L'eau en état d'urgence

L’eau en état d’urgence

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°786 Juin 2023
Par Pierre RIBAUTE

Nous sommes entrés dans une nou­velle ère, où les effets du dérè­gle­ment cli­ma­tique sont de plus en plus per­cep­tibles dans nos vies. Les étés à venir seront, selon Météo France, de plus en plus chauds, et en 2050, un été sur deux res­sem­ble­ra à celui que nous venons de connaître, avec à la clé cani­cule et sécheresse.

Au-delà des séche­resses per­cep­tibles par tous en été, Météo France et le BRGM nous alertent sur le phé­no­mène de séche­resse hiver­nale, avec une recharge de nappes plus tar­dive et des tem­pé­ra­tures exces­si­ve­ment éle­vées ayant assoif­fé la végétation.
L’eau, en France, n’est mal­heu­reu­se­ment pas une res­source renou­ve­lable illi­mi­tée, en tout cas en France. Les res­sources dis­po­nibles en eau douce baissent (-14 % depuis 1990).

Au fil des années et de séche­resses de plus en plus mar­quées, le risque de pénu­rie d’eau douce aug­mente, et vient s’ajouter à d’autres inquié­tudes – guerre aux portes de l’Europe, infla­tion, crise de l’énergie…
Pour­tant les solu­tions existent. Nous avons les moyens de régler, pas à pas, les pro­blèmes à venir de l’eau en France, une terre d’excellence en matière de ges­tion de l’eau. Les savoir-faire, solu­tions et tech­no­lo­gies sont dis­po­nibles et éprou­vés pour ne pas vivre avec cette épée de Damo­clès au-des­sus de nos têtes.

Nous devons agir col­lec­ti­ve­ment et déployer très rapi­de­ment les solu­tions et pra­tiques adap­tées à chaque ter­ri­toire. C’est la condi­tion pour ne pas avoir à choi­sir entre tou­risme et irri­ga­tion des champs, entre sou­ve­rai­ne­té ali­men­taire, éner­gé­tique et déve­lop­pe­ment éco­no­mique, entre villes et cam­pagnes. Regar­dons avec humi­li­té com­ment Israël, la Cali­for­nie, ou plus proche de nous, com­ment nos voi­sins espa­gnols et ita­liens, confron­tés plus sévè­re­ment ou plus tôt que nous à la rare­té des res­sources en eau, ont su s’adapter.

L’union fait la force

Pour rele­ver ce défi, à l’heure où le gou­ver­ne­ment a fait de l’eau la pre­mière prio­ri­té de son plan de trans­for­ma­tion éco­lo­gique, j’ai quelques convic­tions fortes.
Il nous faut agir ensemble, à la maille des ter­ri­toires, au plus près des usages de l’eau et des besoins pour faire émer­ger des pro­jets pertinents.

Ensuite, il nous faut agir de façon prag­ma­tique et pro­gres­sive pour adap­ter au mieux la tra­jec­toire au scé­na­rio climatique.
Enfin, il fau­dra mobi­li­ser toutes les forces des acteurs publics et des acteurs pri­vés pour y arri­ver dans les meilleures condi­tions. Une volon­té publique forte, qui s’appuiera sur les meilleures exper­tises pour sécu­ri­ser le déploie­ment des solu­tions les plus adap­tées, est indis­pen­sable pour anti­ci­per, orga­ni­ser, et ne pas subir l’adaptation néces­saire de notre rap­port à l’eau et de nos usages.

L’ensemble des acteurs du monde de l’eau – déci­deurs publics, admi­nis­tra­tions publiques, bureaux d’études, entre­prises de ser­vices et tech­no­lo­gies spé­cia­li­sées – doivent unir leurs forces pour se don­ner toutes les chances de gagner la course contre la montre qui a commencé.

« L’ensemble des acteurs du monde de l’eau doivent unir leurs forces pour se donner toutes les chances de gagner la course contre la montre qui a commencé. »

S’il est indis­pen­sable d’aller vers une plus grande sobrié­té des usages, cela ne suf­fi­ra pas. Il faut en paral­lèle inves­tir dans des infra­struc­tures per­met­tant la réuti­li­sa­tion des eaux usées trai­tées et le sto­ckage des eaux de pluie notam­ment, dans une nou­velle géné­ra­tion d’interconnexions de réseaux garan­tis­sant la soli­da­ri­té entre com­munes ou encore dans la géné­ra­li­sa­tion des comp­teurs d’eau com­mu­ni­cants, outils indis­pen­sables pour fran­chir une nou­velle étape vers plus de sobrié­té, assu­mée, maî­tri­sée et non subie…
Les entre­prises peuvent appor­ter leur capa­ci­té d’innovation, leur expé­rience inter­na­tio­nale et leur savoir-faire pour mettre en place, rapi­de­ment, des approches, des solu­tions et tech­no­lo­gies qui ont déjà fait leurs preuves dans d’autres pays.

Le der­nier baro­mètre Elabe/Veolia sur la trans­for­ma­tion éco­lo­gique est éclai­rant : les pou­voirs publics et les entre­prises y sont consi­dé­rés à éga­li­té comme des acteurs utiles pour réus­sir la tran­si­tion éco­lo­gique. En d’autres termes, nos conci­toyens demandent que public et pri­vé œuvrent de concert pour limi­ter les consé­quences du dérè­gle­ment climatique.

Nous devons agir ensemble en asso­ciant les citoyens pour assu­rer l’adhésion des Fran­çais aux pro­jets d’adaptation néces­saires. L’inaction nous coû­te­ra plus cher que l’action. Les grands pro­jets d’eau et d’assainissement mettent en moyenne 10 ans à sor­tir de terre. Acti­vons sans attendre et par­tout les par­te­na­riats qui per­met­tront de dis­po­ser, dès la fin de cette décen­nie, des pre­mières solu­tions dont nous aurons imman­qua­ble­ment besoin.

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