L’Europe vue depuis la Chine

L’Europe vue depuis la Chine par un Européen en Chine

Dossier : Croire en l'Europe après le BrexitMagazine N°761 Janvier 2021
Par Pierre-Yves GÉRARD

Pour que l’Europe se con­naisse mieux et s’administre plus effi­cace­ment, il est intéres­sant qu’elle com­prenne com­ment elle est perçue depuis l’extérieur de ses fron­tières par les acteurs économiques majeurs et, en par­ti­c­uli­er, par la Chine.

La Jaune et la Rouge pour­rait inter­roger les jeunes Chi­nois, main­tenant nom­breux, qui sont passés par l’X, mais il n’est pas moins judi­cieux de pos­er la ques­tion à l’Européen que je suis, implan­té en Chine avec une ving­taine d’années au total sur place, par­lant chi­nois, tra­vail­lant dans le secteur indus­triel et, depuis dix ans, dans le recrute­ment par approche directe au ser­vice d’un employeur chi­nois, avec des clients de toutes nation­al­ités, européens, chi­nois et améri­cains. J’ai con­stru­it mon opin­ion au fil des échanges et recoupe­ments avec mes inter­locu­teurs sur place. Sans tout savoir, j’exprime peut-être une vision de l’Europe vue de Chine de façon plus com­préhen­si­ble pour les Européens. 

L’Europe est le premier partenaire d’échange économique et culturel avec la Chine

Sur le plan économique, les chiffres d’échange de biens per­me­t­tent de situer la place avan­tageuse de l’Europe dans les rela­tions avec la Chine. L’Europe est le pre­mier parte­naire com­mer­cial de la Chine et la Chine est le deux­ième parte­naire com­mer­cial de l’Europe après les USA. L’Europe est en pre­mière posi­tion pour les échanges globaux vus depuis la Chine, ce qui n’est pas tou­jours con­nu, si l’on se réfère au bruit créé en ce moment par la guerre com­mer­ciale sino-améri­caine. La demande cul­turelle chi­noise à l’égard de l’Europe s’exprime prin­ci­pale­ment par le tourisme. Même si cette activ­ité est mise à mal par la Covid-19 en 2020, on peut s’inspirer des chiffres des années passées, mal­gré cer­taines inco­hérences sta­tis­tiques des relevés européens qui restent un sujet à creuser par l’Union européenne. 

L’année 2018 fut un som­met avec l’arrivée en Europe de 6 mil­lions de touristes chi­nois : ce nom­bre avait été mul­ti­plié offi­cielle­ment par trois en six ans de 2012 à 2018, voire en réal­ité du dou­ble ! La représen­ta­tion col­lec­tive de la cul­ture chez les Chi­nois se lit dans la fréquence com­parée de leurs évo­ca­tions spon­tanées des civil­i­sa­tions qui ont mar­qué l’histoire de l’humanité : la Chine en pre­mier lieu bien sûr, puis l’Égypte, la Grèce, la Rome antique et la Renais­sance, avec des con­séquences logiques pour le pat­ri­moine de la France et de l’Italie. En revanche, la cul­ture de l’Inde n’est pas bien recon­nue dans le con­scient et l’inconscient chi­nois, mal­gré l’apport du boud­dhisme. Les fric­tions aux fron­tières des deux pays ne favorisent pas l’appréciation de la civil­i­sa­tion indienne. 

Les touristes chi­nois por­tent man­i­feste­ment plus d’intérêt aux loisirs cul­turels, les vis­ites de lieux his­toriques et de musées, par exem­ple, qu’à ceux de relax­ation pas­sive. Le fait pour les Européens d’être issus d’un berceau de civil­i­sa­tions bril­lantes est donc un avan­tage incon­testable vu depuis la Chine. Mais cet atout est frag­ile et il peut être gaspillé par des inco­hérences européennes, notam­ment dans la gou­ver­nance et l’approche des rela­tions inter­na­tionales. Une civil­i­sa­tion est un exer­ci­ce per­ma­nent de construction.


