Tigre

Les hélicoptères de l’État

Dossier : HélicoptèresMagazine N°767 Septembre 2021
Par Monique LEGRAND-LAROCHE (82)

Depuis plus de 60 ans, les héli­cop­tères ont con­quis leur place dans le domaine régalien. Ils sont extrême­ment engagés, que ce soit dans le domaine mil­i­taire ou dans celui du ser­vice pub­lic. Ils sont util­isés très forte­ment de nuit, sou­vent dans des con­di­tions météorologiques difficiles.

L’hélicoptère, grâce à son apti­tude au décol­lage et à l’atterrissage ver­ti­cal, au vol sta­tion­naire, a une apti­tude unique pour cer­taines mis­sions régali­ennes. Si les appli­ca­tions civiles de l’hélicoptère sont nom­breuses, ce sont les util­isa­teurs mil­i­taires qui expri­ment les besoins les plus exigeants et qui font pro­gress­er le plus les capac­ités de ces appareils. Les pos­si­bil­ités des héli­cop­tères au com­bat ont été mis­es en évi­dence en Indo­chine ou en Corée, en Algérie comme au Viet­nam, d’abord pour des mis­sions de sauve­tage, puis des mis­sions de trans­port de troupes, de recon­nais­sance et enfin des mis­sions de com­bat. Les pro­grammes en coopéra­tion ont joué un rôle prépondérant.

La pro­duc­tion d’hélicoptères en France a com­mencé sous licence avec Siko­rsky par­ti­c­ulière­ment. La coopéra­tion s’est dévelop­pée d’abord avec le Roy­aume-Uni, avec West­land, aujourd’hui absorbé par Leonar­do. Comme dans d’autres domaines, la coopéra­tion, lancée avec les Bri­tan­niques, s’est pour­suiv­ie avec les Alle­mands. Le Tigre a été le fer­ment du rap­proche­ment entre l’Aérospatiale-division héli­cop­tères, l’industriel français, et MBB, l’industriel alle­mand, ce qui a don­né Air­bus Heli­copters aujourd’hui. Mal­heureuse­ment, le NH90 n’a pas eu le même effet béné­fique avec l’italien Agus­ta – devenu Leonar­do – et l’Europe a aujourd’hui deux indus­triels con­struc­teurs d’hélicoptères con­cur­rents. Les grands pro­grammes de renou­velle­ment de flottes d’hélicoptères sont rares, l’État gar­dant ses aéronefs longtemps, mais afin d’avoir des aéronefs même anciens tou­jours adap­tés à l’évolution des champs de bataille, ils subis­sent régulière­ment des évo­lu­tions de stan­dard qui per­me­t­tent une évo­lu­tion capacitaire.

Les ori­en­ta­tions à avoir pour l’avenir des héli­cop­tères de l’État sont selon plusieurs axes : har­mon­i­sa­tion et homogénéi­sa­tion des flottes pour faciliter leur main­tien en con­di­tion opéra­tionnelle, avec des appareils plus poly­va­lents, pou­vant avoir dif­férents kits pour s’adapter aux mis­sions ; équili­bre entre les héli­cop­tères dérivés d’appareils civils, dont le coût de pos­ses­sion est plus faible, et les héli­cop­tères spé­ci­fique­ment mil­i­taires par­ti­c­ulière­ment adap­tés aux mis­sions de haute inten­sité ; prise en compte de la révo­lu­tion apportée par les aéronefs sans pilote (y com­pris à voil­ure tour­nante) avec développe­ment de cou­plages entre aéronefs pilotés et aéronefs non pilotés.


REPÈRES

L’État met en œuvre pour ses mis­sions régali­ennes près de 500 héli­cop­tères, qui lui appar­ti­en­nent dans une très grande majorité. Les héli­cop­tères sont tous d’origine Air­bus Heli­copters (soit seul, soit en coopéra­tion avec Leonar­do) et la motori­sa­tion est issue de Safran Heli­copter Engines, soit seul, soit en coopéra­tion avec des indus­triels européens (Rolls-Royce, MTU, ITP). En effet le domaine des héli­cop­tères mil­i­taires est l’objet de très anci­ennes coopéra­tions européennes, tout d’abord entre la France et l’Angleterre dans les années 60, puis entre la France et l’Allemagne dans les années 90. Ces appareils sont de plus de 12 types dif­férents, avec un spec­tre d’ancienneté très large, les plus anciens appareils ayant été livrés depuis près de 50 ans et les plus récents étant encore en cours de livraison. 


