IA et data dans la banque et l'assurance

Le Data Office : pilier de la politique IA et data dans la banque et l’assurance

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°775 Mai 2022
Par Maxime HAVEZ

Maxime Havez, Chief Data Offi­cer du Crédit Mutuel Arkea, revient sur l’importance de l’IA et de la data dans le monde de la banque et de l’assurance. Il nous explique égale­ment le rôle joué par le Data Office dans ce cadre et nous en dit plus sur les sujets et enjeux qui mobilisent cette entité trans­verse au quotidien.

Aujourd’hui, la data et l’IA jouent un rôle de plus en plus prépondérant dans le monde de la banque et de l’assurance. Qu’avez-vous pu remarquer ? 

His­torique­ment util­isée sur quelques sujets spé­ci­fiques tel que la détec­tion de fraude par exem­ple, l’IA impacte désor­mais la qua­si-total­ité de nos activ­ités opéra­tionnelles (con­for­mité, analyse de doc­u­ments, octroi de crédit…), mais aus­si l’expérience client (con­nais­sance client, émer­gence de bots, nou­veaux pro­duits et ser­vices…) avec de plus en plus d’usages déployés en pro­duc­tion. En effet, au cours des dernières années, on entendait beau­coup par­ler de PoCs (Proofs of Con­cept) avec une oppo­si­tion entre ces derniers et les pro­jets qui par­taient en production. 

Per­son­nelle­ment, je trou­ve cette dichotomie quelque peu regret­table, car il y a der­rière les PoCs une notion d’expérimentation qui, à mon sens, con­tribue à l’acculturation et la sen­si­bil­i­sa­tion des dif­férents métiers, mais aus­si à leur capac­ité à se faire une con­vic­tion sur la per­for­mance des mod­èles sur une prob­lé­ma­tique don­née. C’est, d’ailleurs, une des spé­ci­ficités de l’IA : il faut pou­voir la tester pour s’assurer qu’elle soit adap­tée à une prob­lé­ma­tique donnée !

“Le Data Office a été créé dans une logique de proximité et d’écoute des différents métiers. Son rôle est véritablement de leur apporter des expertises en exploitation et valorisation de données pour garantir que les projets développés répondent aux besoins des métiers et puissent partir en production.”

Plus par­ti­c­ulière­ment, le pas­sage en pro­duc­tion de ces pro­jets recoupe des sujets d’ordre IT et de ges­tion de plate­forme de don­nées, mais soulève égale­ment des enjeux de gou­ver­nance, de respon­s­abil­ité et d’organisation qui doivent égale­ment être pris en compte. 

Aujourd’hui, les data sci­en­tists et data engi­neers tra­vail­lent de plus en plus dans une logique parte­nar­i­ale avec les entités métiers, mais égale­ment l’IT et la DSI. Et à cela s’ajoute une notion d’identification des risques asso­ciés à l’IA avec un regard et une atten­tion par­ti­c­ulière sur les ques­tions rel­a­tives à la règle­men­ta­tion et au développe­ment d’une IA éthique et responsable. 

Comment un acteur comme Crédit Mutuel Arkea appréhende cette dimension ? 

Acteur du monde de la banque et de l’assurance, Crédit Mutuel Arkéa utilise et exploite les don­nées depuis déjà de nom­breuses années. La sin­gu­lar­ité de notre mod­èle repose toute­fois sur notre cul­ture d’innovation.

Dès 2016, nous avons mis en place un Data­l­ab qui fonc­tion­nait de manière trans­ver­sale. Plus récem­ment, le groupe s’est doté d’un Data Office dont l’objectif est d’opérer dans un mod­èle organ­i­sa­tion­nel hybride. Il est ain­si amené à tra­vailler avec les dif­férentes entités, direc­tions et fil­iales du groupe afin de garan­tir que ces sujets et enjeux relat­ifs à la val­ori­sa­tion soient traités cor­recte­ment et avec per­ti­nence en par­tant bien des besoins métiers et business. 

Dans cette démarche, nous conser­vons bien évidem­ment notre rôle de tiers de con­fi­ance, qui est au cœur même de l’ADN des ban­ques. C’est un sujet qui nous tient par­ti­c­ulière­ment à cœur et que l’on retrou­ve, d’ailleurs, dans notre plan stratégique à hori­zon 2024 afin de garan­tir et de pro­mou­voir un usage respon­s­able et trans­par­ent des don­nées de nos clients. 

