Les femmes doivent prendre leur destin en charge

Dossier : Polytechnique et Mines au fémininMagazine N°637 Septembre 2008
Par Avra Isabelle TZEVELEKIS (94)

Ivan saura ce que s’en­gager veut dire. À deux mois à peine, il n’hésite pas à par­courir les rues de la cap­i­tale, en sac à ven­tre et sac au dos, pour venir ren­con­tr­er dans un bistro louche quelque vieux renard de la presse. C’est que le temps est comp­té. Sa maman, Avra Tzevelekis, prési­dente avec un man­dat d’un an, croit en l’ac­tion sur le ter­rain pour que les choses bougent. Elle fait équipe avec douze autres jeunes femmes, afin d’aider les femmes diplômées de l’X et des Mines à trou­ver les clés qui régis­sent les pro­mo­tions et des pistes pour résoudre les équa­tions de l’équili­bre personnel. 

Un réseau de femmes

Mais com­ment devient-on prési­dente d’un ” Club au féminin ” ? ” En débu­tant chez Gen­er­al Elec­tric (GE), où j’ex­erçais des fonc­tions de chef de pro­jet dans une branche indus­trielle, à dom­i­nante mas­cu­line, j’ai décou­vert un réseau de femmes, le GE Women Net­work, dont la préoc­cu­pa­tion pre­mière était de don­ner un cadre d’échanges per­me­t­tant de décoder l’en­tre­prise. Quelques années plus tard, j’ai retrou­vé à L’Air Liq­uide, en même temps qu’un tra­vail cor­re­spon­dant à mes aspi­ra­tions, le même esprit d’ou­ver­ture et d’aven­ture s’ef­forçant de don­ner aux femmes l’op­por­tu­nité d’ex­primer leur plein poten­tiel. ” J’é­tais donc bien con­va­in­cue de l’u­til­ité de tels réseaux pour abor­der les vies privée et pro­fes­sion­nelle avec lucid­ité et agir ou faire des choix en con­nais­sance de cause. Ain­si, lorsque Nathalie Charles (84, vice-prési­dente de X et Mines au féminin), en marge d’une enquête du GEF (Grandes écoles au féminin) fit une ouver­ture, tous les élé­ments étaient réu­nis pour que je m’en­gage avec con­vic­tion dans l’an­i­ma­tion d’un réseau de diplômées. C’é­tait en 2002 et nous avons atteint un régime de croisière en 2006. ” 

Une prise de conscience

Mais, com­ment pro­mou­voir les femmes ? ” D’abord, en agis­sant pour une prise de con­science générale de la sit­u­a­tion. Ensuite, en con­stru­isant des réseaux informels. Puis, en mobil­isant les diplômées de nos deux écoles autour des thèmes qui les touchent et en partageant nos expéri­ences et nos points de vue. Enfin, en se rap­prochant des diplômées d’autres grandes écoles pour enrichir nos recherch­es et nos réflex­ions. ” En pra­tique, ce sont des réu­nions qui per­me­t­tent aux diplômées de même for­ma­tion d’échang­er leurs expéri­ences. ” Il est impor­tant, souligne Avra Tzevelekis, de ne pas se sen­tir seule, de décou­vrir que son cas n’est pas unique, de pou­voir s’in­spir­er de l’ex­em­ple d’autres, et d’en­vis­ager et dis­cuter divers­es solu­tions avec des pairs qui n’au­ront pas de préjugé. ”

X et Mines au féminin
56, avenue Dumotel,
94230 Cachan,
Tél. : 01 45 47 32 66
avra.tzevelekis@m4x.org
Le Bureau
Avra Tzelevekis, présidente
Nathalie Charles, vice-présidente
Lau­ra Car­rère, trésorière.
Avra Tzevelekis (94), de nation­al­ité grecque, pour­suit sa sco­lar­ité dans des pays divers, avant de pass­er son bac en Grèce et de pré­par­er l’X au lycée Saint-Louis.
Après l’École des mines, à titre civ­il, elle entre en 1999 chez Gen­er­al Elec­tric où elle exerce suc­ces­sive­ment des fonc­tions de chef de pro­jet et de directeur de région (nord-est de la France).
En sep­tem­bre 2006, elle rejoint L’Air Liq­uide comme chef de pro­jet de la réor­gan­i­sa­tion en Europe. Mar­iée à un ingénieur français, elle est mère d’Ivan depuis le 16 mars dernier.