Les hélicoptères du ministère des Armées

Une car­ac­téris­tique des héli­cop­tères mil­i­taires est d’avoir des noms d’animaux. Quand on pense à l’aéronautique mil­i­taire, il est naturel de penser à l’armée de l’air. Mais le monde des héli­cop­tères mil­i­taires est majori­taire­ment celui de l’armée de terre. La guerre d’Algérie a réelle­ment mar­qué la nais­sance de l’emploi d’hélicoptères inté­grés dans la manœu­vre ter­restre, con­duisant à la créa­tion en 1954 de l’Aviation légère de l’armée de terre (ALAT).

L’armée de terre

Les 222 héli­cop­tères de l’ALAT appor­tent des capac­ités de feu (canon, roquettes guidées laser, mis­siles air-air et mis­siles air-sol à guidage laser), ren­seigne­ment, mobil­ité et com­man­de­ment à par­tir de l’espace aérien proche du sol. Les muni­tions à guidage laser per­me­t­tent le tir au-delà de la vue directe, ce qui ren­force la capac­ité d’action des héli­cop­tères. Les équipements d’aide au pilotage et de nav­i­ga­tion per­me­t­tent un engage­ment dans des con­di­tions très dégradées, de jour comme par­mi les nuits les plus som­bres (nuit de niveau 5). La sur­viv­abil­ité des aéronefs est assurée par la mise en place de sys­tèmes d’autoprotection et par les pro­tec­tions antibal­is­tiques ; à cela s’ajoute l’usage par­ti­c­uli­er du vol tac­tique. Le vol tac­tique, qui con­siste à évoluer au plus près du relief en util­isant les masques du ter­rain, de préférence de nuit, assure une bonne pro­tec­tion par rap­port à la men­ace sol-air.

Chaque héli­cop­tère est rac­cordé à la chaîne de com­man­de­ment numérisée, par la mise en œuvre de sys­tèmes d’information ter­minaux et par l’usage de postes de com­man­de­ment tac­tiques embar­qués à bord d’hélicoptères de manœu­vre. Les unités d’hélicoptères peu­vent pro­duire leurs effets mil­i­taires rapi­de­ment, dans des zones dif­fi­ciles, voire impos­si­bles d’accès pour les unités au sol. Elles con­ser­vent l’effet de sur­prise, avec une exploita­tion en boucle courte du ren­seigne­ment, en inter­venant rapi­de­ment sur un adver­saire à décou­vert avant qu’il ne réagisse, et cela de nuit et par tout temps.

Les héli­cop­tères se répar­tis­sent en deux groupes : les héli­cop­tères de recon­nais­sance et d’attaque (HRA), que sont les Gazelle et les Tigre, et les héli­cop­tères de manœu­vre et d’assaut (HMA), que sont les Puma, Cougar, Cara­cal et Caï­man. Les HRA appor­tent des capac­ités de ren­seigne­ment et de feu pour des mis­sions de recon­nais­sance, d’attaque, de destruc­tion, d’escorte. Les HMA assurent des mis­sions d’héliportage et d’hélitransport et d’évacuation san­i­taire. Les appareils sont forte­ment util­isés par les forces spé­ciales. Ils peu­vent être égale­ment employés à par­tir de bâti­ments de la Marine nationale. Sur le ter­ri­toire nation­al, les héli­cop­tères con­tribuent aux mis­sions de sauve­tage et de recherche au prof­it des autorités gou­verne­men­tales. Par ailleurs, la for­ma­tion ini­tiale des pilotes est réal­isée avec des Col­ib­ri, qui sont l’objet d’un parte­nar­i­at pub­lic-privé ; la for­ma­tion com­plé­men­taire (vol aux instru­ments…) est assurée avec des Fen­nec. Les héli­cop­tères de l’armée de terre ont joué un rôle clé dans toutes les opéra­tions extérieures récentes, que ce soit en Afghanistan, en Libye, en République cen­trafricaine ou au Mali. 

La Marine nationale

Les 64 héli­cop­tères de l’aéronautique navale sont prin­ci­pale­ment embar­qués ; ils assurent les mis­sions de maîtrise de l’espace aérien au-dessus de la mer et la pro­jec­tion de puis­sance depuis la mer. Conçus pour un emploi par tout temps et à la mer, ces héli­cop­tères dis­posent générale­ment d’un har­pon d’ancrage, d’une capac­ité de pliage des pales, d’un train d’atterrissage à roues, d’une flot­ta­bil­ité de sec­ours et d’un traite­ment con­tre la cor­ro­sion saline. Leur main­tien en con­di­tion opéra­tionnelle est adap­té pour assur­er une disponi­bil­ité max­i­male à la mer ; la main­te­nance doit pou­voir être réal­isée à bord des bâti­ments, par des équipes restreintes et dans des envi­ron­nements exi­gus. Vecteurs embar­qués des mis­sions d’assaut, de lutte anti­navire et sys­tèmes d’armes prin­ci­paux de lutte anti-sous-marine, les héli­cop­tères sont à la fois les yeux, les oreilles et le bras armé des bâtiments.