REPÈRES

La pop­u­la­tion con­cernée par le plan « Routes de la soie », en dehors de la Chine, inclut l’Europe, la Russie, l’Asie cen­trale, l’Asie du Sud-Est, l’Inde (même si celle-ci s’est retirée du pro­jet depuis 2017, elle prof­ite de toutes les infra­struc­tures dévelop­pées à ses portes) et l’Afrique, ce qui représente, avec la Chine elle-même, les deux tiers de l’humanité ! La sit­u­a­tion présente est 4 T$ d’investissement pour un total de 3 000 pro­jets lancés en sept ans, soit une moyenne de 600 G$ par année d’investissement.

Con­cer­nant l’investissement annuel organ­isé (pas for­cé­ment investi seule­ment) par la Chine, l’objectif est de pass­er à 1 200 G$. Si l’on rap­por­tait cet effort total à la pop­u­la­tion européenne afin d’avoir un équiv­a­lent, cela ferait 2 600 dol­lars par Européen et par an. L’adjectif sou­vent adossé au pro­jet BRI (Belt and Road Ini­tia­tive) dans la presse en anglais est « colossal ». 

Le mon­tant total néces­saire pour amen­er la zone con­cernée au niveau de développe­ment souhaité est de 26 T$ (référence suiv­ant l’Asian Devel­op­ment Bank), ce qui laisse imag­in­er encore une ving­taine d’années d’investissement, voire une trentaine si l’impact de la Covid-19 ou d’autres per­tur­ba­tions provo­quent un ralen­tisse­ment. Comme autre­fois avec Deng Xiaop­ing, le prési­dent Xi Jin­ping a lancé un pro­jet au-delà de l’horizon de sa pro­pre vie. 


Un risque grandissant, pour l’Europe, de perte d’influence géostratégique

Même si l’Europe est le pre­mier parte­naire de la Chine en chiffres et en « atouts de cœur » cul­turels, des change­ments tec­toniques provo­qués par la numéri­sa­tion de l’économie et accélérés par la Covid-19 mod­i­fient les équili­bres mon­di­aux. Le risque perçu par mes inter­locu­teurs européens en Chine est de voir la capac­ité d’influence de l’Europe s’amenuiser forte­ment (comme celle des États-Unis du reste). 

Depuis une ving­taine d’années, l’émergence de la Chine a con­duit à une forte baisse de la com­péti­tiv­ité des entre­pris­es européennes, si elles ont encore la chance d’exister. Tra­vail­lant dans le domaine du recrute­ment sur place, je peux attester de leurs dif­fi­cultés. D’un sen­ti­ment de toute-puis­sance dans les années 90 pour ces entre­pris­es étrangères, la sit­u­a­tion s’est sou­vent inver­sée. La meilleure preuve en est l’absence de réciproc­ité dans de nom­breux domaines (l’accès aux marchés est pos­si­ble pour une entre­prise chi­noise en Europe, mais pas pour une entre­prise européenne en Chine), ce qui est la façon la plus tan­gi­ble de juger d’un déséquilibre.

“Une forte baisse de la compétitivité
des entreprises européennes.

Sur les vingt dernières années l’approche européenne a été toute de patience et d’explication. Ain­si, chaque année, un livre blanc rédigé par la cham­bre de com­merce européenne en Chine est remis au gou­verne­ment chi­nois. Ce Posi­tion Paper est un mélange de com­plaintes sou­vent récur­rentes, diplo­ma­tique­ment exprimées, et de recom­man­da­tions au gou­verne­ment chi­nois pour con­stru­ire un meilleur équili­bre dans la rela­tion. Le doc­u­ment est pub­lié en anglais et en chi­nois. Il est remis solen­nelle­ment en de mul­ti­ples occa­sions à de nom­breux respon­s­ables du gou­verne­ment et des admin­is­tra­tions chinoises. 

