L’Intelligence Artificielle impactera fortement l’industrie !

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°771 Janvier 2022
Par Jean-Manuel QUIROGA

Ren­con­tre avec Jean-Manuel Quiroga, Man­ag­ing Direc­tor France & South­ern Europe au sein de Math­Works. Il nous en dit davan­tage sur l’impact de l’intelligence arti­fi­cielle (IA) sur l’industrie dans les années à venir. Il nous explique aus­si com­ment Math­Works accom­pa­gne ses clients dans les pro­jets qui requièrent l’utilisation de l’IA.

Quelles sont les utilisations de l’IA chez vos clients industriels ?

De nom­breux clients de Math­Works conçoivent et pro­duisent des sys­tèmes à haute tech­nolo­gie qui inter­agis­sent avec le monde physique, comme des robots, des voitures ou encore des avions. Ces sys­tèmes se basent sur des solu­tions d’ingénierie très sophis­tiquées, leur per­me­t­tant d’atteindre un niveau de per­for­mance sat­is­faisant ain­si qu’une bonne résilience en cas de com­porte­ment dégradé à la suite d’une panne.

Les ingénieurs utilisent tra­di­tion­nelle­ment MATLAB et Simulink pour la con­cep­tion d’algorithmes de con­trôle, la sim­u­la­tion de sys­tèmes physiques en boucle fer­mée, la véri­fi­ca­tion des per­for­mances et la généra­tion de code en vue du développe­ment de sys­tèmes embar­qués. Récem­ment, les ingénieurs utilisent de plus en plus des méth­odes dérivées de l’intelligence arti­fi­cielle (IA) pour sim­pli­fi­er et accélér­er la sim­u­la­tion de sys­tèmes com­plex­es, amélior­er leur per­for­mance, ou ajouter de nou­velles fonc­tion­nal­ités (cf. fig. 1, ci-dessus).

Les méth­odes d’identification basées sur les don­nées peu­vent notam­ment être util­isées pour créer ce que l’on appelle un sur­ro­gate mod­el, c’est-à-dire le mod­èle math­é­ma­tique d’un sys­tème dynamique qui n’est pas dérivé d’une for­mu­la­tion basée sur les équa­tions qui en régis­sent la physique. Ce mod­èle, approx­i­ma­tive­ment représen­tatif de la rela­tion entrée-sor­tie du sys­tème, se prête à une sim­u­la­tion rel­a­tive­ment rapi­de et effi­cace, par rap­port à un mod­èle à haute-fidél­ité du même sys­tème. Ce genre de mod­èles approx­imés peu­vent être con­stru­its avec des réseaux neu­ronaux, en util­isant des bases de don­nées volu­mineuses pour l’entraînement. Par exem­ple, en util­isant une base de don­nées issues de la sim­u­la­tion, Renault a util­isé les out­ils Math­Works pour dévelop­per un mod­èle basé sur le Deep learn­ing pour la pré­dic­tion des émis­sions NOx. Cer­tains de nos clients utilisent des méthodolo­gies sim­i­laires pour l’identification du com­porte­ment dynamique de moteurs élec­triques. Cette prob­lé­ma­tique d’identification basée sur les don­nées est fréquente chez plusieurs indus­triels et c’est ce qui a motivé récem­ment en France des entre­pris­es comme SKF, Ari­ane­Group et Atos à organ­is­er en parte­nar­i­at avec Math­Works le hackathon AI4IA (Arti­fi­cial Intel­li­gence for Indus­tri­al Appli­ca­tion). Sur le plan académique des chercheurs utilisent les out­ils Math­Works (MIT, Stan­ford, Max Planck Insti­tute) et en par­ti­c­uli­er sur le sujet de recherche très act­if de l’identification à par­tir de don­nées, que ce soit pour amélior­er les sim­u­la­tions à grande échelle de sys­tèmes com­plex­es tels que les phénomènes cli­ma­tiques ou encore pour con­cevoir des dis­posi­tifs microflu­idiques capa­bles de dis­pos­er les cel­lules de tis­sus organiques selon le mod­èle souhaité lorsqu’une onde acous­tique est appliquée.

Les méth­odes basées sur l’intelligence arti­fi­cielle sont aus­si util­isées pour implé­menter un com­porte­ment sophis­tiqué au niveau des algo­rithmes de con­trôle et de super­vi­sion. Par exem­ple, des réseaux neu­ronaux peu­vent aug­menter les fonc­tion­nal­ités d’un con­trôleur par le biais d’un obser­va­teur non linéaire. Plusieurs clients de Math­Works dans l’industrie auto­mo­bile et aéro­nau­tique utilisent aujourd’hui couram­ment des algo­rithmes d’IA pour la détec­tion et la clas­si­fi­ca­tion d’objets dans des flux vidéo, notam­ment par le biais de méth­odes basées sur le Deep learning.