Le Caï­man est embar­qué prin­ci­pale­ment sur les fré­gates de pre­mier rang, à qui il donne une capac­ité de détec­tion, iden­ti­fi­ca­tion, local­i­sa­tion tran­shori­zon, grâce à sa chaîne de détec­tion per­for­mante et une capac­ité d’attaque des men­aces sous-marines avec les deux tor­pilles dont il est armé. Le Pan­ther, de plus petite taille, embar­que sur des fré­gates de classe « La Fayette » et sur les fré­gates de sur­veil­lance déployées out­re-mer. Tous les héli­cop­tères sont dotés de capac­ités de lutte anti­navire. Les héli­cop­tères sont un acteur impor­tant du sou­tien logis­tique du bâti­ment por­teur en facil­i­tant les trans­ferts, de per­son­nel comme de matériel. Ils assurent aus­si la pro­jec­tion de force avec les mis­sions de trans­port de troupes vers la terre. 

Con­cer­nant l’action de l’État en mer, ils assurent des mis­sions de sur­veil­lance de route mar­itime, de lutte con­tre les trafics illicites et les pol­lu­tions et de con­tre-ter­ror­isme. Dans ce cadre, ils embar­quent un tireur avec une arme légère ou peu­vent dépos­er des com­man­dos par aéro­cordage. Les Dauphin Pedro assurent les mis­sions de sauve­g­arde lors des cat­a­pul­t­ages et appon­tages à bord du porte-avions. Une quin­zaine d’hélicoptères de la marine (Dauphin, Caï­man) sont en alerte H24, 7 jours sur 7, pour assur­er depuis la terre (en métro­pole ou à Tahi­ti) la recherche et le sauve­tage en mer. Les Alou­ette III sont essen­tielle­ment util­isées pour la for­ma­tion aux spé­ci­ficités du vol à par­tir d’une plate­forme maritime.

Caiman
Caiman

L’armée de l’air

Les 75 héli­cop­tères de l’armée de l’air sont employés dans des mis­sions d’appui, de trans­fert de per­son­nel, de police du ciel ou de sauve­tage. Les Cara­cal sont employés pour la mis­sion de recherche et sauve­tage au com­bat (CSAR : Com­bat, Search and Res­cue), mis­sion de recherche de pilotes d’aéronef con­traints de s’éjecter d’un avion de com­bat, qu’ils assurent grâce à leurs senseurs et leur arme­ment. Ce sont les seuls héli­cop­tères de l’État ayant la capac­ité d’être rav­i­tail­lés en vol, soit à par­tir des A400M, soit à par­tir des EC130. Ils assurent égale­ment des mis­sions au prof­it des forces spé­ciales et de con­tre-ter­ror­isme mar­itime. Des EC225 sont en per­ma­nence mis à dis­po­si­tion de la DGSE. 

Les Fen­nec assurent la police du ciel avec la mis­sion MASA (mise en œuvre des mesures actives de sûreté aéri­enne), grâce à leur arme­ment et l’embarquement d’un tireur d’élite. Sta­tion­nés en métro­pole et out­re-mer, ils assurent tout par­ti­c­ulière­ment la pro­tec­tion du cen­tre spa­tial guyanais. Ils sont employés pour le respect des bulles de pro­tec­tion des lieux sen­si­bles (dans le cas d’événements comme le G7 ou des grands événe­ments sportifs). Les Puma assurent des mis­sions de SAR (recherche et sauve­tage), en cas d’accident d’aéronef, et Sec­mar (sec­ours mar­itime), d’évacuation san­i­taire et de sou­tien aux pop­u­la­tions ; ils sont sta­tion­nés en métro­pole et out­re-mer. En Guyane, ils ont une mis­sion de lutte con­tre l’orpaillage. Ils ont une mis­sion com­mune avec l’armée de terre de trans­port des mil­i­taires du GIGN et du RAID. Les Super Puma assurent le trans­port des hautes autorités gouvernementales. 

Out­re les armées, les 9 héli­cop­tères de la direc­tion générale de l’armement DGA (Puma, Fen­nec, H225) sont dédiés aux essais en vol. 

