Le Grand Uniforme des femmes à polytechnique en 1972

L’année de la Fin de la Jupe

Dossier : TraditionsMagazine N°L'année de la Fin de la Jupe
Par Serge DELWASSE (X86)

Au commencement était Anne Chopinet

La pho­to de notre cama­rade Chopinet (72) est célèbre. La cama­rade, mais aus­si la pho­to. Elle est jolie – la pho­to, mais aus­si la cama­rade — belle même, mais surtout sexy.

Son pro­pos n’étant pas de com­menter la plas­tique d’une cama­rade, l’auteur souhaite insis­ter sur l’opération de rela­tions publiques (de mar­ket­ing ?) menée à cette époque : il fal­lait val­oris­er l’entrée des filles à l’X, et la mode n’était pas au mil­i­taire (nous étions 4 ans après mai 68, en plein comités de sol­dats). Alors on s’efforça de gom­mer tout ce que l’uniforme avait de martial :

Au commencement était Anne Chopinet

Cette pho­to de notre cama­rade Chopinet (72) est célèbre. La cama­rade, mais aus­si la pho­to. Elle est jolie – la pho­to, mais aus­si la cama­rade — belle même, mais surtout sexy.

Cérémonie au Drapeau de l'Ecole polytechnique
Céré­monie au Dra­peau 17 mars 1973
© Uni­ver­sal pho­to , 42 rue des jeûneurs 42 Paris‑2 Lou 18–53

L’uniforme des jeunes filles admises à L’X

Comme suite à notre infor­ma­tion du numéro d’oc­to­bre 1972, nous sommes en mesure de don­ner aujour­d’hui une pho­togra­phie de l’u­ni­forme adop­té pour les jeunes filles admis­es à l’X.(La Jaune et la Rouge n° 276 décem­bre 1972)
Pho­to France-Soir

Son pro­pos n’étant pas de com­menter la plas­tique d’une cama­rade, l’auteur souhaite insis­ter sur l’opération de rela­tions publiques (de mar­ket­ing ?) menée à cette époque : il fal­lait val­oris­er l’entrée des filles à l’X, et la mode n’était pas au mil­i­taire (nous étions 4 ans après mai 68, en plein comités de sol­dats). Alors on s’efforça de gom­mer tout ce que l’uniforme avait de martial :

  • Le tri­corne, à fond plat, exem­ple unique dans l’armée française, paraît plus adap­té à un pique-nique à Chan­til­ly qu’à une prise d’armes.
  • Le col, dit Aiglon mais s’ouvrant sur un large jabot, inédit lui aus­si, est égale­ment fort peu mil­i­taire, à com­par­er au col dit « offici­er » des garçons. On a prob­a­ble­ment voulu éviter la com­para­i­son avec le col dit « Mao » des chinoises…
  • Pas de tan­gente pour les Xettes – on ne va pas don­ner une arme aux femmes, quand même… — mais pas de cein­tur­on non plus.
  • Enfin, une jolie jupe, dans la mode de l’époque, au dessus du genou.
  • Seules les chaus­sures, prob­a­ble­ment appro­vi­sion­nées par l’intendance sur un marché pré-exis­tant, sont dans les stan­dards de l’armée française de l’époque, c’est-à-dire appar­tenant à la caté­gorie « peut mieux faire »

De 1974 à 1994, 20 ans de modifications, puis… rien !

C’est tout d’abord la jupe qui se ral­longe. La légende veut que l’épouse2 du Général Bri­quet (38), mise mal à l’aise par les genoux nus de ces demoi­selles, ait con­va­in­cu son mari. La notice tech­nique de 1974 pré­cise ain­si que « la longueur de la jupe est déter­minée de façon à ce que le bas s’arrête au milieu du genou »3 . Puis on donne une tan­gente à nos Xettes.

Qui dit tan­gente dit bottes. C’est logique. Une tan­gente est une arme, une arme est faire pour se bat­tre, et on ne peut se bat­tre en espadrilles. C’est pour ces mêmes raisons que les troupes défi­lant en armes por­tent des guêtres (Marine Nationale), ou des lacets blancs (ersatz sym­bol­ique de guêtres – armée de l’Air). Comme sou­vent, la réal­ité est plus prosaïque : nos cama­rades avaient tout sim­ple­ment froid en hiv­er ! En tout état de cause, qui dit bottes dit qu’il n’y a rien de plus laid que de mon­tr­er un bout de jambe entre la botte et la jupe. Celle-ci-ral­longe donc à nou­veau. Et comme il faut pou­voir marcher, elle s’élargit. Et c’est ain­si que l’on obtient l’objet informe qui existe de nos jours.

