Le chercheur, entre géographe et ingénieur

Dossier : Géo-information et SociétéMagazine N°662 Février 2011
Par Jean-Philippe LAGRANGE (81)
Par Bénédicte BUCHER (92)

REPÈRES

REPÈRES
À la fin des années soix­ante-dix, l’ingénieur géo­graphe Yves Egels a conçu un logi­ciel 3D précurseur, appliqué ensuite jusqu’à l’orée des années qua­tre-vingt-dix pour faire des mod­èles de villes français­es en 3D. Les chercheurs de l’IGN s’im­pliquent active­ment dans les sociétés savantes en organ­isant des événe­ments sci­en­tifiques ou en par­tic­i­pant à divers comités de pro­grammes. Ses lab­o­ra­toires sont impliqués dans de nom­breux pro­jets parte­nar­i­aux. Le min­istère de l’En­seigne­ment supérieur et de la Recherche, et le min­istère de l’É­colo­gie, de l’Én­ergie, du Développe­ment durable et de la Mer (tutelle de l’IGN) ont ain­si récem­ment con­fié à l’IGN l’an­i­ma­tion d’une étude de diag­nos­tic et de recom­man­da­tions rel­a­tives au secteur de la R&D en infor­ma­tion géographique.

Il n’ex­iste pas de pro­fil type du chercheur en infor­ma­tion géo­graphique, domaine très inter­dis­ci­plinaire, et pour lequel on trou­ve encore peu de for­ma­tions dédiées avant le niveau mas­tère. Ces chercheurs sont sou­vent d’abord des math­é­mati­ciens, des géo­graphes ou des infor­mati­ciens, voire des ingénieurs venus à ce domaine : de nom­breux ingénieurs fonc­tion­naires à l’IGN choi­sis­sent ain­si de faire de la recherche, au moins dans une pre­mière phase de leur car­rière, par goût de la réflex­ion scientifique.

Cinq ans de recherche, par goût de la réflex­ion scientifique

Dans cer­tains cas, au bout de cinq ans env­i­ron, peu après la thèse, l’ingénieur quitte la recherche pour pren­dre un poste dans le domaine de la for­ma­tion (par exem­ple, dans un départe­ment de l’É­cole nationale des sci­ences géo­graphiques ou, in fine, la direc­tion de l’É­cole supérieure des géomètres et topographes), ou encore en pro­duc­tion ou en gestion.

La formation par la recherche

Franck Tail­landi­er (95) a effec­tué sa thèse au lab­o­ra­toire des méth­odes d’analyse (Matis) sur la recon­struc­tion automa­tique de scènes urbaines à par­tir de mul­ti­ples images aéri­ennes puis est resté pen­dant deux ans respon­s­able du groupe de chercheurs tra­vail­lant sur la recon­struc­tion de bâti­ments au sein du laboratoire.

Ensuite, après un poste de chef de ser­vice au sein d’une direc­tion régionale de l’Équipement, il est devenu directeur général adjoint pour l’é­conomie et le développe­ment au Con­seil général des Bouches-du-Rhône.

Selon lui, ” la for­ma­tion par la recherche per­met de dévelop­per non seule­ment la fac­ulté à appréhen­der des prob­lé­ma­tiques com­plex­es mais égale­ment l’au­tonomie et la capac­ité d’or­gan­i­sa­tion.” Dans d’autres cas, l’ingénieur pour­suit une car­rière dans la recherche, ce qui implique tout d’abord davan­tage d’en­cadrement scientifique.

Les labos de l’IGN
Les domaines de recherche de l’IGN font écho à ses mis­sions de pro­duc­tion, dif­fu­sion et util­i­sa­tion de l’in­for­ma­tion géo­graphique. Qua­tre lab­o­ra­toires sont en activ­ité : le Lareg (Lab­o­ra­toire de recherch­es en géodésie), axé sur les sys­tèmes de référence et qui main­tient le sys­tème de référence inter­na­tion­al, le Loe­mi (Lab­o­ra­toire d’op­tique et de micro-infor­ma­tique), axé sur l’in­stru­men­ta­tion, le Matis (Méth­odes d’analyse et de traite­ment d’im­ages pour la stéréoresti­tu­tion), cen­tré sur l’ac­qui­si­tion d’in­for­ma­tions à par­tir d’im­ages et de nuages Lidar et sur les envi­ron­nements images immer­sifs ; et le Cog­it (Con­cep­tion objet et général­i­sa­tion de l’in­for­ma­tion topographique), act­if sur la mod­éli­sa­tion, l’in­té­gra­tion et la général­i­sa­tion. Chaque année, leurs travaux don­nent lieu à des journées de présen­ta­tion et de débat avec les chercheurs et parte­naires extérieurs.