Gérer des temps de vie, situer son ambition, gérer son image

Les mem­bres du Club tra­versent toutes divers­es étapes dans leur vie de femme. ” Les plus jeunes, dis­ons jusqu’à trente-cinq ans, se préoc­cu­pent de leur image et de leur pro­mo­tion dans leur pre­mière ou leur deux­ième entre­prise. Une femme doit oser se met­tre en avant et com­mu­ni­quer sur son ambi­tion, ses valeurs, ses capac­ités, sans se sous-estimer et s’au­to­cen­sur­er. ” ” Arrivent ensuite ce qu’on peut appel­er ” des virages de la vie “. Les enfants ou, un peu plus tard, les par­ents âgés et sou­vent à charge. Entre-deux il a pu y avoir expa­tri­a­tion et retour à gér­er. ” De façon générale il faut en per­ma­nence équili­br­er sa vie privée et sa vie pro­fes­sion­nelle. ” ” Tout cela est égale­ment vrai pour les hommes, mais il faut recon­naître aux femmes une mobil­i­sa­tion sur le volet famille — voire une cul­pa­bil­i­sa­tion — tra­di­tion­nelle­ment plus forte, qui ori­ente vers des par­cours de car­rière moins linéaires. ” 

Des événements mensuels

Le fonc­tion­nement pra­tique du Club est sim­ple. Le Bureau, qui se renou­velle tous les ans, se réu­nit une fois par mois, alter­na­tive­ment en ses­sion de tra­vail et dîn­er con­vivial. Les douze mem­bres s’en­ga­gent à pro­pos­er et organ­is­er cha­cune un ” événe­ment ” par an et à par­ticiper aux réu­nions au moins une fois sur deux. L’événe­ment est une con­férence, un ate­lier ou des témoignages, le soir à par­tir de 19 heures, suiv­is d’un cock­tail — générale­ment dans un local prêté par l’É­cole des mines ou le Boston Con­sult­ing Group, cab­i­net de con­seil en stratégie qui s’in­téresse de près au sujet, ou alors sous forme de dîn­er. Entre trente et quar­ante per­son­nes s’in­scrivent chaque fois et par­ticipent aux frais à hau­teur de dix à vingt euros par per­son­ne, ou pour le prix du dîner. 

Et les hommes ?

” Mon mari, lui-même ingénieur et man­ag­er chez France Télé­com, m’a tou­jours soutenue. Au début, mes réu­nions ” de femmes ” lui parais­saient aimable­ment gen­til­lettes. Main­tenant, il nous prend beau­coup plus au sérieux. Il recon­naît même qu’il s’est enrichi lui-même à notre con­tact. La ges­tion de car­rière tout en réus­sis­sant l’équili­bre ” vie privée-vie pro­fes­sion­nelle ” qui con­vient à l’in­di­vidu est aus­si un souci mas­culin et l’on peut très bien imag­in­er qu’un homme mette sa car­rière en veilleuse pour aider sa femme à réus­sir la sienne. Mais, peut-on réelle­ment con­cili­er car­rière fémi­nine et vie de famille ? ” C’est une ques­tion de bonne ges­tion. Je veux avoir trois enfants, mais j’ai aus­si l’am­bi­tion d’avoir une car­rière pro­fes­sion­nelle et des respon­s­abil­ités opéra­tionnelles impor­tantes. Il est bien con­nu que les enfants sont d’au­tant plus épanouis que leur maman (et leur papa) l’est ! ça se plan­i­fie avec lucid­ité, ça s’or­gan­ise avec minu­tie et ça se met en œuvre avec ent­hou­si­asme et con­vic­tion, le tout à deux. ” Ivan opine du chef, en finis­sant sa bière…

Propos recueillis par Jean-Marc Chabanas (58)

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