En Occitanie, des véhicules roulent déjà à l’hydrogène et la Région a pour objectif à terme de convertir les professionnels mais aussi les particuliers.

L’Occitanie, la région pionnière de l’hydrogène vert en France

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°788 Octobre 2023
Par Carole DELGA

Portée par de fortes ambi­tions en matière de sou­veraineté indus­trielle et énergé­tique, la Région Occ­i­tanie s’est très tôt engagée dans le développe­ment de l’hydrogène vert. Aujourd’hui, la région fait fig­ure de pio­nnière en France et en Europe, alors que cette énergie a voca­tion à se dévelop­per de plus en plus vite. Expli­ca­tions de Car­ole Del­ga, Prési­dente de la Région Occ­i­tanie / Pyrénées-Méditerranée.

Dès 2019, la Région Occitanie s’est dotée d’une feuille de route ambitieuse pour développer l’hydrogène vert. Pourquoi votre choix s’est-il porté sur cette énergie ? 

En effet, la Région Occ­i­tanie fait fig­ure de pio­nnière en France car nous avons très tôt misé sur l’hydrogène vert en adop­tant il y a main­tenant 4 ans un plan Hydrogène vert doté de 150 M€, le pre­mier à l’échelle d’une Région. La rai­son est prag­ma­tique : l’hydrogène vert fait par­tie des vecteurs énergé­tiques qui vont s’imposer dans un proche avenir en rai­son entre autres de son impact écologique qua­si neu­tre. Son poten­tiel par­le de lui-même : cette source d’énergie pour­rait répon­dre d’ici 2050 à 20 % de la demande d’énergie nationale, ce qui per­me­t­trait de réduire les émis­sions annuelles de Co² de 55 mil­lions de tonnes. L’Occitanie fera par­tie de l’aventure, ren­forcera dans le même temps sa sou­veraineté indus­trielle et énergé­tique, pour devenir la pre­mière région à énergie pos­i­tive d’Europe.

Quelles sont les grandes lignes de ce plan ?

Dans l’esprit déjà, il s’agit d’opérer une véri­ta­ble révo­lu­tion indus­trielle au ser­vice de la tran­si­tion écologique. Pour cela, la Région s’engage sur l’ensemble de la fil­ière, de la pro­duc­tion au stock­age en pas­sant par la dis­tri­b­u­tion et l’accompagnement des nou­veaux usages. Ensuite, si son ren­tre dans le cœur du sujet, nous avons fixé des objec­tifs con­crets, en prévoy­ant par exem­ple la créa­tion d’ici l’an prochain d’un site de pro­duc­tion mas­sive d’hydrogène renou­ve­lable et de vingt sta­tions hydrogène, l’acquisition de trois rames de train élec­trique-hydrogène et l’aide à l’acquisition de 600 véhicules hydrogène lourds, util­i­taires et légers. À plus longue échéance, nous tablons d’ici 2030 sur la mise en ser­vice d’un autre site de pro­duc­tion mas­sive d’hydrogène renou­ve­lable et 55 sta­tions de dis­tri­b­u­tion, accom­pa­g­née du déploiement de 3 000 véhicules à hydrogène. 

Quelles sont les principales actions et initiatives qui ont été déployées en ce sens à ce jour ? 

