Portrait de LAVOISIER

Lavoisier et l’air vital

Dossier : La chimie nouvelleMagazine N°572 Février 2002
Par Emmanuel GRISON (37)

La révolution chimique

La révolution chimique

Dans le pro­grès des Lumières auquel se vouaient ency­clopédistes et philosophes de la sec­onde moitié du XVIIIe siè­cle, celui des con­nais­sances chim­iques fig­ure de manière remar­quable. Au bond en avant des math­é­ma­tiques et de la mécanique qui l’avait précédé, suc­cède celui de la chimie qu’il­lus­trèrent de grands noms, en Angleterre, en Suède, en France, au pre­mier plan celui de Lavoisi­er, dont les grandes intu­itions, suiv­ies d’ex­péri­ences rigoureuses, tracèrent la voie d’une chimie nou­velle désen­com­brée des idées irra­tionnelles des alchimistes et des voca­bles arbi­traires de l’apoth­icairerie : révo­lu­tion chim­ique qui con­nut son plein éclat dans les années qui précédèrent immé­di­ate­ment la Révo­lu­tion française.


Por­trait de Lavoisi­er : gravure d’après un dessin fait sans doute lors de sa déten­tion (tiré de E. Gri­maux, Lavoisi­er 1743–1794, Paris, Alcan, 1888).

Le man­i­feste en fut la Méthode de Nomen­cla­ture chim­ique (1787) où étaient mis en vedette les noms, pro­posés par Lavoisi­er, de trois élé­ments fon­da­men­taux : hydrogène, oxygène, azote : les trois élé­ments qui sont, avec le car­bone, à la base de ce qu’on peut appel­er, pour résumer, la ” chimie du vivant “. La révo­lu­tion chim­ique gag­n­era l’An­gleterre, l’I­tal­ie, plus lente­ment l’Alle­magne, don­nant des bases raisonnables et un lan­gage inter­na­tion­al cor­rect à la chimie.

Acides, alcalis, métaux, ” ter­res ” de toute espèce dont les chimistes avaient col­lec­tion­né jusque-là les pro­priétés et les réac­tions mutuelles, tout cela allait s’or­don­ner en caté­gories fondées sur les analy­ses et non sur quelque notion méta­physique comme celle de ” principes ” (acide, salin, caus­ti­con…). Le classe­ment des con­sti­tu­ants de la nature en qua­tre ” élé­ments ” (air, eau, terre, feu) avait per­du son sens : l’in­finie diver­sité des ” ter­res ” ; l’analyse de l’eau par Lavoisi­er, cette admirable et déci­sive expéri­ence de décom­po­si­tion d’un ” élé­ment ” en ses deux con­sti­tu­ants ; la démon­stra­tion de l’i­nanité d’un ” principe ” du feu, le phlo­gis­tique, qu’on pen­sait inclus dans tous les corps capa­bles de brûler ; enfin le développe­ment récent de la ” chimie des airs ” avaient achevé de ruin­er les anciens concepts.

Les chimistes ” pneumaticiens ” : la découverte de l’oxygène

Un nou­veau domaine s’é­tait ouvert en effet peu avant : la chimie pneu­ma­tique, ou chimie des ” airs “, des gaz (le mot gaz avait déjà été intro­duit cent ans plus tôt, dérivé de ghost ou de Geist, comme le terme français d’e­sprit : esprit de sel, esprit de vin). Les chimistes avaient réus­si à empris­on­ner les gaz, à les manip­uler grâce aux cuves à eau ou à mer­cure, aux pom­pes à vide, à des rac­cords de tuyaux con­ven­able­ment lutés.

Les ayant isolés, ils en éprou­vaient les pro­priétés. La pre­mière et la plus sim­ple était évidem­ment de voir si cet ” air ” était res­pirable : on met­tait donc sous la cloche une souris, un cobaye ou un oiseau dont on obser­vait la survie (c’est une démon­stra­tion de ce genre qui devait don­ner nais­sance à la char­mante légende poly­tech­ni­ci­enne de l’oiseau de Berzélius, et du nom de ” Berzé ” don­né à l’hor­loge dans l’an­cien argot de l’X !).

