Marie-Claire Schanne-Klein (1985)

Dossier : Femmes de polytechniqueMagazine N°Marie-Claire Schanne-Klein (1985) Par Solveig GODELUCK

De l’art de savoir traiter les prob­lèmes mal posés. Aux yeux de Marie-Claire Schanne-Klein, c’est exacte­ment ce que la société attend de ses sci­en­tifiques. Direc­trice de recherche au CNRS, où elle tra­vaille au sein d’un lab­o­ra­toire tri­par­tite avec l’Inserm et l’X, cette physi­ci­enne s’est spé­cial­isée dans l’optique « non-linéaire ». Mais le chemin du chercheur, lui aus­si, est rarement linéaire. C’est ce qu’a appris Marie-Claire en menant sa thèse, en 1989–1992. Elle fait alors par­tie de l’une des pre­mières équipes de recherche sur les nanopar­tic­ules, ces élé­ments telle­ment minia­tur­isés qu’ils acquièrent des pro­priétés par­ti­c­ulières, défi­ant les lois de la physique clas­sique. « Nous espéri­ons réus­sir à con­cevoir des lasers plus effi­caces, grâce à des com­posants optiques d’un nou­veau genre. Nous n’avions pas imag­iné que les pre­mières appli­ca­tions seraient des mar­queurs ou des vecteurs biologiques. »

Savoir bifurquer

Qu’à cela ne tienne, la jeune femme a com­pris qu’il lui faudrait bifur­quer. Neuf ans après sa thèse en physique, elle s’est réori­en­tée vers la biolo­gie. C’est ain­si qu’elle a trou­vé sa place dans son équipe actuelle, qui étudie la bio­pho­tonique, autrement dit les développe­ments optiques sur les objets biologiques. Un film où les scènes se déroulent à l’échelle de l’extrêmement petit. « L’X m’a don­né une très bonne cul­ture sci­en­tifique, mais à l’École, on vous donne des prob­lèmes bien posés qui ont une solu­tion. Or la vie n’est pas un prob­lème de maths ! C’est pourquoi il était idéal de faire une thèse pour appren­dre à rebrouss­er chemin, à remet­tre en cause l’énoncé. » Rester dans la réal­ité, les pieds sur terre, c’est para­doxale­ment ce qu’apprécie la chercheuse. Son équipe béné­fi­cie de con­trats de recherche avec L’Oréal. Pour éviter des tests sur les ani­maux, l’industriel doit car­ac­téris­er les effets des act­ifs qu’il développe sur des peaux arti­fi­cielles, appelées tis­sus bio­mimé­tiques. C’est là qu’intervient Marie-Claire Schanne-Klein. Elle a mis au point avec son équipe de nou­velles tech­niques d’imagerie en micro­scopie per­me­t­tant de visu­alis­er un réseau de col­lagène fib­ril­laire dans les tis­sus biologiques. L’observation sert à repér­er les désor­dres qui appa­rais­sent dans la façon dont cette pro­téine est agencée : ils peu­vent révéler une mal­adie, un can­cer, un rejet de greffe, etc.

Un métier passionnant

Les hôpi­taux sont égale­ment friands de nou­veaux savoirs liés à la bio­pho­tonique. Ain­si, la chercheuse s’est attachée à décou­vrir les mécan­ismes de la fibrose rénale grâce à ses tech­niques d’imagerie. « Les médecins et les indus­triels nous remet­tent en cause. Nous dévelop­pons les sci­ences fon­da­men­tales, mais dans la bonne direc­tion », recon­naît Marie-Claire Schanne-Klein, qui ne peut réprimer un cri du cœur pour son méti­er « pas­sion­nant » : « Je ne chang­erais pour rien au monde. »

Le dur chemin du chercheur

Et pour­tant, ce n’est pas un chemin semé de ros­es. Il y a les freins lég­is­lat­ifs. Est-il per­mis de soign­er avec des matéri­aux qui ne sont ni des médica­ments, ni des panse­ments, mais du vivant ? « Du fait de l’incertitude juridique, inve­stir dans les bio­matéri­aux est encore risqué en Europe.Autre souci, la sit­u­a­tion de l’emploi est « cat­a­strophique ». Par ailleurs, depuis que la recherche est financée sur pro­jet, les chercheurs passent énor­mé­ment de temps à mon­ter des dossiers ou à exper­tis­er ceux de leurs pairs. Avec sou­vent de gross­es décep­tions : « Il n’y a objec­tive­ment pas assez d’argent pub­lic comme privé par rap­port à la qual­ité des projets. »

« Quelque­fois, on se sent aus­si un peu malaimé. Cer­tains croient que les chercheurs sont payés à ne rien faire. Cela nous blesse. Je vous garan­tis qu’on tra­vaille autant dans les lab­o­ra­toires français qu’aux États-Unis. » Les idées reçues mérit­eraient, elles aus­si, de pass­er sous le microscope.

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