Le conseil de l’administration aux médias : la curiosité d’abord

Dossier : Premier PasMagazine N°697 Septembre 2014
Par Camille Le BRETON (03)

Après avoir baigné dans l’univers théorique de l’École poly­tech­nique, j’ai eu envie de décou­vrir le milieu pro­fes­sion­nel. J’ai choisi l’école des Mines en qua­trième année avec la majeure de biotech­nolo­gies, car le cur­sus inté­grait deux stages, l’occasion rêvée de voir dif­férents secteurs et de me faire une idée de ce que je voulais faire ensuite.

Mon pre­mier stage s’est déroulé au sein du min­istère de la San­té, au bureau médica­ments. Pen­dant six mois, j’ai rédigé un rap­port sur l’impact de l’arrivée des biosim­i­laires sur le marché français – l’équivalent des génériques pour les médica­ments biotech­nologiques (type hor­mone de croissance).

REPÈRES

L’X apprend à fonctionner et à raisonner vite, à gérer dans l’urgence des problèmes complexes. Mais cette formation intellectuelle doit être complétée par des expériences humaines. Devenir entrepreneur, même pour quelque temps, est infiniment plus riche que tous les enseignements théoriques.
L’autre avantage, énorme, de l’X est que le diplôme donne le droit à l’erreur. On peut essayer un secteur, ne pas percer ou ne pas s’y épanouir, essayer autre chose, et toujours retomber sur ses pieds. C’est une chance unique, dont on n’a pas toujours conscience, et qu’il faut utiliser au maximum.

Bien que tou­jours dans le secteur pub­lic, mon deux­ième stage m’a con­duite dans un univers très dif­férent : la Cour des comptes.

Là, il m’a fal­lu me plonger dans le fonc­tion­nement du Fonds pour la mod­erni­sa­tion des étab­lisse­ments de san­té publics et privés, créé dix ans plus tôt. Suite à ce con­trôle, par déro­ga­tion, j’ai présen­té mon rap­port et mes pré­con­i­sa­tions devant la Chambre.

Trouver l’équilibre

Ces deux stages m’avaient lais­sé un goût mit­igé : dans le pre­mier, j’étais livrée à moi-même sur un sujet trop prospec­tif pour être au cœur des préoc­cu­pa­tions du min­istère, ce qui m’a déçue ; tan­dis que dans le sec­ond, mise en sit­u­a­tion de respon­s­abil­ité sur un sujet brûlant, j’ai adoré.

Pour trou­ver l’équilibre et mieux com­pren­dre le fonc­tion­nement des insti­tu­tions publiques, j’ai rejoint l’Institut d’études poli­tiques de Paris, en mas­ter Affaires publiques.

J’ai appré­cié la qual­ité des inter­venants (menant tous une activ­ité pro­fes­sion­nelle annexe), la diver­sité des pro­fils étu­di­ants et l’ouverture d’esprit qu’on y acquiert.

Et, con­traire­ment à mes cama­rades faisant leurs armes dans l’administration avant le con­cours de l’ENA, j’ai choisi de faire mon stage de deux­ième année dans l’industrie, à la direc­tion finan­cière d’Areva NP.

De la fonction publique à l’industrie

La pre­mière semaine m’a mise dans le bain : je me suis retrou­vée dans le sud de la France, au cœur de forges, à la décou­verte du procédé de fab­ri­ca­tion du cœur d’un réac­teur nucléaire. Si la par­tie « finan­cière » du tra­vail m’a beau­coup plu (la con­sol­i­da­tion et l’actualisation de bud­gets est une mécanique pas­sion­nante mais vite répéti­tive), j’ai moins accroché sur la par­tie « indus­trielle ». Les enjeux y sont de très long terme, et je préfère ce qui va vite, les chal­lenges au quo­ti­di­en qui néces­si­tent réac­tiv­ité et adap­ta­tion constantes.

Délais­sant l’industrie lourde et la France, je me suis envolée pour Las Vegas pour devenir con­trôleuse de ges­tion d’une usine du lab­o­ra­toire Pierre Fab­re. Les sables du désert ont rapi­de­ment eu rai­son de ma patience et j’ai con­tin­ué ma mis­sion depuis les bureaux de New York.

“ Que pouvais-je bien faire dans ma Bretagne natale?”

Pen­dant cinq mois, j’ai fait preuve de péd­a­gogie et de patience auprès de mes col­lègues améri­cains pour installer et leur expli­quer le nou­veau logi­ciel financier SAP.

Cette mis­sion ter­minée, j’étais heureuse de retrou­ver ma Bre­tagne natale. Mais que pou­vais-je bien y faire ? Je con­nais­sais mal les entre­pris­es locales et ne voy­ais pas pourquoi elles auraient été intéressées par mon profil.

