L’Ecole polytechnique et ses élèves prisonniers de guerre (1940–1945)

Dossier : ExpressionsMagazine N°601 Janvier 2005Par : Robert GARABIOL (38)

À l’en­trée en guerre de la France et de l’Alle­magne, le 2 sep­tem­bre 1939, l’É­cole poly­tech­nique comp­tait une pro­mo­tion d’élèves (1938) qui avaient fait un an d’é­tudes et s’ap­prê­taient à entr­er en deux­ième année, et une pro­mo­tion (1939) entrant à l’É­cole pour y faire nor­male­ment les deux années de scolarité.

Les élèves de la pro­mo­tion 38 ont été envoyés dans les écoles mil­i­taires d’ap­pli­ca­tion en étant nom­més sous-lieu­tenants. Ils en sont sor­tis en févri­er 1940 et ont été affec­tés à des corps de troupe ou tem­po­raire­ment à des dépôts.

Les élèves les plus âgés de la pro­mo­tion 39 ont subi le même sort, en étant nom­més sous-lieu­tenants à la sor­tie des écoles d’ap­pli­ca­tion, tan­dis que les plus jeunes enta­maient leur pre­mière année de sco­lar­ité à Paris.
Sur les 248 élèves français de la pro­mo­tion 38, 55 se trou­vaient dans des camps à la fin de la guerre. Pour la pro­mo­tion 39, sur les 287 élèves français, 37 étaient pris­on­niers à la même époque1.

L’É­cole a ten­té, dès août 1940, d’obtenir la libéra­tion de ses élèves pris­on­niers ou leur mise en con­gé de cap­tiv­ité. Une réponse néga­tive a été apportée par les autorités alle­man­des le 19 sep­tem­bre 1940. La démarche a été reprise par l’am­bas­sadeur Georges Scap­i­ni en décem­bre2.

Par ailleurs, l’É­cole s’est préoc­cupée, dès 1941, d’en­voy­er aux élèves pris­on­niers, au fur et à mesure de leur pub­li­ca­tion, les cours (poly­copiés) dis­tribués aux élèves présents à l’É­cole (instal­lée alors à Lyon). Le mode d’ex­pédi­tion a posé prob­lème. Après avoir pen­sé les con­fi­er aux familles, l’É­cole a pu faire ces envois par l’in­ter­mé­di­aire du ser­vice Scap­i­ni et, plus pré­cisé­ment, par les soins des cen­tres d’en­traide aux étu­di­ants mobil­isés et pris­on­niers3.

Au cours du Con­seil de per­fec­tion­nement du 11 octo­bre 1941, sous la prési­dence de Berth­elot, secré­taire d’É­tat aux Com­mu­ni­ca­tions, le gou­verneur Calv­el fait le point sur la ques­tion des prisonniers.

Il a pro­posé la mise en con­gé de cap­tiv­ité, à Paris, de l’ensem­ble des élèves prisonniers.

“Comme posi­tion de repli, il pro­pose la réu­nion, dans un ou deux Oflags, des élèves pris­on­niers avec un cer­tain nom­bre d’an­ciens élèves, doc­teurs ès sci­ences, et de pro­fesseurs d’u­ni­ver­sité égale­ment pris­on­niers. Ain­si, les cours de l’É­cole qui ont déjà été envoyés à tous les pris­on­niers et qui con­tin­u­ent à l’être au fur et à mesure de leur impres­sion pour­raient être étudiés avec fruit4.”

Mais, à la séance du 14 févri­er 1942, le gou­verneur donne con­nais­sance d’une let­tre du général Bridoux, secré­taire d’É­tat à la Guerre, qui apporte la réponse néga­tive des autorités alle­man­des pour la mise en con­gé de cap­tiv­ité des élèves prisonniers.

Il n’y a eu, d’autre part, aucun regroupe­ment des pris­on­niers pour faciliter le tra­vail des étu­di­ants, qu’ils soient poly­tech­ni­ciens ou non.

Finale­ment, le tra­vail des élèves pris­on­niers a été essen­tielle­ment indi­vidu­el à par­tir des cours reçus. Je dois cepen­dant not­er qu’à par­tir du débar­que­ment du 6 juin 1944 rap­prochant la per­spec­tive de la libéra­tion, les six ou sept élèves de la pro­mo­tion 38 pris­on­niers à l’Oflag IV D (Hoy­er­swer­da) se réu­nis­saient pour faire des exer­ci­ces sur les cours de l’É­cole. Mais, à l’Oflag X C (Lübeck) où j’ai été trans­féré en août 1944, il n’y avait rien de sem­blable. Cepen­dant, dans le mai­gre bagage que nous pou­vions trans­porter d’un camp à l’autre, j’avais placé mes cours de l’X.

Après leur libéra­tion, les élèves pris­on­niers de la pro­mo­tion 38 ont passé les exa­m­ens de sor­tie, en sep­tem­bre 1945, sur un pro­gramme allégé, et ont été classés dans les corps de l’É­tat, ils sont entrés en octo­bre dans les écoles d’application.

Quant aux pris­on­niers de la pro­mo­tion 39, ils ont été regroupés dans une pro­mo­tion spé­ciale avec un pro­gramme d’é­tudes con­den­sé sur une seule année.

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1. Archives de l’É­cole poly­tech­nique. Reg­istres du Con­seil de per­fec­tion­nement. Séance du 26 mai 1945. Les esti­ma­tions faites en 1940 étaient un peu différentes.
2. AEP. Reg­istres du Con­seil d’in­struc­tion. Séance du 23 jan­vi­er 1941. Georges Scap­i­ni dirigeait les ser­vices diplo­ma­tiques des pris­on­niers de guerre.
3. AEP. Cor­re­spon­dances 1941. Note du 18 août 1941 à l’ingénieur Fontana, délégué de l’É­cole à Paris.
4. AEP. Reg­istres du Con­seil de perfectionnement.

Commentaire

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giard.veroniquerépondre
17 mai 2017 à 5 h 18 min

les officiers, pris­on­niers de guerre
L’as­so­ci­a­tion “mémoire et avenir” à laque­lle j’ap­par­tiens a pour objet de faire pass­er la mémoire des pris­on­niers officiers à leurs descen­dants et donc à tous.… elle est deman­der­esse de toutes infor­ma­tions sur le sujet . C’est pourquoi votre arti­cle et les infos jointes ont attiré mon atten­tion. Je vous sig­nale l’ex­po­si­tion oflag au musée Lecler­cq-Haute­clocque paris 14° jusqu’au 1er juin. voir notre site : “mem­oiree­tavenir”.

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