Les hélicoptères de service public

Les 99 héli­cop­tères de ser­vice pub­lic con­courent aux mis­sions de sécu­rité publique, de sec­ours aux per­son­nes et aux biens et d’aide médi­cale urgente. La sécu­rité civile a une flotte homogène d’EC145 ; les douanes ont des EC135 et des Écureuil, la Gen­darmerie nationale a des EC145, des EC135 et des Écureuil. Ces appareils ont des équipements et des équipages entraînés (vol aux instru­ments, hél­itreuil­lage), qui leur per­me­t­tent d’intervenir en envi­ron­nement périlleux ou hos­tile et par mau­vais­es con­di­tions météorologiques. Les pilotes sont très majori­taire­ment d’anciens pilotes mil­i­taires, qui ont acquis dans les armées les com­pé­tences spé­ci­fiques nécessaires. 

La mis­sion de sécu­rité publique relève prin­ci­pale­ment des héli­cop­tères de la gen­darmerie. La mis­sion de sec­ours aux per­son­nes et aux biens relève de la sécu­rité civile ; elle béné­fi­cie du ren­fort de la gen­darmerie pour le sec­ours en mon­tagne, ain­si que de la marine et de l’armée de l’air pour le sec­ours en mer. La police nationale ne dis­pose pas en pro­pre d’hélicoptères et a un droit d’utilisation de ceux de la gen­darmerie et de la sécu­rité civile. Les douanes assurent les mis­sions de sur­veil­lance aéro­mar­itimes et aéroter­restres. L’État a égale­ment recours à la loca­tion d’hélicoptères pour des mis­sions de ser­vice pub­lic : trans­port de per­son­nes en sit­u­a­tion d’urgence pour les étab­lisse­ments de san­té, lutte con­tre les feux de forêt pour les ser­vices départe­men­taux d’incendie et de sec­ours, sur­veil­lance et ren­seigne­ment pour la police de l’air et des frontières. 


Petit lexique…

Gazelle : appareil mono­tur­bine, classe 1,5 t, avec un viseur (optique et ther­mique) ; dévelop­pé en coopéra­tion avec le Roy­aume-Uni ; âge moyen de la flotte : 35 ans. 

Tigre : appareil bitur­bine, classe 6 t, avec un canon de 30 mm, des roquettes, des mis­siles antichars et air-air, cel­lule en com­pos­ite, canon asservi au casque du tireur, viseur (voie ther­mique, TV, désig­na­teur laser) ; dévelop­pé en coopéra­tion avec l’Allemagne et l’Espagne ; âge moyen de la flotte : 8 ans. 

Puma : appareil bitur­bine, classe 7 t, avec mitrailleuse de 7,62 mm ou canon de 20 mm ; dévelop­pé en coopéra­tion avec le Roy­aume-Uni ; âge moyen de la flotte : 46 ans. 

Cougar : appareil bitur­bine, classe 9 t ; âge moyen de la flotte : 30 ans. 

Cara­cal : appareil bitur­bine, classe 11 t, avec mitrailleuse 12,7 mm et canon de 20 mm en sabord, caméra infrarouge ; âge moyen de la flotte : 15 ans. 

Caï­man : appareil bitur­bine, classe 10 à 11 t, fuse­lage en com­pos­ite, com­man­des de vol élec­triques, avec une rampe arrière ; dévelop­pé en coopéra­tion avec l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas (et le Por­tu­gal) ; âge moyen de la flotte : 4 ans. 

Fen­nec : appareil bitur­bine, classe 2 t, âge moyen de la flotte : 26 ans. 

Caï­man : ver­sion marine, avec sonar trem­pé, bouées acous­tiques, radar de portée supérieure à 200 nau­tiques, tor­pilles ; âge moyen de la flotte : 7 ans. 

Pan­ther : appareil bitur­bine, classe 4 t, avec con­sole tac­tique ; âge moyen de la flotte : 25 ans. 

Dauphin : appareil bitur­bine, classe 4 t, avec plusieurs stan­dards (N3, Pedro, ser­vice pub­lic) ; âge moyen de la flotte de 10 ans à 38 ans selon les standards. 

Alou­ette III : appareil mono­tur­bine, classe 1,5 à 2 t, équipé d’un treuil ; âge moyen de la flotte : 45 ans. 

EC145 : appareil bitur­bine, classe 3 t, équipé d’un treuil et d’un phare de recherche, accès arrière de la cab­ine pour l’emport de brancards. 

EC135 : appareil bitur­bine, classe 3,5 t, équipé d’un treuil et d’un phare de recherche, accès arrière de la cab­ine pour l’emport de brancards. 

Écureuil : appareil mono­tur­bine, équipé d’un treuil, d’un phare de recherche et d’une caméra.

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