Une diversité d’interlocuteurs

Isabelle Panet (97), après une thèse en géo­physique au lab­o­ra­toire de recherch­es en géodésie, Lareg, de l’IGN, sur la mod­éli­sa­tion math­é­ma­tique du champ de pesan­teur en ondelettes à base sphérique, a pour­suivi par un séjour post­doc­tor­al de deux ans au Geo­graph­i­cal Sur­vey Insti­tute of Japan à Tsuku­ba, où elle a appro­fon­di son tra­vail de doc­tor­at sur le champ de pesan­teur des îles japonaises.

À son retour en France à l’IGN, elle a pris la tête de l’équipe de chercheurs tra­vail­lant sur la mod­éli­sa­tion du champ de grav­ité et l’ex­ploita­tion des don­nées des mis­sions spa­tiales tout juste lancées.

Isabelle Panet appré­cie dans ce tra­vail ” d’ex­plor­er avec [ses] col­lab­o­ra­teurs la chaîne allant du con­cept math­é­ma­tique ini­tial à ses appli­ca­tions sci­en­tifiques ou plus opéra­tionnelles — puis sa trans­mis­sion par l’en­seigne­ment et de tra­vailler avec une grande diver­sité d’interlocuteurs. ”

Un réseau scientifique

Entretenir un réseau sci­en­tifique de grande qualité

Anne Ruas a fait une thèse en général­i­sa­tion automa­tique au lab­o­ra­toire Cog­it de l’IGN, qu’elle dirige à présent.

Ses man­dats dans plusieurs sociétés savantes, notam­ment inter­na­tionales, sa par­tic­i­pa­tion à de nom­breux jurys (diplômes ou recrute­ments) et con­seils sci­en­tifiques lui per­me­t­tent d’en­tretenir un réseau sci­en­tifique act­if et de grande qual­ité néces­saire à la direc­tion d’un laboratoire.

Au service du développement durable

Plus générale­ment, face à des ques­tions aus­si essen­tielles que l’en­vi­ron­nement, l’é­val­u­a­tion des risques, le change­ment cli­ma­tique, les éner­gies renou­ve­lables, abor­dées lors du dernier Grenelle, il y a un besoin crois­sant d’une recherche en infor­ma­tion géo­graphique appuyée sur des con­nais­sances objec­tives, au ser­vice du développe­ment durable.

Les réseaux de recherche
Le groupe­ment de recherche Magis rassem­ble de nom­breux lab­o­ra­toires. Il est struc­turé en qua­tre axes : cap­teurs, mod­èles, analy­ses et déci­sion. Son col­loque annuel dénom­mé Journées Cassi­ni est devenu, en 2006, un col­loque fran­coph­o­ne (Sageo).
Le groupe­ment Modys rassem­ble des lab­o­ra­toires au croise­ment des sci­ences his­toriques et de la géo­gra­phie. Il a pour objet la for­mal­i­sa­tion et la mod­éli­sa­tion de phénomènes local­isés dans l’e­space et dans le temps.
ISIS (Infor­ma­tion, Sig­nal, Images et ViSion) rassem­ble une cen­taine de lab­o­ra­toires publics et privés dans le cadre du CNRS. Ce groupe­ment traite de sujets tels que géométrie et image, recon­struc­tion 3D, et plus fon­da­men­tale­ment, méth­odes et mod­èles en traite­ment du signal.
Le groupe­ment I3 (Infor­ma­tion-Inter­ac­tion-Intel­li­gence) tra­vaille sur les grandes bases de don­nées, compte tenu de l’im­por­tance de ces thèmes en infor­ma­tion géographique.
Le Groupe­ment de recherche en géodésie spa­tiale s’at­tache à la mécanique spa­tiale (satel­lites), aux sys­tèmes de référence (céleste et ter­restre), à la rota­tion de la Terre, son champ de grav­ité, ain­si qu’à la métrolo­gie ad hoc.
En matière de coor­di­na­tion inter­na­tionale, citons sim­ple­ment comme exem­ples en Europe l’As­so­ci­a­tion of Geo­graph­ic Infor­ma­tion of Lab­o­ra­to­ries in Europe (Agile), le Groupe­ment de recherche sur la sim­u­la­tion spa­tiale pour les sci­ences sociales, l’as­so­ci­a­tion EuroS­DR, Euref, etc.

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