La Région inter­vient directe­ment et indi­recte­ment à tous les niveaux de la chaîne : recherche et développe­ment, pro­duc­tion, trans­port, usages… Mais par­mi les dernières ini­tia­tives pour lesquelles nous avons vrai­ment été à la manœu­vre, j’en cit­erais deux qui met­tent à mes yeux bien en per­spec­tive le champ des pos­si­bles con­cer­nant l’hydrogène décar­boné. Nous avons ain­si posé la pre­mière pierre en juin dernier d’Hyd’Occ, une unité de pro­duc­tion d’hydrogène vert, à Port-la Nou­velle, dans l’Aude, portée par le pro­duc­teur indépen­dant d’énergie renou­ve­lable Qair et l’Agence Régionale Energie Cli­mat (AREC) d’Occitanie. Des­tiné prin­ci­pale­ment aux usages mar­itimes, por­tu­aires et de mobil­ité dans un ray­on de 200 kilo­mètres autour du site, l’hydrogène vert qui y sera pro­duit à grande échelle sera livré par con­tain­er via le hub logis­tique mul­ti­modal de Port-La Nou­velle. Hyd’occ, tout comme le pro­jet de pro­duc­tion d’hydrogène décar­boné Gen­via à Béziers, dont la ligne de pro­duc­tion pilote d’électrolyseurs haute tem­péra­ture vient d’être inau­gurée, prou­vent que des solu­tions réelles et immé­di­ates exis­tent pour verdir l’industrie, l’un des prin­ci­paux secteurs émet­teurs de gaz à effet de serre, représen­tant pas moins de 20 % des émis­sions de notre pays. Mais l’hydrogène vert ne con­cerne pas que les entre­pris­es ; à moyen terme, il impactera aus­si notre quo­ti­di­en indi­vidu­el. Depuis plus d’un an main­tenant par exem­ple, la toute pre­mière unité de pro­duc­tion d’hydrogène vert au monde est testée à l’aéroport Toulouse-Bla­gnac par la société HyPort, dont la Région Occ­i­tanie est action­naire via l’AREC. Avec HyPort, par­ti­c­uliers et pro­fes­sion­nels pour­ront se fournir en hydrogène vert pour ali­menter notam­ment bus et véhicules légers.

La mobilisation de l’ensemble des parties prenantes est un des principaux enjeux de cette démarche. Comment cela se traduit-il ? 

Ici en Occ­i­tanie, nous essayons tou­jours d’avancer en pack. Nous avons adop­té un process qui fonc­tionne plutôt bien : il s’agit de fédér­er, met­tre en syn­ergie et catal­yser les com­pé­tences et les moyens tech­niques et financiers autour d’objectifs partagés. Et du lance­ment d’une étude de posi­tion­nement et d’opportunité jusqu’au finance­ment des pro­jets et leur mon­tée en charge, la Région est tou­jours présente. Là encore, c’est la voie que j’ai choisie en sol­lic­i­tant dès 2018 notre agence de développe­ment économique régionale, AD’OCC sur l’animation de la fil­ière hydrogène vert. AD’OCC pilote aujourd’hui HyDeO, l’outil d’animation de la fil­ière hydrogène régionale. L’Occitanie a été la pre­mière région française à se dot­er d’un tel out­il et d’une stratégie glob­ale dédiée à la fil­ière hydrogène. L’enjeu est dou­ble : il s’agit bien enten­du d’accélérer le développe­ment économique de la fil­ière en mobil­isant tous ses acteurs, mais égale­ment de tra­vailler sur la prospec­tive pour éclair­er la stratégie de la fil­ière et les poli­tiques régionales.

Quelles sont les prochaines étapes ? 

L’une d’elle est la pro­duc­tion effec­tive et à plus grande échelle d’hydrogène. Par­mi les prochains démar­rages, je pense à notre Agence Régionale Energie Cli­mat qui a signé au print­emps un accord avec l’entreprise nan­taise Lhyfe pour un pro­jet de con­struc­tion d’un site de pro­duc­tion d’hydrogène vert et renou­ve­lable à Bessières en Haute-Garonne, qui pro­duira dans quelques mois jusqu’à 2 tonnes par jour. Cette usine per­me­t­tra de décar­bon­er le trans­port de marchan­dis­es et de pas­sagers en Occ­i­tanie dans le cadre du pro­jet Cor­ri­dor H2 porté par l’Union européenne et soutenu par la Banque Européenne d’Investissement pour décar­bon­er les mobil­ités. C’est ensuite une mon­tée en puis­sance de la pro­duc­tion qui inter­vien­dra avec l’usine Hyd’Occ que j’ai déjà évo­quée, dont sor­tiront 8 tonnes d’hydrogène par jour dès 2024, soit près de 21 % des objec­tifs de pro­duc­tion d’hydrogène que nous nous sommes fixés à la Région. 

D’autres sites de production sont à venir ?