Un des pre­miers airs étudiés avait été ” l’air fixe ” résul­tant de la com­bus­tion du char­bon dans l’air, ou de la cal­ci­na­tion du cal­caire (d’où son nom). Ensuite, Priest­ley et Scheele, cha­cun de leur côté, décou­vrirent en 1771 un nou­v­el air, pro­duit de la dis­so­ci­a­tion à faible tem­péra­ture de l’oxyde rouge de mer­cure ; une flamme de bougie se met­tait à briller d’un vif éclat dans cet ” air “, et la souris y sur­vivait, tan­dis que ” l’air fixe ” lui était fatal.

Trois ans après la décou­verte de Priest­ley qui n’avait pas par­faite­ment fait le lien entre ce nou­v­el air, qu’il avait nom­mé ” air déphlo­gis­tiqué “, et l’air atmo­sphérique, Lavoisi­er étab­lis­sait, par analyse et syn­thèse, la com­po­si­tion de ” l’air com­mun ” : un cinquième ” d’air pur ” ou air vital, et qua­tre cinquièmes d’une mofette impro­pre à la respiration.

Aus­sitôt après son analyse de l’air, Lavoisi­er étu­dia les réac­tions de l’air vital avec le soufre, le phos­pho­re, le char­bon, qui don­nent les acides vit­ri­olique, phos­pho­rique, car­bonique. On peut le dégager de l’acide nitreux (nitrique) : il en est donc aus­si un con­sti­tu­ant. Lavoisi­er, général­isant trop hâtive­ment et sac­ri­fi­ant peut-être encore aux anciens ” principes ” mythiques, crut que cet ” air vital ” était le con­sti­tu­ant essen­tiel de tout acide, que c’é­tait un ” principe oxy­gine ” (de oxus, acide) : c’est pourquoi, dans la nou­velle Méthode de Nomen­cla­ture, il lui forgea le nom d’oxygène, don­nant au ” gaz inflam­ma­ble ” dont il a démon­tré que c’est, avec l’oxygène, le con­sti­tu­ant de l’eau, celui d’hydrogène, et à l’air irres­pirable celui d’azote (a pri­vatif, zôè, vie).

Air vital, azote : ces ter­mes mon­trent que les phénomènes vitaux étaient con­stam­ment présents à l’e­sprit des chimistes. Leur art, d’ailleurs, ne se partageait-il pas entre l’in­dus­trie des biens de con­som­ma­tion (métaux, tex­tiles…), et la phar­ma­copée, au ser­vice de la san­té ? Lavoisi­er, de fait, ne man­quera pas de s’in­téress­er de plus en plus à la chimie du vivant, autour de ce qui est pour lui l’élé­ment clé : l’oxygène.

” Rien ne se perd, rien ne se crée ” : les bilans de l’analyse élémentaire

Après avoir mis en évi­dence le rôle de l’oxygène dans la con­sti­tu­tion de cer­tains acides, Lavoisi­er se tourn­era vers les sub­stances végé­tales, où l’on recon­naît ” que les principes vrai­ment con­sti­tu­tifs des végé­taux se réduisent à trois : l’hy­drogène, l’oxygène et le car­bone ” -, et il soupçonne le car­bone et l’hy­drogène, com­binés ensem­ble, de jouer le rôle de ” base acid­i­fi­able “, en se com­bi­nant ” avec une pro­por­tion plus ou moins con­sid­érable d’oxygène “.

Il con­duira, dès 1784, des analy­ses élé­men­taires où il déter­mine les pro­por­tions des trois élé­ments dans des sub­stances tirées du règne végé­tal, en achevant leur oxy­da­tion totale — leur com­bus­tion — en CO2 et H2O par un vol­ume, mesuré, d’oxygène pur.

Il amé­nagea à cet effet un appareil (gravure ci-con­tre) où il procé­da à la com­bus­tion de l’e­sprit de vin (alcool) par l’oxygène, en recueil­lant le CO2 et la vapeur d’eau. Bien que ses pesées aient été, en elles-mêmes, fort pré­cis­es, il y avait trop de sources d’er­reur dans la mesure des pro­duits de la réac­tion pour que les résul­tats des expéri­ences soient cor­rects tels qu’on les con­naît aujour­d’hui, après les travaux de Liebig et des pre­miers organiciens.

