Les pertes, un chemin de connaissance et de croissance

Perdre pour grandir : les pertes, un chemin de connaissance et de croissance

Dossier : Vie de l'associationMagazine N°787 Septembre 2023
Par Jérôme de DINECHIN (84)

Il est un élé­ment com­mun à cha­cune de nos exis­tences : les mul­ti­ples pertes que nous expéri­men­tons. Désta­bil­isantes, dérangeantes et pénibles, les pertes sont pour­tant occa­sion de con­nais­sance de soi et de crois­sance lorsqu’on décide de les tra­vers­er en prenant le temps d’en respecter les étapes. Un accom­pa­g­ne­ment peut être utile, car il faut à la fois lâch­er prise et se faire con­fi­ance. Avec au bout du chemin une paix intérieure et davan­tage d’humanité peut-être. Et pourquoi pas s’offrir un détache­ment volontaire ?

« Con­nais-toi toi-même ! » enseignait Socrate.

Même si Kun­dera expli­quait dans L’Art du roman que l’on peut se con­fron­ter à des sit­u­a­tions imag­i­naires, gar­dons à l’esprit que notre con­nais­sance de nous-même se con­stru­it d’abord à la faveur des expéri­ences que nous vivons. Nos réac­tions face à des sit­u­a­tions nou­velles ne sont qu’en par­tie prévis­i­bles, et ce sont elles qui nous enseignent, soit dans l’instant, soit plus tard dans une relecture.


A lire aus­si : Grandes écoles et crois­sance per­son­nelle : atout ou obstacle ?


Comment traverser la perte ?

Bien loin de la promesse du tran­shu­man­isme, cha­cun subit dans son exis­tence de mul­ti­ples pertes, ne serait-ce que celles liées à l’âge, de l’enfance à la vieil­lesse, celles liées aux soucis de san­té, aux rela­tions affec­tives déçues, aux croy­ances. Dans le domaine pro­fes­sion­nel égale­ment, il est fréquent d’avoir un échec dans son ambi­tion, d’être bar­ré par une per­son­ne, de subir une pres­sion inces­sante. Ces pertes vont déranger l’ordre établi de notre exis­tence en nous reti­rant ce qui sem­blait nous appartenir.

Phénomène nor­mal de guéri­son, tra­vers­er des pertes peut être mieux com­pris et accom­pa­g­né en se référant à la « val­lée du deuil ». Pour des experts comme le psy­cho­logue cana­di­en Jean Mon­bour­quette, « on a pleine­ment vécu son deuil lorsque, en enten­dant quelqu’un relater un sou­venir de la per­son­ne aimée – de la sit­u­a­tion per­due –, on se réjouit de l’avoir con­nue, fréquen­tée et aimée ».

Cette tra­ver­sée demande volon­té et courage, et se vit à tra­vers une suc­ces­sion d’étapes, ou plutôt de points de repère. Cela mobilise notre psy­cholo­gie et notre Soi (terme de C. G. Jung pour désign­er l’âme), et cela prend du temps.

Qua­tre étapes sont par­ti­c­ulière­ment mar­quantes dans ce processus.

Expression des émotions

Au con­traire des con­seils de l’entourage qui pro­poserait volon­tiers de pass­er à autre chose, tourn­er la page et ne pas se com­plaire dans le négatif, il est impor­tant de racon­ter à quelqu’un de con­fi­ance les cir­con­stances vécues. Se rep­longer dans l’annonce de la nou­velle, afin d’identifier les émo­tions ressen­ties et par­fois mélangées : colère, tristesse, peur de l’abandon, cul­pa­bil­ité sou­vent, avec par­fois des sen­ti­ments d’impuissance et d’angoisse, mais aus­si de soulagement.

C’est l’occasion de répon­dre aux deux ques­tions clés : « Qu’as-tu per­du ? » et « Qu’est-ce que cela représen­tait pour toi ? » Der­rière un job était-ce une posi­tion, un avan­tage, une réus­site, une promesse ? Il m’est arrivé de pass­er une séance com­plète de coach­ing avec ces deux seules ques­tions, pour que finale­ment la vraie perte se révèle… et apporte un pro­fond soulagement.


Un entretien AX Carrières, un coaching ?

L’un des béné­fices des entre­tiens pro­posés gra­tu­ite­ment par AX Car­rières (en un clic sur le site de l’AX), c’est de porter un regard extérieur sur une sit­u­a­tion pro­fes­sion­nelle, qu’elle soit cri­tique ou sim­ple, et pro­pos­er des ori­en­ta­tions. De manière plus appro­fondie, dans un coach­ing, un coach vous aidera à définir un objec­tif vis-à-vis d’une sit­u­a­tion que vous voudriez tra­vers­er au mieux et, au fil d’une dizaine de séances, vous amèn­era à mobilis­er vos pro­pres ressources pour l’atteindre.