Plus particulièrement, quel est le périmètre du Data Office de Crédit Mutuel Arkea ? 

Son rôle est d’expliciter et d’accompagner la démarche du groupe autour de l’utilisation de l’IA et des don­nées. Son action s’articule donc autour de qua­tre mis­sions qui abor­dent directe­ment les prin­ci­paux défis de notre secteur en la matière : 

  • L’innovation : aujourd’hui, l’IA occupe une place sig­ni­fica­tive en matière d’innovation tech­nologique. Il suf­fit de con­sul­ter les rap­ports pub­liés par Gart­ner pour s’en ren­dre compte ; 
  • Le pilotage d’une util­i­sa­tion respon­s­able et trans­par­ente des données ;
  • Le développe­ment et le déploiement de la plate­forme data du groupe ;
  • L’accompagnement des métiers et des dif­férentes entités du groupe dans le développe­ment de cas d’usages emblématiques. 

Et à cela s’ajoute aus­si un tra­vail autour de la créa­tion de passerelles entre les sujets dif­férents trans­vers­es autour de l’IA et la data : la ges­tion de la qual­ité de la don­née, le respect du RGPD et de la pro­tec­tion des don­nées per­son­nelles, la sécuri­sa­tion de ces don­nées, le développe­ment de mod­èles de man­age­ment du risque… 

Comment voyez-vous le rôle de l’IA évoluer sur le moyen et long termes ? Quels sont les enjeux qui se posent afin qu’elle soit un atout et non pas un risque ? 

Le Data Office a été créé dans une logique de prox­im­ité et d’écoute des dif­férents métiers. Son rôle est véri­ta­ble­ment de leur apporter des exper­tis­es en exploita­tion et val­ori­sa­tion de don­nées pour garan­tir que les pro­jets dévelop­pés répon­dent aux besoins des métiers et puis­sent par­tir en production. 

En par­al­lèle, nous sommes très vig­i­lants aux évo­lu­tions lég­isla­tives et règle­men­taires autour de l’utilisation de l’IA. Au-delà d’un tra­di­tion­nel tra­vail de veille règle­men­taire, nous nous inscrivons aus­si dans une démarche d’anticipation.

L’enjeu est aus­si de trou­ver le bon équili­bre afin de ne pas tomber dans une hyper­vig­i­lance qui pour­rait par­fois se révéler con­tre-pro­duc­tive. Par exem­ple, la notion de biais de l’IA doit évidem­ment être regardée de près mais ne doit être appréhendée comme un frein, car elle est une com­posante impor­tante du développe­ment respon­s­able de l’IA. Enfin, de plus en plus, il nous faut raison­ner en ter­mes de pro­duit et plus unique­ment envis­ager les pro­jets d’IA sous le prisme de pro­jets pure­ment algo­rith­miques. Penser pro­duit, c’est aus­si une façon de s’assurer que l’usage final du mod­èle reste au cœur du sujet. 

Quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs dans ce cadre ?

Aujourd’hui, l’exploitation des don­nées est un sujet qui mobilise l’ensemble des direc­tions et des entités d’un groupe. 

Elle est aus­si un des leviers à action­ner pour dévelop­per des pro­duits trans­vers­es qui pour­ront être util­isés par toutes les com­posantes d’un groupe. Cette réal­ité va prob­a­ble­ment pouss­er les entre­pris­es à repenser leurs mod­èles organ­i­sa­tion­nels sur cer­tains sujets. En par­al­lèle, il faut pour­suiv­re les efforts d’acculturation au sein des dif­férents métiers afin de dévelop­per une cul­ture de l’IA et de la data en interne. Ce tra­vail de for­ma­tion doit s’inscrire dans le temps long et être adap­té à chaque par­tie prenante de l’entreprise (man­age­ment, utilisateur…). 

Enfin, il faut pou­voir égale­ment attir­er et fidélis­er les com­pé­tences et les tal­ents. Au-delà des data sci­en­tists et engi­neers, on assiste à l’émergence de nou­veaux métiers et besoins en ter­mes de com­pé­tences (prod­uct man­age­ment, juriste…). 

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