En tout cas, Lavoisi­er avait com­pris que les réac­tions de la chimie de la vie n’échap­paient pas à la règle fon­da­men­tale de la con­ser­va­tion de la matière, et donc à l’étab­lisse­ment de bilans, dans son Traité de chimie (1789), il pro­po­sait de met­tre en équa­tion les proces­sus biologiques : ain­si pour la ” fer­men­ta­tion vineuse, puisque le moût de raisin donne du gaz acide car­bonique et de l’alkool, je puis dire que le moût de raisin = acide car­bonique + alkool “. Et il ten­tera d’établir le bilan quan­ti­tatif, en car­bone, hydrogène, oxygène, de la fer­men­ta­tion d’une solu­tion de sucre.

Exemple d’expérience de “ chimie pneumatique ” : combustion de l’esprit de vin.
Exem­ple d’expérience de “ chimie pneu­ma­tique ” : com­bus­tion de l’esprit de vin. E, cuve à mer­cure ; A cloche de cristal rem­plie d’air, com­mu­ni­quant par le robi­net M avec la cloche S, placée sur une cuve à eau, pleine d’oxygène ; R lampe à esprit de vin con­tenant une quan­tité d’alcool pesée exacte­ment ; la flamme est entretenue en admet­tant de l’oxygène dans A, par ajuste­ment des niveaux des cuves, jusqu’à la fin de la com­bus­tion ; le CO2 for­mé est absorbé par de la soude caus­tique et pesé. (Cette gravure ne pré­cise ni le dis­posi­tif d’allumage, ni celui d’absorption du CO2.)
Mémoires de l’Académie des sci­ences, 1784, p. 593.

En revanche, Lavoisi­er s’ab­stint d’analyser la ” fer­men­ta­tion putride ” des matières ani­males, ” car la com­po­si­tion de celles-ci n’est pas encore très exacte­ment con­nue. On sait qu’elles sont com­posées d’hy­drogène, de car­bone, d’a­zote, de phos­pho­re, de soufre ; le tout porté à l’é­tat d’oxyde par une quan­tité plus ou moins grande d’oxygène ; mais on ignore absol­u­ment quelle est la pro­por­tion de ces principes. Le temps com­plétera cette par­tie de l’analyse chim­ique, comme il en a com­plété déjà quelques autres… ”

L’oxygène, moteur de la vie : la respiration

L’oxygène, agent des com­bus­tions vives, est aus­si, par la res­pi­ra­tion, le moteur essen­tiel de la vie, et déjà les chimistes pneu­mati­ciens avaient ten­té de quan­ti­fi­er la ” bon­té de l’air “, en rap­port sup­posé avec sa teneur en oxygène.

C’est ain­si que Priest­ley, util­isant la pro­priété alors bien con­nue de ” l’air nitreux ” (NO), de se com­bin­er avec l’oxygène pour don­ner la vapeur ruti­lante (NO2), avait con­stru­it un appareil où, par réac­tion de l’air com­mun avec le gaz nitreux suiv­ie de la dis­so­lu­tion du NO2 dans l’eau, il mesurait la ” bon­té de l’air ” : plus l’eau remon­tait haut dans l’ap­pareil après absorp­tion de la vapeur rouge, meilleur était l’air ; on nom­ma ” eudiomètre ” cet appareil, terme dont l’é­ty­molo­gie (eudia, calme, sérénité) évoque le con­fort res­pi­ra­toire, la bon­té de l’air. Ce genre de mesures, trop qual­i­tatif, ne pou­vait sat­is­faire Lavoisi­er qui pen­sait que la res­pi­ra­tion était une com­bus­tion lente : l’air vital inspiré est expiré sous forme d’air fixe (CO2), c’est là-dessus que doivent porter les mesures.

