Structure d’une diode de spin électroluminescente

La spintronique dans les capteurs spaciaux et dans les lasers

Dossier : Les nanosciencesMagazine N°702 Février 2015
Par Henri JAFFRÈS
Par Malik MANSOUR (D2012)

L’étude des envi­ron­nements mag­nétisés du sys­tème solaire s’intéresse aux plas­mas naturels du système.

C’est une branche des sci­ences spa­tiales encore peu con­nue du grand pub­lic qui intéresse le Lab­o­ra­toire physique et plas­mas de l’École poly­tech­nique (LPP).

REPÈRES

La « spintronique », ou « électronique de spin », désigne l’ensemble des phénomènes physiques qui s’intéressent aux propriétés de courants de spin dans les solides, ainsi qu’à leur manipulation, avec ou sans champ magnétique. Le spin peut se concevoir comme un minuscule aimant, au niveau de l’électron, qui peut s’orienter dans un sens ou un autre, permettant un stockage d’information binaire. Les premières applications ont été mises en pratique dans les têtes de lecture des disques durs.

Instruments dans l’espace

À par­tir de la deux­ième moitié du XXe siè­cle, avec l’avènement de la con­quête spa­tiale, cette dis­ci­pline s’est dotée d’une branche expéri­men­tale poussée.

TROIS TYPES DE CAPTEURS

Un capteur magnétorésistif magnétique se présente comme un empilement de couches d’épaisseur nanométrique. On distingue trois types de capteurs.
Le capteur à magnétorésistance anisotrope (AMR) met à profit « l’effet Hall planaire » extraordinaire d’une couche aimantée qui donne lieu à une variation de sa résistance électrique en fonction de l’angle entre son aimantation et la direction du courant dans le plan.
Le capteur à magnétorésistance géante (GMR), ultrasensible, est constitué d’une couche très conductrice prise en sandwich entre deux couches magnétiques ; la résistance électrique du dispositif varie en fonction de la configuration des deux aimantations.
Enfin, le capteur à magnétorésistance tunnel (TMR) prend la forme d’une tricouche dont le matériau conducteur non magnétique a été remplacé par un matériau isolant, siège d’un transfert tunnel pour les électrons de spin différents.
Si les capteurs à base d’AMR, GMR et autres TMR semblent prometteurs, une partie du chemin vers la réalisation d’une instrumentation embarquée reste encore à parcourir.

Le lance­ment des pre­mières son­des spa­tiales d’exploration du sys­tème solaire a per­mis d’embarquer des instru­ments dont les mag­né­tomètres spa­ti­aux à car­ac­tère vec­to­riel. Ces derniers per­me­t­tent aux chercheurs d’étudier, in situ, les inter­ac­tions élec­tro­mag­né­tiques entre notre étoile et les mag­né­tosphères des planètes du sys­tème solaire.

Dans ce cadre, la réal­i­sa­tion d’instruments embar­qués capa­bles d’évoluer dans un envi­ron­nement hos­tile et présen­tant une grande sen­si­bil­ité de mesure lance un défi. Aujourd’hui, les mag­né­tomètres de type induc­tif demeurent les prin­ci­paux mag­né­tomètres vec­to­riels embar­qués en rai­son de leur robustesse et de leur qual­ité métrologique.

Mais l’électronique de spin, à l’origine d’une réelle rup­ture tech­nologique, pour­rait bien­tôt bous­culer cette hiérar­chie. On pour­rait con­cevoir une nou­velle généra­tion de mag­né­tomètres spa­ti­aux à la sen­si­bil­ité com­pa­ra­ble à l’état de l’art actuel mais offrant un gain jamais atteint en ter­mes d’encombrement, de con­som­ma­tion et d’intégration.

Cartographier la planète Mars

Le choix d’un cap­teur comme élé­ment d’un instru­ment embar­qué réside dans son poten­tiel à présen­ter à la fois un encom­bre­ment réduit, une robustesse (résis­tance à la tem­péra­ture ou aux radi­a­tions) et une sen­si­bil­ité au champ mag­né­tique satisfaisantes.

“ Un gain jamais atteint en termes d’encombrement, de consommation et d’intégration ”

La recherche active en physique du solide per­met d’afficher un réel opti­misme en vue d’améliorer dans un proche avenir la sen­si­bil­ité au champ mag­né­tique des cap­teurs à voca­tion de mag­né­tométrie spatiale.

