho­to­voltaïque, de l’a­gri­cul­ture sous serre et de la cul­ture de microalgues . Elle vise en pri­or­ité des solu­tions directe­ment inté­grables aux procédés et dis­posi­tifs exis­tants. La société vient d’en­tr­er en phase préin­dus­trielle, avec la pro­duc­tion de plusieurs tonnes de polymères dopés. Elle a noué des rela­tions avec des parte­naires indus­triels et académiques de référence en France comme à l’é­tranger (Europe, Asie). 

Dans le domaine à fort poten­tiel des microalgues , l’é­claire­ment solaire peut être adap­té aux divers spec­tres d’ac­tion pho­to­syn­thé­tique des nom­breuses espèces cul­tivées. De plus, les pro­priétés de guide d’onde de ces matéri­aux per­me­t­tent de répon­dre à l’une des prob­lé­ma­tiques majeures du développe­ment et de l’élab­o­ra­tion des enceintes de cul­ture en favorisant la répar­ti­tion de la lumière autour des sys­tèmes. Ces tech­nolo­gies per­me­t­tent donc d’aug­menter la pro­duc­tiv­ité sur­facique en bio­masse et donc le prin­ci­pal fac­teur de rentabil­ité économique des futures bioraffineries .

Le regain d’in­térêt pour l’ex­ploita­tion de l’én­ergie solaire jus­ti­fie donc, de nos jours, la con­sid­éra­tion sérieuse de ces matéri­aux pho­to­lu­mi­nes­cents . Ils con­stituent une nou­velle plate­forme tech­nologique per­me­t­tant d’amélior­er de manière sig­ni­fica­tive le ren­de­ment de nom­breux sys­tèmes aux poten­tiels économiques grandissants.

His­toire
L’u­til­i­sa­tion de la pho­to­lu­mi­nes­cence pour le décalage de longueurs d’on­des a sus­cité l’in­térêt de la com­mu­nauté sci­en­tifique depuis le milieu des années 1970. Philippe Gravisse, physi­cien et inven­teur français indépen­dant, est un pio­nnier du domaine et le pre­mier à avoir breveté et iden­ti­fié le poten­tiel de tech­nolo­gies de ce type pour de mul­ti­ples appli­ca­tions. Le pro­fesseur Adolf Goet­zberg­er , lau­réat du prix de l’In­ven­teur européen de l’an­née 2009 de l’Of­fice des brevets européens (OEB) et fon­da­teur de l’In­sti­tut Fraun­hofer des sys­tèmes énergé­tiques solaires (ISE), a lui aus­si beau­coup tra­vail­lé sur les tech­nolo­gies de pho­to­lu­mi­nes­cence appliquées au pho­to­voltaïque, d’un point de vue fondamental.
Plus récem­ment, le pro­fesseur Marc Bal­do , au MIT, vient de fonder un nou­veau cen­tre de recherche qui a reçu la vis­ite du prési­dent Barack Oba­ma, et qui étudie ces tech­nolo­gies pour des appli­ca­tions pho­to­voltaïques prin­ci­pale­ment. Ces activ­ités académiques restent rel­a­tive­ment éloignées du milieu indus­triel et visent des objec­tifs à long terme, comme l’ob­ten­tion de con­cen­tra­teurs solaires par lumi­nes­cence (LSC).

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