Grâce à son ergonomie et à son interopéra­bil­ité avec plusieurs envi­ron­nements logi­ciels externes, Simulink est une plate­forme sou­vent priv­ilégiée par les ingénieurs pour la sim­u­la­tion de mod­èles con­stru­its avec l’IA, con­trôlés en boucle fer­mée par des algo­rithmes basés sur l’IA.

Quels sont les freins auxquels vos clients font face ? 

Nos clients font face à un défi impor­tant lié à la pénurie d’ingénieurs suff­isam­ment qual­i­fiés. On demande désor­mais aux ingénieurs for­més dans des domaines clas­siques (par exem­ple mécanique, aéro­nau­tique…) d’utiliser des méth­odes d’IA dans leur tra­vail. En revanche, les spé­cial­istes en IA sont rarement com­pé­tents sur l’expertise méti­er. La plate­forme de cal­cul tech­nique dévelop­pée par Math­Works per­met aux uns comme aux autres de tra­vailler col­lab­o­ra­tive­ment et partager leurs com­pé­tences grâce à un seul out­il, fiable et per­for­mant. Un autre point cri­tique est l’importance de l’expertise méti­er pour met­tre en appli­ca­tion avec suc­cès l’IA dans un con­texte indus­triel. En effet l’accès aux mod­èles de pointe ne suf­fit pas, et ce qui fait sou­vent la dif­férence est la com­préhen­sion du sys­tème pour lequel l’IA va être appliquée.

De plus, il y a des défis intrin­sèques à l’interprétation et à la véri­fi­ca­tion du com­porte­ment d’un sys­tème de con­trôle et de super­vi­sion basé sur l’IA. Par le biais d’un ensem­ble d’outils dédiés, Math­Works donne accès à l’état de l’art des tech­niques de véri­fi­ca­tion et inter­pré­ta­tion (cf. fig. 2).

Fig 2 : Work­flow de con­cep­tion de mod­èle d’intelligence arti­fi­cielle avec une étape inter­mé­di­aire d’interprétabilité, de tests et de vérification.

Quelle est votre vision sur la façon dont l’IA va transformer l’industrie dans les prochaines années ?

La mis­sion de Math­Works est de fournir la meilleure plate­forme de cal­cul numérique pour la sci­ence et l’ingénierie, et nous accom­pa­gnons nos clients dans les pro­jets qui requièrent l’utilisation de tech­niques d’intelligence artificielle.

Nous voyons un grand poten­tiel dans l’utilisation de tech­niques de créa­tion de mod­èles réduits, tels que les sur­ro­gate mod­els men­tion­nés ci-dessus. En out­re, pour cer­taines appli­ca­tions com­plex­es de l’IA telles que la con­duite autonome ou la robo­t­ique, nos clients utilisent de plus en plus le Rein­force­ment learn­ing, une tech­nique per­me­t­tant de con­cevoir des con­trôleurs (ou agents) par le biais d’interactions répétées avec leur envi­ron­nement de fonc­tion­nement. Cette ten­dance va prob­a­ble­ment se dévelop­per dans les prochaines années. Depuis 2019, nous four­nissons des pro­duits spé­ci­fique­ment dédiés au Rein­force­ment Learning.

La com­mu­nauté sci­en­tifique et tech­nique tra­vail­lant sur l’intelligence arti­fi­cielle et ses appli­ca­tions a sig­ni­fica­tive­ment grossi ces dernières années, et par con­séquent plusieurs solu­tions logi­cielles sont disponibles sur le marché com­mer­cial et open source. Math­Works tra­vaille pour faire en sorte que ses out­ils puis­sent bien interopér­er avec les autres logi­ciels, de façon à ce que nos clients puis­sent facile­ment utilis­er MATLAB et Simulink comme plate­formes d’intégration.

Pour conclure, quels sont vos axes de développement ?

Afin de pou­voir accéder au marché avec suc­cès, la sûreté et la fia­bil­ité des sys­tèmes autonomes doivent être prou­vées. Toute­fois, il n’y a aucune méthodolo­gie établie pour la preuve de la sûreté et fia­bil­ité de sys­tèmes qui intè­grent des com­posants basés sur l’intelligence arti­fi­cielle. L’industrie doit arriv­er à un niveau de matu­rité supérieur, et un con­sen­sus entre les dif­férentes par­ties prenantes et les organ­ismes de stan­dard­i­s­a­tion doit être trouvé.

Math­Works tra­vaille active­ment avec les prin­ci­paux acteurs de l’industrie auto­mo­bile et aéro­nau­tique afin de définir un frame­work adap­té à la cer­ti­fi­ca­tion de sys­tèmes basés sur l’intelligence arti­fi­cielle, notam­ment en par­tic­i­pant à des groupes de tra­vail au niveau nation­al et inter­na­tion­al (EUROCAE, SAE International).

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