Les robots compagnons,une double opportunité à saisir

Dossier : La RobotiqueMagazine N°655 Mai 2010
Par Vincent DUPOURQUÉ

Les pre­miers robots de ser­vice ont vu le jour dans les cen­trales nucléaires et sur les champs de bataille, là où le risque vital existe réelle­ment. Par exem­ple, toutes les armées du monde recon­nais­sent depuis deux ou trois décen­nies que la guerre a changé et que le risque humain doit être évité au max­i­mum. Dès la fin des années qua­tre-vingt, il est ain­si apparu des robots de démi­nage, puis des robots des­tinés aux mis­sions de recon­nais­sance, en atten­dant ceux qui assureront la logis­tique automa­tisée. Mais l’idée de base demeure la même : réduire la péni­bil­ité et les risques inhérents au tra­vail du soldat.

REPÈRES
Les évo­lu­tions tech­nologiques amèneront logique­ment une robo­t­i­sa­tion des ser­vices à la per­son­ne, à l’im­age de ce que la pro­duc­tion indus­trielle a con­nu à par­tir des années soix­ante au siè­cle dernier. Cette robo­t­i­sa­tion con­cern­era tous les aspects de notre vie quo­ti­di­enne comme la sécu­rité, les trans­ports, la san­té ou la pro­preté. Elle va per­me­t­tre de répon­dre en par­tie à des besoins socié­taux fon­da­men­taux, mais aus­si de créer de nou­velles activ­ités économiques à forte valeur ajoutée dont les pays comme les nôtres ont impéra­tive­ment besoin.

Une assistance au quotidien

Influ­encés par les vendeurs de rêves, le grand pub­lic comme les décideurs ont une per­cep­tion encore très con­fuse de la robo­t­ique : entre les mythes portés par la sci­ence-fic­tion et les gad­gets inutiles, il faut essay­er de don­ner aux robots la place qui doit devenir la leur dans notre société.

Des vies sauvées
Aujour­d’hui, l’ar­mée améri­caine utilise quo­ti­di­en­nement plusieurs mil­liers de robots et revendique de nom­breuses vies sauvées grâce à ces aux­il­i­aires robo­t­isés. Même si les sta­tis­tiques demeurent encore dif­fi­ciles à établir, l’aide apportée par les robots mil­i­taires est main­tenant acquise.

Les robots sont apparus dans la con­ti­nu­ité de machines de plus en plus sophis­tiquées, avec comme objec­tif prin­ci­pal d’aider les êtres humains dans leur vie quo­ti­di­enne. La dif­férence avec une machine clas­sique, c’est que le robot dis­pose en plus de capac­ités à se déplac­er seul et à inter­a­gir. Cette déf­i­ni­tion sim­ple per­met de com­pren­dre qu’une machine qui ressem­ble à un être humain mécan­isé n’est pas for­cé­ment un robot s’il ne nous aide pas au quo­ti­di­en, alors que des objets plus sim­ples comme des petits aspi­ra­teurs autonomes le sont.

Une machine qui ressem­ble à un humain n’est pas for­cé­ment un robot

Depuis les années qua­tre-vingt-dix, une ques­tion majeure com­mence à se pos­er : com­ment une société qui vieil­lit va pou­voir con­tin­uer à amélior­er la vie quo­ti­di­enne de tous, et en par­ti­c­uli­er des seniors, avec de plus en plus d’i­n­ac­t­ifs et de moins en moins d’ac­t­ifs ? La tech­nolo­gie peut en par­tie combler ce manque de moyens humains pour nous aider à vieil­lir chez nous, mais pas à n’im­porte quelle condition.

Une pop­u­la­tion vieillissante
Les chiffres sont élo­quents : notre espérance de vie a dou­blé depuis 1840 et aug­mente actuelle­ment de cinq heures par jour ; il y a aujour­d’hui dans les pays dévelop­pés 1 senior pour 4 act­ifs, ce ratio passera à 1 pour 3 en 2025, enfin on compte plus de 600 mil­lions de seniors dans le monde et ce chiffre va pass­er à 2 mil­liards en 2050. Les besoins d’aide aux per­son­nes déjà immenses vont donc croître.

Assistance physique et cognitive

La pre­mière fonc­tion d’un robot com­pagnon est d’ap­porter des solu­tions à la dépen­dance aux autres, pour tous les gestes de la vie quo­ti­di­enne qui sont de plus en dif­fi­ciles voire impos­si­bles à réalis­er au fil des ans.

Un robot peut aujour­d’hui apporter une véri­ta­ble assis­tance cog­ni­tive, mais l’as­sis­tance physique sera pour les prochaines générations

Il y a bien sûr l’as­sis­tance physique, pour se lever, s’asseoir, se nour­rir, aller aux toi­lettes ou se laver.