C’est par des mesures calorimétriques que com­mença Lavoisi­er. Dans un calorimètre à glace (on mesurait la quan­tité de chaleur dégagée par le poids de la glace fon­due lors de l’ex­péri­ence), il mesura la chaleur de com­bus­tion du char­bon, puis la com­para à la chaleur dégagée par un cobaye enfer­mé dans le calorimètre et dont on mesurait la quan­tité d’air fixe expiré, donc la quan­tité de char­bon qu’avait brûlé son organ­isme. C’é­tait un peu plus que prévu, car le cobaye a inspiré plus d’oxygène que celui néces­saire à la seule for­ma­tion de CO2 (en fait il y a eu aus­si expi­ra­tion et tran­spi­ra­tion de vapeur d’eau, provenant d’une com­bus­tion interne d’hy­drogène). Pre­mière esquisse impar­faite de la mesure du métab­o­lisme de base, qui con­fir­ma Lavoisi­er dans sa recherche du rôle de l’oxygène dans la phys­i­olo­gie animale.

Dans une étape suiv­ante, il cherchera où, dans l’or­gan­isme, se fait la com­bus­tion ? Le plus sim­ple est de penser que c’est dans le poumon, où le sang veineux, noir, se trans­forme en sang artériel, ver­mil­lon ; et l’on savait qu’en agi­tant de l’oxygène avec du sang veineux, il deve­nait ver­mil­lon. L’ob­jec­tion est que si toute la chaleur de com­bus­tion se dégage dans le poumon, le sang la véhic­u­lant ensuite dans les organes, on ne saurait expli­quer l’homéother­mie du corps et l’u­ni­for­mité du dégage­ment de la chaleur animale.

On en par­la chez Lavoisi­er, dans ce salon de l’Arse­nal où il réu­nis­sait famil­ière­ment ses amis académi­ciens ; les math­é­mati­ciens, qui avaient voix au chapitre, se partagèrent : Laplace pen­sait que le sang emmène du poumon une chaleur ” latente ” qui se dégage ailleurs ; Lagrange, que la com­bus­tion se fait non dans le poumon, mais dans les organes où le sang véhicule de l’oxygène qu’il a absorbé. C’est Lagrange qui avait rai­son, mais on ne le saura que beau­coup plus tard.

Lavoisi­er pour­suiv­ra son étude de la res­pi­ra­tion et de la tran­spi­ra­tion grâce au dévoue­ment ent­hou­si­aste de son assis­tant, Seguin (celui-là même qui plus tard installera une tan­ner­ie mod­èle dans une île de la Seine : l’île Seguin). Seguin met un masque, on recueille et on mesure le CO2 expiré ; on con­state que la teneur de l’air en oxygène n’in­flue pas sur la res­pi­ra­tion, que la con­som­ma­tion d’air aug­mente beau­coup quand Seguin four­nit un tra­vail physique (élé­va­tion d’un poids) (dessin ci-après) ; dans une autre série d’ex­péri­ences, Seguin revêt un scaphan­dre imper­méable, on le pèse avec, puis sans scaphan­dre, pour dis­tinguer la tran­spi­ra­tion cutanée et la tran­spi­ra­tion pul­monaire, etc.

Mal­heureuse­ment, quand ces expéri­ences se pour­suiv­ent, en 1791–1792, Lavoisi­er est très pris par ses fonc­tions qua­si min­istérielles à la Tré­sorerie nationale. Seguin n’a pas la rigueur expéri­men­tale du maître — et surtout il ne pou­vait être ques­tion d’aboutir à des con­clu­sions claires dans un domaine aus­si com­plexe — ce dont d’ailleurs Lavoisi­er, pru­dent, se gar­dait bien.

Lavoisier dans son laboratoire : expérience sur la respiration de l’homme exécutant un travail.
Lavoisi­er dans son lab­o­ra­toire : expéri­ence sur la res­pi­ra­tion de l’homme exé­cu­tant un tra­vail. Dessin de Madame Lavoisi­er : au cen­tre, Seguin ; à droite, Madame Lavoisi­er (tiré de E. Gri­maux, op cit.).

Le monde végétal : respiration et photosynthèse

L’é­tude des végé­taux et de la végé­ta­tion devait prof­iter, elle aus­si, de la sci­ence ” pneu­ma­tique ” pour analyser les échanges des plantes avec l’at­mo­sphère. Priest­ley avait entre­vu le phénomène de pho­to­syn­thèse (absorp­tion de CO2 par les plantes vertes sous l’ef­fet de la lumière, avec dégage­ment cor­rélatif d’oxygène) en con­statant qu’au­tour d’une plante ensoleil­lée l’air com­mun se ” puri­fi­ait ” (1779). Ce sont les expéri­ences d’In­gen­housz, médecin de la Cour de Vienne, qui devaient établir peu après l’ex­is­tence des fonc­tions invers­es de pho­to­syn­thèse et de res­pi­ra­tion des végé­taux — la pre­mière étant quan­ti­ta­tive­ment beau­coup plus impor­tante que la seconde.