Cette approche, de la base vers le som­met, par­fois perçue comme naïve, per­met de main­tenir le dia­logue. Elle donne, à mon avis, l’avantage aujourd’hui d’entrer dans une négo­ci­a­tion Chine-Europe à la suite de la négo­ci­a­tion Chine-États-Unis, tout en appa­rais­sant plus respectueuse à l’égard de la Chine que celle des USA. Cela peut don­ner un avan­tage à l’Europe dans la durée tout en lui per­me­t­tant de devenir plus ferme dans ses deman­des. À l’occasion du som­met Chine-Europe de juin 2020, le fort dur­cisse­ment de ton de la prési­dente de la Com­mis­sion européenne, Ursu­la von der Leyen, en est une illustration. 

Les Routes de la soie

À un hori­zon plus loin­tain, de l’ordre des cent prochaines années et en pour­suiv­ant la métaphore tec­tonique, il me sem­ble que les mou­ve­ments pro­fonds de mag­ma recad­rant les posi­tions rel­a­tives Europe-Chine vien­dront de la dynamique du pro­jet des Routes de la soie (en anglais Belt and Road Ini­tia­tive – BRI) lancé par le gou­verne­ment chi­nois en 2013 à l’initiative du prési­dent Xi Jin­ping. Le pro­jet, ini­tiale­ment appelé OBOR (One Belt One Road) – Belt pour les bretelles ter­restres et Road pour les routes mar­itimes –, fut rebap­tisé BRI par la suite. 

Pour bien appréci­er BRI, il faut mesur­er les gigan­tesques forces finan­cières en présence. L’idée qui sous-tend ce pro­jet est que le développe­ment économique passe par l’investissement en infra­struc­tures. Elle a de grandes chances de porter ses fruits, si l’on com­pare le développe­ment de la Chine et celui de l’Inde, cette dernière vive­ment cri­tiquée pour ne pas avoir suff­isam­ment investi dans ses infra­struc­tures. La Chine, qui a con­nu en 1976, avec la fin de la Révo­lu­tion cul­turelle, ce que l’on peut con­sid­ér­er comme la fin de sa dernière guerre civile, a réus­si depuis à dépass­er les États-Unis en PPP (pur­chas­ing pow­er par­i­ty – par­ité de pou­voir d’achat) alors que l’Inde ne le fera, selon les pro­jec­tions actuelles, qu’en 2045. 

La Chine compte sur un effet domi­no à son avan­tage de l’investissement BRI. Deux acteurs majeurs, Russie et Afrique, lui apporteront de la puis­sance de feu pour reli­er l’Europe. Sa stratégie d’approche de l’Europe est patiente : elle passe par les mail­lons européens qui sont économique­ment ou poli­tique­ment faibles, Grèce, Ital­ie, UK (du fait du Brex­it et de la perte de poids en puis­sance de négo­ci­a­tion). Pour l’Asie du Sud-Est, il est très impres­sion­nant de voir au sud de la Chine les tun­nels et les lignes de chemin de fer à grande vitesse con­stru­its, prêts à être util­isés, atten­dant la suite du perce­ment des tun­nels vers les pays du Sud. 

Une perception de passivité

À l’opposé d’une Chine qui utilise des méth­odes de grande puis­sance : armée de taille impres­sion­nante, diplo­matie liée aux acteurs économiques, cap­i­tal­isme d’État (de bloc), l’Europe donne l’impression d’être pas­sive. Elle va bien­tôt se réveiller avec, à ses portes, des pays dotés d’infrastructures qu’elle aurait pu con­trôler mais qui, finale­ment, seront sous le con­trôle d’un pays qu’elle con­sid­ère para­doxale­ment comme lointain. 