En 1994, les Xettes « obti­en­nent le droit de porter le bicorne ». Cette phrase entre guille­ments – qui est partout, du livre sur le GU au Wik­ix4 — com­porte une erreur majeure : chaque Xette a obtenu le droit au port du bicorne le jour où elle a réus­si le con­cours. Toutes les grand-mères de France savent qu’intégrer l’X n’a qu’un intérêt, c’est de porter un beau bicorne. Et la légende, encore elle, dit qu’il a fal­lu une fille de min­istre et une future pilote de chas­se pour con­va­in­cre le général de quelque chose qui allait de soi5 . Où va se loger le machisme…

Depuis vingt ans, il ne s’est plus rien passé, à tel point que le binet Missettes,qui, je cite, « donne de la voix aux Xettes », créé il y a 5 ans et ani­mé actuelle­ment par les 2011, s’est don­né pour objec­tif de… réformer le GU

La jupe des polytechniciennes en 1972
La jupe des polytechniciennes plus tard
La jupe des polytechniciennes en 1974
De 1972 à main­tenant, une triste évolution

De 1922 à nos jours, près d’un siècle de fantasmes

Un autre aspect amu­sant, c’est que ce GU des Xettes a été régulière­ment l’objet de dessins, de pro­jets : nous avons ain­si recen­sé au moins

  • Un dessin dans le Petit Cra­pal de 19226 (page 64 du « GU des Elèves de l’EP »)
  • L’article de notre cama­rade M.P.M. (85) dans l’IK
  • Une étude réal­isée, si ma mémoire est bonne, par Pierre Cardin en 1987 pour une chas­se aux tré­sors7
  • Un pro­jet de Cam­pagne Kès 2000 (page 70 sqq du « GU des Élèves de l’EP »)

On a ain­si, à chaque fois, cher­ché à adapter le GU à la mode, la vision qu’on se fai­sait de l’Xette, à faire sourire, voire à provo­quer, sans se ren­dre compte qu’il fal­lait tout sim­ple­ment adapter ce qui exis­tait à la mor­pholo­gie féminine

Le même GU pour tous

Pour une vraie égal­ité, il est indé­ni­able qu’il faut que l’uniforme, ce GU si impor­tant dans la sym­bol­ique de l’École, celui avec lequel on défile le 14 juil­let, soit le même pour tous, à savoir

  • Une tunique longue, com­prenant 6 ou 7 bou­tons, en fonc­tion de la mor­pholo­gie, et col officier
  • Un pan­talon
  • Des bot­tines à talons plats

C’est laid, une jeune fille en pan­talon et talons plats penseront cer­tains ? Quelle impor­tance ? C’est bô parce que c’est notre GU. Et j’imagine déjà le jour­nal­iste qui com­mente le défilé : « il n’y a plus de dif­férence, à Poly­tech­nique – le jour­nal­iste qui com­mente le 14 juil­let dit Poly­tech­nique – entre les filles et les garçons »

Et au bal, on fait quoi ?

Les mères – et les pères d’ailleurs – savent tous que le sec­ond avan­tage de faire l’X, c’est d’aller au bal en GU. Or aller au bal en bottes, il en est hors de ques­tion. Aller au bal en pan­talon non plus. Il faut donc créer une « robe de soirée de GU ». C’est tout à fait pos­si­ble : la Marine Nationale est, par exem­ple, par­v­enue à dot­er ses officiers féminins d’un très élé­gant boléro, non sans leur avoir imposé un spencer très peu féminin pen­dant 40 ans.

Un sec­ond uni­forme, qui ne serait porté au mieux que deux fois, c’est cher et bien inutile me direz vous ? Il suf­fi­rait qu’il fût prêté. L’habillement de l’École a entretenu, et mis aux mesures, pen­dant plus de 30 ans, 300 man­teaux au cas où il viendrait à l’idée un min­istre de faire défil­er les X par ‑10°C, on peut tout à fait faire de même pour les robes de soirée.

Le jour où une Xette dansera le quadrille en GU au bras de son cav­a­lier en civ­il, la cause de la femme aura fait, à l’X, son avancée finale.

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1.
Nous préférons en effet ce terme à celui de « poly­tech­ni­ci­ennes ». Les X sont des X, les Xettes sont donc des Xettes, qui en est le féminin naturel sans aucune con­no­ta­tion péjorative
2. L’auteur est pre­neur de toute infor­ma­tion à ce sujet
3. Let­tre du Général Bri­quet au min­istre de la Défense, col­lec­tions Ecole poly­tech­nique (Palaiseau)
4. Le Wik­ix est une sorte de Wikipedia interne à l’X
5. L’auteur serait très heureux que l’Xette en ques­tion con­firme ou infirme cette légende
6. Le Petit Cra­pal, jour­nal des élèves avant-guerre, est un mix de Savate, d’info-Kès et de pro­gramme du Point Gamma.
7. Si un lecteur détient ce document…

Jusqu’où peut-on aller ?
A police­man mea­sures the dis­tance between knee and bathing suit, which had to be under 6 inches.
Wash­ing­ton D.C. 1922
Histoire américaine

Anne Chopinet avec Pompidou en 1973
Anne Chopinet prenant une coupe de cham­pagne avec le prési­dent Georges Pom­pi­dou, 14/07/1973.

Additif 1

Le tri­corne a bien été mod­i­fié. il était à l’origine plus haut, sans cocarde ni galon cul-de-dé. Une pho­to de face le con­firme. Désolé, Anne, c’est encore toi sur la photo…

Additif 2

Bin­go ! Les mémoires de Michel Debré l’attestent : l’uniforme des Xettes a été choisi par… sa femme ! Pas éton­nant qu’il soit si peu militaire

Il reste à dessiner leur uniforme : ma femme choisira parmi les différents modèles proposés. Réserve faite du problème de costume et de l’aménagement à prévoir pour les chambres, l’entrée d’Anne Chopinet et de ses camarades est acceptée sans difficulté. Désormais l’affaire.…

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