Accomplir les tâches matérielles

Notre psy­cholo­gie a besoin que l’on close le chapitre de la perte. Fer­mer et archiv­er les dossiers, achev­er les dia­logues, garder un objet sym­bol­ique mais se débar­rass­er des choses anci­ennes. Le pas­sage à l’action fait aus­si entr­er dans une dynamique nou­velle et donne un sig­nal clair que c’est bien fini, à con­di­tion d’avoir pris le temps d’écouter les émotions.

Chercher le sens

Affirmer qu’il y a un sens dans la perte peut être révoltant. C’est d’abord un non-sens, une diminu­tion. Cepen­dant, la perte ouvre des chemins nou­veaux, crée des pos­si­bil­ités dont nous n’aurions pas eu idée, inflé­chit notre histoire.

Ain­si, on ne peut pas con­stru­ire sa vie pro­fes­sion­nelle sans renon­cer à son statut d’étudiant.

Mais le sens est aus­si la sig­ni­fi­ca­tion que cette perte prend pour nous, que l’on peut approcher par des ques­tions comme :

  • « Qu’as-tu appris sur toi-même et en quoi es-tu devenu plus humain ? »
  • « Quelles nou­velles forces et ressources as-tu décou­vertes en toi ? »
  • « Com­ment vas-tu réori­en­ter ta vie ? »

Accueillir l’héritage

L’un des apports orig­in­aux de Mon­bour­quette est cette notion d’héritage : ce que l’on a aimé cor­re­spond à une « pro­jec­tion » d’éléments incon­scients de notre psy­chisme, qual­ités, tal­ents, idéaux sur une per­son­ne ou un objet. Plutôt que com­penser en recher­chant immé­di­ate­ment un autre « sup­port de pro­jec­tion » (un autre asso­cié, une autre start-up, un autre poste de DG), il s’agit de se réap­pro­prier ces élé­ments : « Telle qual­ité que j’avais prêtée, je la reprends pour moi. »

Par exem­ple, si j’ai admiré la clair­voy­ance d’un chef qui m’aidait à dénouer des sit­u­a­tions com­plex­es, je vais me réap­pro­prier ma pro­pre clairvoyance.

Se con­naître soi-même con­stitue un itinéraire de vie, qui com­prend une bonne part de lâch­er-prise. C’est en agis­sant et en nous voy­ant agir dans les événe­ments de la vie que nous nous décou­vrons davan­tage, de manière non prévis­i­ble. Un tra­vail de relec­ture et d’accompagnement se révèle par­ti­c­ulière­ment utile, car il n’est pas pos­si­ble de faire abstrac­tion de ses fil­tres lorsque nous nous examinons.

La tra­ver­sée des inévita­bles pertes en fait par­tie, pour peu que nous nous y enga­gions avec con­fi­ance. Au bout de la route, nous en ressor­tons gran­dis et plus humains : peut-être une cer­taine toute-puis­sance se sera-t-elle fis­surée, serons-nous devenus plus com­patis­sants et aurons-nous appris à accueil­lir en nous des qual­ités nou­velles : des soft skills ? 


Les détachements volontaires

Il ne faudrait pas croire que seules les épreuves peu­vent con­duire à une bonne con­nais­sance de soi. 

Lorsque nous sommes con­fort­able­ment instal­lés dans une sit­u­a­tion, en sécu­rité, c’est l’occasion de nous met­tre à l’écoute de nos motions intérieures, de nos envies pro­fondes. Où devons-nous bouger ?

Un exer­ci­ce intéres­sant con­siste à faire un « détache­ment volon­taire ». N’y a‑t-il pas dans nos vies des choses qui nous lient, objets (livres, bureau), activ­ités (inutiles, non sat­is­faisantes), atti­tudes (peur de man­quer, rou­tines, pos­tures), et même des qual­ités recon­nues par l’ego (paraître), dont nous gag­ne­r­i­ons à nous détach­er parce que cela serait pour un plus grand bien ? C’est indiqué lorsque nous con­sid­érons ces choses comme des exten­sions de nous-même ou comme nous appar­tenant, ou encore lorsqu’elles sont idéalisées… 

Faisons la liste et choi­sis­sons-en une, puis entrons en dia­logue avec elle : 

  • « Qu’est-ce que tu représentes pour moi aujourd’hui ? Hier ? »
  • « Quels liens gardes-tu avec moi et que m’arriverait-il si je me détachais de toi ? »
  • « Est-ce que j’éprouve des résis­tances à l’idée de me détach­er de toi et de quelle manière les pren­dre en compte ? »
  • « Com­ment con­serv­er ce que tu m’as appris ? »
  • « Quelle est la moti­va­tion pro­fonde qui me per­met de me détach­er de toi ? »

Le détache­ment, man­i­festé par un acte con­cret (don­ner, faire un sym­bole et le détru­ire avec respect, etc.), per­me­t­tra sou­vent une véri­ta­ble libéra­tion intérieure.

Source : Straté­gies pour dévelop­per l’estime de soi et l’es­time du Soi, de Jean Mon­bour­quette et Isabelle d’Aspremont


Poster un commentaire