La Chine crée un effet miroir pour l’Europe, lui ren­voy­ant l’image de ce qu’elle a cher­ché à être elle-même dans le passé et jusqu’à main­tenant, mais sans y arriv­er com­plète­ment : un con­ti­nent très peu­plé, unifié, fier de lui, désireux d’étendre son influ­ence jusqu’aux ter­res les plus loin­taines. Et cet effet miroir est une source indé­ni­able de décep­tion pour les Européens qui vivent en Chine ou y tra­vail­lent régulièrement. 

Si l’Europe se regarde avec décep­tion dans le miroir chi­nois, elle ne doit pas en vouloir au miroir mais finale­ment à elle-même, car l’Europe est his­torique­ment par­tie d’une posi­tion priv­ilégiée, mais par la suite gaspillée. Il ne tient qu’à elle de se res­saisir. Il serait dom­mage d’être le pre­mier parte­naire de la Chine aujourd’hui, pour être sans voix au chapitre demain. 

L’Europe manque de ses propres routes internes et surtout externes

En tant qu’Européen ayant con­tribué en 1989 à cass­er le béton très dur, je témoigne, du mur de Berlin et aujourd’hui établi en Chine, j’ai été sou­vent frap­pé de percevoir le niveau insuff­isant d’effort de développe­ment entre l’est et l’ouest de l’Europe : il ne s’agit pas seule­ment des dif­férences entre États mem­bres de l’Est et de l’Ouest, car le manque de rat­tra­page de l’ex-Allemagne de l’Est sur l’ex-Allemagne de l’Ouest est sig­ni­fi­catif dans les sta­tis­tiques de développement. 

La chute du Mur a eu lieu il y a déjà trente ans avec une Alle­magne de l’Ouest qui avait alors tous les moyens disponibles pour dévelop­per la par­tie Est, à la dif­férence de la Chine qui avait au départ une sit­u­a­tion dif­fi­cile générale et qui, elle, a su dévelop­per le pays de façon plus coor­don­née. Cela laisse percevoir un manque de réflex­ion stratégique à long terme de la part de l’Europe : la carence de struc­tura­tion de développe­ment interne se pro­longe par un défaut de développe­ment externe de l’Europe en direc­tion de ses voisins.

“Potentiellement l’Europe reste pour la Chine
le partenaire le plus sympathique et le plus fructueux.

Vu de Chine, le prob­lème du manque de développe­ment par l’Europe de ses voisins s’explique par l’arrivée des migrants et l’émergence de toutes les zones de non-droit créées par pas­siv­ité ou bêtise et cor­rup­tion (comme en Libye) aux portes de l’Europe. La philoso­phie chi­noise sug­gère l’idée que nous ne pou­vons pas être en paix si nos pro­pres voisins ne le sont pas eux-mêmes. L’Europe ferait bien de s’en inspir­er plus. Il est impor­tant que l’Europe se res­sai­sisse, dépasse son égoïsme col­lec­tif qui – au final – risque de la ren­dre plus pau­vre, notam­ment du fait des risques induits par la faib­lesse du développe­ment de ses pro­pres voisins immédiats. 

Égale­ment, une rela­tion équili­brée (notam­ment au sujet des ques­tions de réciproc­ité) avec la Chine est impor­tante, tant pour l’Europe que pour la Chine. Tra­vail­lant dans le recrute­ment, je partage l’idée que : « It is all about peo­ple », c’est-à-dire l’importance d’avoir les bonnes têtes et les bonnes équipes pour attein­dre les objec­tifs. À ce sujet, je suis plutôt sat­is­fait de voir arriv­er aux com­man­des des per­son­nal­ités comme la prési­dente de la Com­mis­sion, Ursu­la von der Leyen, et le com­mis­saire européen au Marché intérieur, Thier­ry Bre­ton, ce qui donne con­fi­ance pour attein­dre cet objec­tif de réciprocité. 