À bord de son­des spa­tiales, ces cap­teurs per­me­t­tront l’étude fine des phénomènes de tur­bu­lence dans le vent solaire ou encore de sur­veiller l’activité mag­né­tique du soleil. Embar­qués sur des véhicules, ils per­me­t­tront de réalis­er une car­togra­phie mag­né­tique du sol martien.

Télécommunications à grande distance

Les con­cepts pour l’utilisation du spin des élec­trons comme vecteur d’une infor­ma­tion binaire sur de grandes dis­tances ne man­quent pas. Ils intéressent le Lab­o­ra­toire des solides irradiés de l’École poly­tech­nique (LSI).

DEUX POMPAGES

On distingue les dispositifs à pompage optique, pour lesquels la concentration de porteurs hors équilibre est générée par une onde lumineuse excitatrice d’énergie supérieure et ceux à pompage électrique, où cette même population est créée par l’injection d’un courant électrique.

On peut citer les lasers à spin qui se décli­nent dans un sys­tème tout-solide sous le terme générique anglais de spin-vec­sel (spin ver­ti­cal exter­nal cav­i­ty emit­ted lasers).

Cette nou­velle généra­tion de dis­posi­tifs optiques pour­suit trois objec­tifs : le stock­age d’une infor­ma­tion binaire par le biais de l’aimantation d’un film nanométrique, le codage de l’information sous forme d’une onde élec­tro­mag­né­tique cohérente de polar­i­sa­tion cir­cu­laire, et l’écri­t­ure de cette infor­ma­tion par le biais d’un champ mag­né­tique ou par un courant d’électron polar­isé par trans­fert du moment angulaire.

Les avan­tages des lasers à spin sont, en plus de la cohérence lumineuse, la direc­tiv­ité du fais­ceau lumineux et la puis­sance lumineuse par unité de sur­face. En plus du codage binaire, leurs avan­tages vis-à-vis des lasers solides con­ven­tion­nels rési­dent dans la réduc­tion du seuil laser et dans l’augmentation de la bande pas­sante pour les télécommunications.

En haut à gauche : struc­ture d’une diode de spin élec­tro­lu­mi­nes­cente (Spin-LED) à injecteur de spin per­pen­dic­u­laire (PMA) de type jonc­tion tun­nel CoFeB/MgO et à émis­sion normale.
En haut à droite : car­ac­téris­tique tun­nel I(V) de la jonc­tion tun­nel pour le pom­page élec­trique de spin dans le ½ Vecsel.
En bas à droite : émis­sion spon­tanée ampli­fiée par pom­page élec­trique de spin à tra­vers la bar­rière tunnel.
THALES RESEARCH & TECHNOLOGY ET CNRS/THALES, PALAISEAU FRANCE.

Sélectionner les spins

La brique sub­tile et essen­tielle de tels dis­posi­tifs con­cerne le trans­fert de la mémoire de spin du nano-aimant solide en film mince vers la polar­i­sa­tion cir­cu­laire de l’onde lumineuse laser émise. Un spin-laser se présente dans le détail sous la forme d’un ensem­ble d’empilement de couch­es de semi­con­duc­teurs dits III‑V (GaAs, AlAs, InGaAs).

“ Polarisation, cohérence et directivité du faisceau lumineux ”

On dis­cerne trois régions dis­tinctes : une région de type n dopée en élec­trons, une région intrin­sèque com­prenant plusieurs puits quan­tiques (zone active) et une région inférieure de type p dopée en trous. L’injection d’un courant de spin depuis le con­tact mag­né­tique vers la zone n de la diode, puis vers la zone active va per­me­t­tre une recom­bi­nai­son élec­trons polar­isés-trous (exci­tons) pour céder un moment angu­laire au pho­ton émis.

Le principe de cette opéra­tion repose égale­ment sur l’idée que le matéri­au mag­né­tique per­met de sélec­tion­ner ou de fil­tr­er plus effi­cace­ment une caté­gorie de spin au détri­ment de l’autre.

On con­naît déjà des appli­ca­tions dans les mémoires solides con­ven­tion­nelles (indus­trie élec­tron­ique portable). Cette pro­priété pour­rait égale­ment être mise à prof­it pour la réal­i­sa­tion d’un spin-vec­sel encore plus performant.

L’ensemble des principes physiques rapi­de­ment exposés ici et util­isés dans les dis­posi­tifs spin­tron­iques actuels et futurs jus­ti­fie très ample­ment les inves­ti­ga­tions et les études les plus fon­da­men­tales pro­posées aujourd’hui dans les lab­o­ra­toires de recherche.

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