Agritrust est le nouveau produit de confiance numérique exploitant la data pour l'argiculture et sera disponible en 2023.

Data : un nouveau champ des possibles en agriculture

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°781 Janvier 2023
Par Sébastien PICARDAT
Par Renaud FONT
Par Christophe GERVAIS

L’entreprise Agdatahub est un acteur de référence de la cir­cu­la­tion des don­nées agri­coles en France et en Europe. Pour répon­dre aux enjeux ali­men­taires et envi­ron­nemen­taux actuels et à venir, cette société a l’ambition de fédér­er tous les acteurs des fil­ières agri­coles et agro-ali­men­taires, en pro­posant des solu­tions tech­nologiques pour garan­tir un usage maîtrisé des don­nées. Entre­tien avec Sébastien Picar­dat, directeur général, Renaud Font, directeur des opéra­tions, et Christophe Ger­vais, directeur technique.

En quoi consistent les activités de Agdatahub ?

La société a été créée en 2020. Nous avons voulu con­stru­ire une plate­forme d’intermédiation entre des émet­teurs de don­nées (ou qui pour­raient ren­dre des don­nées disponibles) et un écosys­tème d’entreprises iden­ti­fiées qui sont à la recherche de don­nées (par exem­ple des don­nées de sol, des don­nées météo, des don­nées tech­niques ou encore des don­nées de traça­bil­ité fil­ières). Cet échange entre émet­teurs et acquéreurs peut se faire sous dif­férentes modal­ités, par l’open data, par une acqui­si­tion gra­tu­ite ou payante, par souscrip­tion, par inter­con­nex­ion automa­tique entre les sys­tèmes. Nous sommes une plate­forme d’échange de don­nées qui per­met la con­trac­tu­al­i­sa­tion et la con­for­mité entre organ­i­sa­tions claire­ment identifiées.

Comment contribuez-vous au développement de l’intelligence artificielle ?

Notre voca­tion est de rompre avec la pénurie de data pour ali­menter et édu­quer des sys­tèmes d’intelligence arti­fi­cielle. Nous avons d’ailleurs été lau­réat du Plan d’Investissements d’Avenir (PIA3), instru­it par BPI France, sur l’accélération de l’intelligence arti­fi­cielle pour le secteur agri­cole. Au cœur de ce pro­jet se trou­vait la ques­tion du con­sen­te­ment. C’est juste­ment le point où nous pro­posons une inno­va­tion tech­nologique, et même une dis­rup­tion. Dans un avenir riche de flux impor­tants de don­nées, con­traint par une régle­men­ta­tion com­plexe, nous voulons être un tiers de con­fi­ance, apporter une iden­tité numérique pro­fes­sion­nelle fiable pour que demain, un fab­ri­cant de machines, de cap­teurs, ou un édi­teur de solu­tions logi­cielles qui enreg­istre des don­nées pour ses util­isa­teurs, puis­sent mas­si­fi­er l’accès à ces don­nées en ten­ant compte de leurs consentements.

Qu’est-ce qui va changer avec cette identité numérique ?

Sur inter­net, aujourd’hui, la con­fi­ance ne règne pas dans les échanges. Nous sommes inca­pables d’identifier des per­son­nes ou des organ­i­sa­tions : on ne sait pas qui est der­rière un compte, et cette faille rend pos­si­ble de nom­breux abus. L’enjeu était donc d’amener la con­fi­ance en pro­posant une solu­tion qui per­me­tte d’identifier les acteurs dans un échange de don­nées. Avec Agritrust, nous appor­tons l’identité numérique dans le secteur agri­cole, en four­nissant un iden­ti­fi­ant de valeur régali­enne lors d’un échange de don­nées. Nous amenons une couche de con­fi­ance très proche dans le fonc­tion­nement du sys­tème de val­i­da­tion de paiement ban­caire en garan­tis­sant la légitim­ité de l’utilisateur. Le secteur agri­cole va être le pre­mier à béné­fici­er de cette avancée technologique. 

Il faut bien com­pren­dre que c’est seule­ment à par­tir du moment où l’identité numérique est établie et fiable que l’on peut tra­vailler sur le con­sen­te­ment. Aujourd’hui, les agricul­teurs ne con­nais­sent pas le devenir de leurs don­nées. Notre plate­forme garan­tit que les agricul­teurs sauront à quoi ils ont don­né leurs con­sen­te­ments pour partager leurs don­nées, et à qui elles sont des­tinées. Les agricul­teurs sont des entre­pre­neurs, rap­pelons-le : ils sont sen­si­bles aux apports de la tech­nolo­gie, beau­coup plus qu’on ne le dit !

Quels sont les leviers déterminants dans l’économie de la data ?