Comme nous pou­vons le pressen­tir, l’Europe offre un mod­èle unique de valeurs illus­tré par le RGPD par exem­ple, sys­tème de valeurs qu’elle souhaite défendre et devra surtout pou­voir con­tin­uer à défendre. Il faut bien garder à l’esprit que les muni­tions de cette défense sont fournies en majeure par­tie par le poids économique. Le Roy­aume-Uni est en train de décou­vrir la dif­fi­culté de rené­goci­er ses traités avec des puis­sances économiques comme le Japon et la Corée sur des ques­tions de principes, il ne faudrait pas que cela arrive à l’Europe.

Pour­tant, poten­tielle­ment, l’Europe reste pour la Chine le parte­naire le plus sym­pa­thique com­paré aux autres et le plus fructueux mutuelle­ment pour le futur. 

Si nous comparons les autres partenaires vus depuis la Chine… 

Les États-Unis sont claire­ment sur une oppo­si­tion idéologique liée à leur posi­tion actuelle, voulue, de maître du monde (cf. NSA, etc.) et aus­si ils souf­frent dans les négo­ci­a­tions avec la Chine du manque d’assise cul­turelle partagée pour bien se com­pren­dre et s’apprécier. L’Inde : égale­ment une oppo­si­tion cul­turelle com­pliquée, entachée de con­flits locaux (Chine avec Pak­istan con­tre l’Inde), une vision de con­cur­rence future et un manque d’estime réciproque. 

La Russie : une méfi­ance naturelle liée à l’histoire du voisi­nage. Cepen­dant, mal­gré les dif­fi­cultés anci­ennes, en ce moment les rela­tions sont plutôt au beau fixe. Qui plus est, il est vrai­ment stratégique pour la Chine d’avoir une deux­ième route mar­itime pour, le cas échéant, con­tourn­er par l’Arctique un blocage indi­en du détroit de Malac­ca. C’est la Route mar­itime glacée de la soie, Ice Silk Road.

La Chine offre aussi la possibilité de s’inspirer de ses réalisations

Les Routes de la soie offrent un avan­tage indé­ni­able à la Chine, qui a su dévelop­per une méthode de con­struc­tion de réseau avec intel­li­gence. L’exemple de la créa­tion de la banque Asian Infra­struc­ture Invest­ment Bank (AIIB) pour soutenir le développe­ment des pro­jets BRI, avec l’implication des autres pays, en fait un pro­jet non seule­ment chi­nois, mais réelle­ment mon­di­al. Nous avons à nos portes de l’Europe, et dans l’Europe même, en Grèce par exem­ple, une Chine qui développe un moyen de créer et con­trôler des espaces économiques, présents et futurs, grâce au pro­jet BRI, sur les aspects mar­itimes et ter­restres en inclu­ant la dimen­sion stratégique mil­i­taire et numérique via les infrastructures.

“La construction de l’Europe doit se poursuivre
pour conserver la capacité à se défendre.”

L’Europe a mon­tré une insuff­i­sance de développe­ment de ses ter­ri­toires con­ti­gus et plus loin­tains. Peut-être le spec­tre de la coloni­sa­tion dans les siè­cles passés a‑t-il joué con­tre des inten­tions d’intervenir, mais il n’était pas impos­si­ble de créer une struc­ture effi­cace à l’image de l’AIIB – sur une base par­tic­i­pa­tive – et un pro­jet à l’image de BRI. Cela peut et, à mon avis, doit être fait par l’Europe. Le pro­jet BRI peut être une source de crainte mais aus­si d’inspiration pour elle. Pourquoi nous, Européens, ne dévelop­pe­ri­ons-nous pas un con­cept des Routes de la sol­i­dar­ité, avec une approche volon­tariste de développe­ment sta­bil­isant les pays voisins de l’Europe pour com­mencer et avec une con­nex­ion active avec les Routes de la soie. La soie fut et reste tou­jours un cadeau pré­cieux, sym­bole d’échange respectueux et solidaire.