J’ai alors eu l’idée d’aller à leur ren­con­tre, en tant que consultante

Devenir entrepreneuse

Sur­fant sur le nou­veau statut d’auto-entrepreneuse, j’ai créé Ecoboust, un cab­i­net de con­sult­ing en stratégie et organ­i­sa­tion pour PME-PMI. Un mois plus tard, je débu­tais ma pre­mière mis­sion. Mon par­cours, ma déter­mi­na­tion éton­naient, la presse locale s’en est fait l’écho et les chefs d’entreprise, intrigués par ma démarche, m’ont volon­tiers ouvert leurs portes.

Tra­vailler à Quim­per, une expéri­ence humaine­ment très riche.
© THOMATHILDE23 — FOTOLIA

En qua­torze mois, ce n’est pas moins de quinze mis­sions que j’ai réal­isées dans des secteurs aus­si var­iés que la phar­ma­cie, l’assurance, le trans­port de voyageurs par auto­car, le san­i­taire-plomberie, la grande dis­tri­b­u­tion ou encore les pou­voirs publics.

Il faut appren­dre à per­suad­er rapi­de­ment que l’on est capa­ble d’apporter un regard neuf et per­ti­nent sur un secteur dont on ne peut se pré­ten­dre expert.

Un chef d’entreprise m’a ain­si con­fié la mis­sion d’auditer une entre­prise qu’il pos­sé­dait en Île-de-France depuis de nom­breuses années mais qui venait d’afficher sa pre­mière perte finan­cière l’année précédente.

Étant extérieure à l’entreprise, j’ai pu faire des propo­si­tions d’organisation et de stratégie, pas­sant notam­ment par une redéf­i­ni­tion des seg­ments de marché cibles.

Après plusieurs propo­si­tions d’embauche, j’ai finale­ment accep­té de devenir man­ag­er de cinquante ges­tion­naires de con­trats d’assurance pour le courtier Ver­lingue à Quim­per. Ce fut une expéri­ence humaine­ment très riche.

Faisant le choix d’un retour à Paris, le hasard des ren­con­tres m’a con­duite chez Eurosport, où je suis dev­enue chargée de mis­sion du P‑DG Lau­rent-Éric Le Lay. Je l’ai depuis suivi chez TF1 Pub­lic­ité, dont il a pris la présidence.

Cours et binets

J’ai beau­coup aimé les cours de math­é­ma­tiques, mais aus­si d’humanités et sci­ences sociales. Après la pré­pa, il était néces­saire de voir autre chose.

Les cours don­nés par des anciens, assez con­crets ou atyp­iques, comme celui d’initiation à l’administration publique m’ont égale­ment beau­coup plu.

Enfin, je garde d’excellents sou­venirs de tous les binets aux­quels j’ai par­ticipé, notam­ment X‑Course au large et l’organisation des JSP (Journées sportives polytechniciennes).

Immeuble TF1
Chez TF1 Pub­lic­ité, aucun jour ne ressem­ble à un autre. © REUTERS

VIE PROFESSIONNELLE ET VIE FAMILIALE

L’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle se passe très bien. Tout dépend de la compréhension de la hiérarchie et de l’entreprise où l’on est. Mon supérieur a pleinement conscience qu’avoir un enfant nécessite une bonne organisation et une adaptation des conditions de travail.
J’ai peu de déplacements, j’arrive tôt au travail et repars tôt pour retrouver mes enfants, mon mari gérant le matin l’arrivée de la nounou. S’il le faut, je prends mon ordinateur sous le bras pour finir mon travail chez moi le soir, mais cela reste rare. Se sentir comprise et entourée est fondamental.

Autonomie et efficacité

La diver­sité des sujets. Aucun jour ne ressem­ble à un autre. Il s’agit un jour d’anticiper les lance­ments de pro­duits d’un annon­ceur afin de lui pro­pos­er le plan media ad hoc, un autre d’améliorer le report­ing interne pour dévelop­per des out­ils de pilotage effi­caces, un autre encore de gér­er et arbi­tr­er les enjeux d’une négociation.

Je ne m’ennuie pas, et c’est pour moi l’essentiel. Il est aus­si très impor­tant de se sen­tir bien au tra­vail. Le cli­mat de tra­vail dans lequel j’évolue est très agréable, il y a surtout un sub­til équili­bre entre inter­ac­tion, autonomie et efficacité.

Un conseil aux jeunes

Que con­seiller aux jeunes ? N’ayez pas peur d’expérimenter ! Osez expéri­menter tant que vous êtes jeunes et que vous n’avez pas d’impératifs de famille. Il faut sur­mon­ter les craintes de ses proches et écarter les sirènes des car­rières toutes tracées.

Lors de la remise de nos diplômes, Claude Bébéar nous avait fait une con­fi­dence qui prend tout son sens aujourd’hui : « Ne choi­sis­sez pas votre job pour le salaire, mais pour votre futur boss. Vous avez la chance de pou­voir choisir celui avec qui vous aurez à travailler. »

Propos recueillis par Franck Lirzin (2003)

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