Il y a d’abord le pili­er régle­men­taire : don­ner un cadre et une lib­erté à la cir­cu­la­tion de la don­née. Après la libre cir­cu­la­tion des per­son­nes, des biens et des cap­i­taux en Europe, l’Union européenne, avec le Data Gov­er­nance Act, a créé une qua­trième lib­erté fon­da­men­tale, celle rel­a­tive à la libre cir­cu­la­tion des don­nées. Nos solu­tions per­me­t­tent aux entre­pris­es du secteur agri­cole d’appliquer facile­ment ce cadre réglementaire.

Ensuite, il y a un aspect tech­nique très impor­tant. Nous voulons pro­pos­er des solu­tions pour soutenir une dimen­sion beau­coup plus ori­en­tée data que ce n’est le cas aujourd’hui. Les con­som­ma­teurs veu­lent savoir par exem­ple, d’où vient leur ali­men­ta­tion, pou­voir con­naître le « score » san­i­taire ou envi­ron­nemen­tale d’un pro­duit, etc.

“Aujourd’hui, les agriculteurs ne connaissent pas le devenir de leurs données. Notre plateforme garantit que les agriculteurs sauront à quoi ils ont donné leur autorisation pour partager leurs données, et à qui elles sont destinées.”

Enfin, l’organisation est égale­ment essen­tielle dans la tran­si­tion qui est en train de s’opérer. Les entre­pris­es dévelop­pent un cer­tain nom­bre de pro­jets et d’outils, mais pass­er vers une organ­i­sa­tion « data dri­ven » ou « data cen­tric » néces­site de nou­velles com­pé­tences, de nou­veaux métiers. On con­state que le développe­ment est sou­vent freiné par des obsta­cles rel­e­vant de l’organisation. Nous voulons donc faire pass­er ce mes­sage que les organ­i­sa­tions doivent s’adapter en pro­fondeur, faire bouger leurs com­pé­tences et leurs postes pour entr­er dans cette dynamique. 

Quels avantages peut-on tirer de la data dans le secteur agricole ?

Pour les agricul­teurs, il y a deux leviers. D’abord, aug­menter leur chiffre d’affaires en amélio­rant la traça­bil­ité des matières pre­mières agri­coles puis des pro­duits trans­for­més jusqu’au con­som­ma­teur final. Toutes ces infor­ma­tions le long de la chaîne per­me­t­tent, avec des primes qual­ité par exem­ple, de val­oris­er le tra­vail de l’agriculteur. Les data per­me­t­tent aus­si d’optimiser les coûts d’exploitation, avec des out­ils d’aide à la déci­sion sur la fer­til­i­sa­tion azotée mod­ulée par mètre car­ré par exem­ple, ou par des cal­culs pré­cis sur la main d’œuvre néces­saire chez les maraîch­ers et chez les éleveurs. Or, en aug­men­tant le chiffre d’affaires et en dimin­u­ant les coûts, on fait pro­gress­er le revenu de l’agriculteur.

Les agricul­teurs peu­vent par ailleurs génér­er des crédits car­bone, et les ven­dre à des entre­pris­es qui en ont besoin. Or ces crédits car­bone ne sont pas envis­age­ables sans data. L’industrialisation des échanges de don­nées est indis­pens­able au ruis­selle­ment du numérique jusqu’à l’exploitant agri­cole. Pour les acteurs de la fil­ière qui sont les inter­mé­di­aires jusqu’au con­som­ma­teur final, nous sommes une plate­forme SaaS. Nous délivrons nos pro­duits, Api-agro et Agritrust, avec trois niveaux de for­faits qui ne néces­si­tent aucun investisse­ment ini­tial pour l’entreprise et qui ren­dent disponible une tech­nolo­gie de pointe pour 85 000 acteurs des fil­ières agri­coles et agroal­i­men­taires ‑dont 80 % sont des TPE/PME.

Qu’est-ce qui selon vous freine encore le développement des data dans votre secteur ?

Le prob­lème que nous ren­con­trons fréquem­ment, c’est le manque de per­son­nel dédié au pilotage de ce genre de pro­jets dans les entre­pris­es. Les data man­ageurs sont encore trop peu nom­breux, dans les organ­i­sa­tions publiques ou privées. Il faut con­tribuer au max­i­mum à l’émergence de ces nou­veaux pro­fils et com­pé­tences néces­saires dans le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire, dans les coopéra­tives, chez les négo­ciants ou les admin­is­tra­tions décentralisées.

Les entre­pris­es améri­caines ont vrai­ment ori­en­té leur busi­ness sur la data. Cette trans­for­ma­tion ne s’est pas encore faite en France. Les DSI peu­vent met­tre en place l’architecture tech­nique néces­saire à la cir­cu­la­tion de la don­née, mais les pro­fils man­quent pour traiter les ques­tions essen­tielles que sont les cas d’usages, la col­lecte, les rela­tions avec les agricul­teurs (le con­sen­te­ment). Ce sont pour­tant des sujets d’avenir qui vont devenir struc­turants pour la société ! 

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