Être un bloc à la hauteur

Vue depuis la Chine par un Européen basé sur place, dans un con­texte de pays immense par sa pop­u­la­tion (un peu plus de trois fois l’Europe), la per­cep­tion des forces en puis­sance ne peut échap­per à une logique de blocs économiques avec leur zone d’influence naturelle et souhaitée. Cepen­dant, l’Europe manque cru­elle­ment de cette logique de blocs, de développe­ment à long terme et d’une cer­taine forme d’altruisme intel­li­gent et intéressé. Tout l’argent investi en dehors de la Chine dans les BRI coûte bien sûr aux Chi­nois d’aujourd’hui. C’est un investisse­ment pour le futur mais – comme tout investisse­ment – c’est d’abord un sac­ri­fice aujourd’hui.

L’Europe doit retrou­ver sa capac­ité à faire des sac­ri­fices dans le but d’investir en dehors de l’Europe dans des pro­jets qui sta­bilis­eront économique­ment et poli­tique­ment les pays voisins et plus loin­tains. Pour être con­sid­éré comme un bloc à la hau­teur, il faut aus­si être cohérent écono­miquement et poli­tique­ment. L’Europe doit absol­u­ment réus­sir à pren­dre sa dimen­sion de bloc incon­tourn­able, qui sem­ble en interne tou­jours mal­heureuse­ment entr­er en con­flit avec la notion d’État sou­verain à l’intérieur de l’Europe ; mais il y a cer­taine­ment des solu­tions à trou­ver. L’innovation – à la mode en ce temps de rup­tures tech­nologiques – s’applique aus­si aux insti­tu­tions politiques.

“L’innovation s’applique aussi aux institutions politiques.”

De plus, l’exemple de la sor­tie du Roy­aume-Uni mon­tre le degré de perte d’autorité et de puis­sance de négo­ci­a­tion quand un pays de taille finale­ment moyenne (équiv­a­lent à une province de la Chine en pop­u­la­tion) se retrou­ve isolé. L’échelle d’un pays en Europe est aujourd’hui trop faible face à la Chine, égale­ment face aux USA et, bien­tôt, à l’Inde. La dimen­sion européenne est néces­saire, à peine suff­isante. La con­struc­tion de l’Europe en interne et égale­ment en externe doit se pour­suiv­re pour con­serv­er la capac­ité à défendre demain son exis­tence économique et, par voie de con­séquence, son mod­èle de valeurs. 

Les enjeux de supré­matie tech­nologique de chaque bloc et les con­séquences erra­tiques de la récente guerre com­mer­ciale États-Unis-Chine ne nous en ont-ils pas don­né encore plus l’envie ? La prise en main d’un pro­jet européen de Routes de la sol­i­dar­ité avec une per­son­ne dédiée au niveau d’un com­mis­saire européen sem­blerait dis­pos­er du tim­ing idéal pour démarrer. 

Commentaire

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Hugodotrépondre
11 janvier 2021 à 21 h 04 min

Mer­ci pour cet arti­cle, et bra­vo pour votre vie et vision depuis là-bas (moi même ai vécu au japon deux fois). Ce choc des mon­des et des valeurs mérit­erait-il que les occi­den­taux s’u­nis­sent (on a tou­jours besoin d’un enne­mi com­mun pour enfin s’u­nir…), et pro­pos­er, après le “rêve européen”, un nou­veau pro­jet, rêve démoc­ra­tique, en ouvrant l’eu­rope à nos cousins que sont, après tout, le Cana­da, les USA, la NZ, Aus­tralie, voire Amérique Latine, elle aus­si démoc­ra­tique, latine, catholique ? Nous par­lons la même langue et le même lan­gage, mais sommes dis­per­sés face aux 1,5 mil­liards de Chi­nois et bien­tôt d’In­di­ens. Mais ce pro­jet serait il un risque, une provo­ca­tion à la Chine ?

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