Oui, mais en prenant en compte une autre étape, celle de l’évolution tech­nologique indis­pens­able pour amélior­er les ren­de­ments et faire en sorte que l’on soit en capac­ité de pro­duire suff­isam­ment pour répon­dre à un usage indus­triel. On par­le ici de pro­jets de gigafac­to­ries d’équipements pour l’hydrogène, qui par ric­o­chet vont réduire la dépen­dance de cer­tains de nos secteurs indus­triels vis-à-vis des impor­ta­tions d’hydrocarbures. Et par­mi les dix pre­miers pro­jets français iden­ti­fiés et financés par l’État et l’Europe, fig­ure celui de Gen­via à Béziers dont j’ai par­lé, qui con­stitue une véri­ta­ble rup­ture tech­nologique dans la pro­duc­tion de l’hydrogène décar­boné. Je le dis sans détour : c’est une fierté pour la Région, aujourd’hui action­naire à part entière avec d’autres investis­seurs privés, d’être aux côtés de Gen­via sur ce pro­jet depuis le début. En sou­tenant les indus­triels, en les aidant aus­si à innover, et je pense ici notam­ment à l’ouverture d’ici fin 2025 sur le site toulou­sain de Fran­cazal, du Tech­no­cam­pus Hydrogène Occ­i­tanie, plus grand cen­tre européen de recherche, d’essai et d’innovation tech­nologique dédié à l’hydrogène vert, la Région impulse une dynamique forte qui, j’en suis con­va­in­cue, don­nera à l’ensemble des acteurs de la fil­ière les moyens de faire de l’Occitanie la fig­ure de proue de la fil­ière hydrogène au plan nation­al, tout en boost­ant l’emploi en région. Les groupes tels que Safra, Qair, Cameron, EDF ou encore Engie envis­agent la créa­tion de plus de 4 000 emplois liés à l’hydrogène d’ici l’an prochain, dont plus de 2 000 local­isés en Occ­i­tanie. Cela donne une idée du poten­tiel une fois la fil­ière mature !

Concernant les usages liés à l’hydrogène vert, où en est la Région ?

Si nous voulons que l’Occitanie soit leader sur le sujet, il nous revient de mon­tr­er l’exemple à notre niveau. C’est pourquoi dès que nous le pou­vons, nous essayons de tester et d’adopter l’hydrogène sur les pro­jets que nous déployons en région. Notre nou­velle drague HydrOmer, pre­mière drague fonc­tion­nant à l’hydrogène, unique au monde, sera opéra­tionnelle à la fin de l’année. La Région a investi plus de 26 M€ pour que grâce à elle, l’entretien des ports régionaux et le main­tien du trait de côte s’inscrivent désor­mais dans une démarche de décar­bon­a­tion des activ­ités mar­itimes. Sur les mobil­ités aus­si nous expéri­men­tons : nous met­trons en ser­vice trois rames de train bimode élec­trique-hydrogène dévelop­pées par Alstom d’ici deux ans sur la ligne Mon­tré­jeau-Luchon, et nous testons dans le Tarn, avec l’entreprise Safra, 15 auto­cars à propul­sion hydrogène, là encore une pre­mière en France. 

Des pistes de réflexion à partager avec nos lecteurs ? 

Oui, je voudrais surtout que cha­cun reti­enne que notre engage­ment sur l’hydrogène vert n’est pas un effet de mode, au con­traire. Au-delà de l’émergence d’une nou­velle fil­ière, nous faisons le pari d’essayer de l’introduire, que ce soit de façon anec­do­tique ou au con­traire totale, dans toutes les activ­ités humaines qui impliquent une source d’énergie. L’Occitanie est par exem­ple le berceau de l’aviation ? Très bien, alors dévelop­pons des avions verts fonc­tion­nant à l’hydrogène comme le fait par exem­ple Beyond Aero­space, que nous aidons sur son pro­jet de jet région­al à hydrogène de 10 sièges. For­mons aus­si nos jeunes avec Gen­hyo, Généra­tion hydrogène Occ­i­tanie, le pro­jet de site de for­ma­tion dédié à l’hydrogène que nous avons ini­tié pour favoris­er l’émergence de tal­ents et accélér­er l’adaptation des for­ma­tions aux besoins de la fil­ière de l’hydrogène décar­boné… En bref, ayons l’ambition de pouss­er la démarche le plus loin pos­si­ble, nous devons bien ça à notre planète. 

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