Il y a aus­si la manip­u­la­tion d’ob­jets, mais les robots com­pagnons capa­bles d’as­sis­ter physique­ment sont encore loin d’une mise sur le marché, pour des raisons de com­plex­ité et par con­séquent de coût : l’é­tat actuel des tech­nolo­gies de la robo­t­ique ne per­met pas d’en­vis­ager leur déploiement à court terme, et de nom­breuses recherch­es restent à men­er sur le sujet.

Aujour­d’hui, les fonc­tions prin­ci­pales pou­vant être pris­es en charge par un robot com­pagnon se rat­tachent plutôt à de l’as­sis­tance cog­ni­tive, allant des aide-mémoire aux stim­u­la­tions (exer­ci­ces physiques et intel­lectuels), ain­si que les fonc­tions basiques de com­mu­ni­ca­tion comme le cour­ri­er élec­tron­ique ou l’ac­cès aux réseaux soci­aux qui com­men­cent à gag­n­er la pop­u­la­tion des seniors. 

Un objet mobile et communicant

Pour s’imag­in­er la vie quo­ti­di­enne avec un robot com­pagnon, il faut le con­sid­ér­er comme un objet mobile et com­mu­ni­cant. Un peu comme un chien, le robot com­pagnon d’au­jour­d’hui a son ” panier “, c’est sa sta­tion de recharge­ment qu’il sait rejoin­dre lorsque ses bat­ter­ies se déchar­gent. Doté de la parole, il est capa­ble de com­pren­dre des ordres sim­ples et don­ner un cer­tain niveau de réplique. Il sait se localis­er, aller d’un endroit à un autre à la demande ou sur sa pro­pre ini­tia­tive, et reste en per­ma­nence con­nec­té à Inter­net et tous ses ser­vices. Le moyen prin­ci­pal de com­mu­ni­ca­tion avec les per­son­nes reste la parole, com­plété par un écran tac­tile et des icônes sim­ples. Les prochaines généra­tions seront dotées de fortes capac­ités visuelles, voire de la pos­si­bil­ité à com­pren­dre et exprimer des émo­tions. Et plus tard, l’a­jout de bras per­me­t­tra la manip­u­la­tion d’ob­jets, con­duisant à la pré­pa­ra­tion des repas, le range­ment… des fonc­tions plus util­i­taires mais égale­ment fondamentales. 

Des compagnons disponibles

Secré­tari­at à domicile
Grâce à des mécan­ismes d’a­gen­das et de fichiers partagés, le robot com­pagnon organ­ise la vie quo­ti­di­enne : ges­tion des ren­dez-vous, rap­pel des pre­scrip­tions médi­cales, con­sti­tu­tion et trans­fert des listes de cours­es, accès aux infor­ma­tions comme la météo ou les nou­velles… Il est aus­si capa­ble d’animer des exer­ci­ces intel­lectuels, faire la lec­ture ou le pro­fesseur de gym­nas­tique. Toutes ces fonc­tions, aux­quelles se rajoutent celles déjà disponibles sur Inter­net comme les réseaux soci­aux ou la vidéo à la demande, sont pos­si­bles aujourd’hui.

Mais au-delà de telles fonc­tion­nal­ités basiques, la ques­tion de l’ac­cep­ta­tion des robots com­pagnons doit être traitée en pri­or­ité, car sans accep­ta­tion par les per­son­nes dépen­dantes, il n’y aura pas de déploiement. Tout d’abord, le robot com­pagnon ne doit pas être perçu comme un gar­di­en de prison ou un sys­tème de télé­sur­veil­lance. Une telle approche va à l’en­con­tre du respect de la vie privée, mais pousse aus­si les seniors dans la mar­gin­al­i­sa­tion sociale. Ensuite, il est néces­saire que le robot con­tribue à la social­i­sa­tion des per­son­nes dépen­dantes. En effet, au-delà des gestes quo­ti­di­ens, le véri­ta­ble enjeu est de rester inséré dans la société le plus longtemps pos­si­ble, voire act­if, tout en étant dépen­dant. Et le robot com­pagnon y con­tribue entre autres en offrant un accès sim­ple et per­ma­nent aux moyens mod­ernes de com­mu­ni­ca­tion par Inter­net. Enfin, il faut que le robot com­pagnon soit fiable, robuste et sûr : disponi­bil­ité 24 heures sur 24, fonc­tion­nement dans toutes les sit­u­a­tions de la vie quo­ti­di­enne, absence de risque pour des per­son­nes déjà frag­ilisées. Par­tant du principe que de nom­breux ver­rous tech­nologiques sont déjà lev­és et que la ques­tion de l’ac­cep­ta­tion par les per­son­nes dépen­dantes est réglée, la dernière clé du développe­ment des robots com­pagnons est de savoir qui va les pay­er. La tech­nolo­gie a un prix, et il ne faut pas croire qu’un jour de tels robots seront disponibles pour quelques cen­taines d’eu­ros, soit le prix d’un gad­get haut de gamme ou d’une con­sole de jeux vidéo. 