Le débat s’en­gagea alors sur la ” nutri­tion des végé­taux ” : s’ils puisent l’hy­drogène et l’oxygène dans l’air ou l’eau, d’où vient le car­bone ? Nonob­stant la décou­verte de la pho­to­syn­thèse qui mon­trait que le végé­tal assim­i­lait le car­bone de l’at­mo­sphère, on crut d’abord que cette absorp­tion n’é­tait pas quan­ti­ta­tive­ment suff­isante, et on sup­posa que le car­bone était égale­ment pom­pé par les racines de la plante dans la fumure car­bonée du sol.

C’est bien plus tard (Théodore de Saus­sure, 1804) que l’on élu­cidera et mesur­era les échanges gazeux résul­tant de la pho­to­syn­thèse et de la res­pi­ra­tion des plantes ; quant à la ” théorie de l’hu­mus ” sur l’as­sim­i­la­tion du car­bone du sol, elle ne sera défini­tive­ment aban­don­née qu’en 1840.

Le lancement d’un prix de l’Académie des sciences pour 1794…

Pour Lavoisi­er, dont les analy­ses étab­lis­saient les bilans-matières de la chimie de la vie, il fal­lait aller plus loin et lancer un vaste inven­taire de la cir­cu­la­tion des matières entre les trois règnes : minéral (inerte), végé­tal et animal.

” Rien ne se crée, ni dans les opéra­tions de l’art, ni dans celles de la nature, et l’on peut pos­er en principe que dans toute opéra­tion, il y a une égale quan­tité de matière avant et après l’opéra­tion ; que la qual­ité des principes est la même, et qu’il n’y a que des change­ments, des mod­i­fi­ca­tions. ” Et encore, à pro­pos des échanges entre le monde végé­tal et le monde inerte : ” Si l’on brûle du bois ou une matière végé­tale quel­conque sous une cloche rem­plie d’air vital, la sub­stance végé­tale, en se com­bi­nant avec la base de l’air, se con­ver­tit en acide car­bonique et en eau ; mais si une sub­stance végé­tale, plus de l’oxygène, forme de l’acide car­bonique et de l’eau, il en résulte qu’en enl­e­vant de l’oxygène à de l’acide car­bonique et à de l’eau, on doit reformer une com­bi­nai­son végé­tale et, quoique l’art ne nous four­nisse encore aucun moyen d’opér­er cette mer­veille, il n’est pas sans vraisem­blance, et l’analo­gie porte à le croire, que c’est la marche que suit la nature pour la for­ma­tion des végétaux. ”

Dépas­sant les incer­ti­tudes du moment sur la res­pi­ra­tion, sur la nutri­tion des végé­taux, sur celle des ani­maux, il pro­posa à l’A­cadémie des sci­ences en 1792 de lancer un grand con­cours auquel ” sont invités les savants de toutes les nations ” : par quels procédés la nature opère-t-elle cette cir­cu­la­tion entre les trois règnes ? Un prix de 5 000 livres serait attribué en 1794 au meilleur mémoire sur une pre­mière par­tie de ce vaste pro­gramme : ” Com­ment se fait la con­ver­sion des matières végé­tales en matières ani­males dans le canal intestinal ? ”

La vision de Lavoisi­er, hélas, tour­na court : en 1793, l’A­cadémie était sup­primée et Lavoisi­er, en 1794, était envoyé à l’échafaud.
Pressen­ti­ment de l’u­nité du monde vivant, de l’ex­is­tence de struc­tures com­munes à tous les êtres vivants, du jeu uni­versel de réac­tions com­munes et d’échanges d’én­ergie qu’élu­cideront patiem­ment les biol­o­gistes des deux siè­cles suiv­ants ? Si le regard de Lavoisi­er ne pou­vait percer cet avenir loin­tain, son intu­ition du moins visait dans la bonne direction. 

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