Des financements à imaginer

La disponi­bil­ité et la fia­bil­ité d’un robot com­pagnon ont un coût qu’il ne faut pas nég­liger, car il faut choisir des com­posants indus­triels de qual­ité, et dis­pos­er d’un sys­tème de main­te­nance- dépan­nage adap­té. D’autre part, le robot com­pagnon n’a pas de sens en tant qu’ob­jet isolé, l’une de ses voca­tions prin­ci­pales étant de sor­tir la per­son­ne dépen­dante de son isole­ment. Cela sig­ni­fie qu’il doit s’in­té­gr­er dans un sys­tème glob­al, dans lequel l’en­vi­ron­nement de la per­son­ne dépen­dante est par­tie prenante : la famille, le corps médi­cal, les amis, les four­nisseurs. Il est ain­si prob­a­ble que les pre­mières généra­tions de robots com­pagnons réelle­ment opéra­tionnels pour­raient coûter plusieurs mil­liers d’eu­ros, une somme trop élevée pour la majorité des per­son­nes dépen­dantes. Une autre piste est celle des assur­ances dépen­dance, dont la plu­part s’ap­puient main­tenant sur des plates-formes d’as­sis­tance télé­phonique : ces assur­ances pour­raient faire des économies con­sid­érables en cou­plant leurs plates-formes d’as­sis­tance avec des robots com­pagnons à domi­cile. Dans ce cas, ce sont elles qui prendraient en charge les coûts liés au robot, et non pas la per­son­ne dépen­dante ou son entourage.

Aider les dépendants
Aujour­d’hui, un pays comme les États-Unis dépense 200 mil­liards de dol­lars par an pour financer la dépen­dance, 2/3 payés par l’É­tat fédéral et les col­lec­tiv­ités locales, 1/3 par les familles. Le temps d’as­sis­tance humaine moyen étant de quar­ante-qua­tre heures par semaine et par per­son­ne dépen­dante, on estime que si un robot est capa­ble de libér­er cet assis­tant pen­dant au moins onze heures par semaine, il n’y aura pas de sur­coût, tout en libérant des heures “humaines” pour mieux s’oc­cu­per de ceux qui en ont le plus besoin.
Vie privée
En matière de vie privée, le robot apporte une réponse per­ti­nente par rap­port aux sys­tèmes fix­es de caméras et autres cap­teurs : le robot peut être éteint ou enfer­mé dans le plac­ard volon­taire­ment, préser­vant ain­si les lib­ertés indi­vidu­elles de base.

Une opportunité industrielle

Bien que notre pays soit la plu­part du temps aux avant-postes au niveau sci­en­tifique, nous n’avons pas totale­ment tiré par­ti des dernières révo­lu­tions tech­nologiques qu’ont été le PC, l’In­ter­net et la télé­phonie mobile.

Les pre­miers véri­ta­bles robots com­pagnons, qui coûteront plusieurs mil­liers d’eu­ros, seront mis à dis­po­si­tion sous forme d’abonnement

Certes, ces tech­nolo­gies sont présentes dans notre vie quo­ti­di­enne, mais il faut recon­naître que Microsoft et Apple sont améri­cains alors que le micro-ordi­na­teur, ancêtre du PC, a été inven­té par des Français, et que le Mini­tel a pavé la route des Google, eBay ou autre Ama­zon. Notre excel­lence sci­en­tifique nous per­met de pré­par­er le ter­rain pour l’adop­tion et la mise en oeu­vre des nou­velles tech­nolo­gies, mais nous util­isons très sou­vent les pro­duits que les autres fab­riquent ! La cul­ture des ser­vices l’a emporté sur l’am­bi­tion industrielle.

Un tel sché­ma risque de se repro­duire, les robots com­pagnons util­isés en Europe seront peut-être améri­cains, japon­ais ou coréens. Pour éviter cela, à l’im­age de la Corée, il faudrait que des secteurs aus­si promet­teurs que la robo­t­ique de ser­vice puis­sent devenir un enjeu nation­al. Ne pas s’ar­rêter aux résul­tats sci­en­tifiques mais chercher à soutenir jusqu’à l’in­dus­tri­al­i­sa­tion et la vente. Il faut que le monde financier et économique n’at­tende pas que le ” marché soit mûr ” pour s’y engager, il est alors trop tard pour y jouer un rôle indus­triel majeur.

Commentaire

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Fontainerépondre
27 juillet 2017 à 9 h 47 min

Bud­dy — Qu’en pensez-vous ?
Bon­jour, que pensez-vous de Bud­dy ? Est-ce un leurre ? Il était annon­cé pour fin 2016 puis pour courant 2017. Main­tenant, les nou­velles sont très vagues sur ce robot com­pagnon. Mer­ci+++ de votre réponse. 

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