« La prévention des cancers est un de nos plus gros enjeux »

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°775 Mai 2022
Par Thierry BRETON

Thier­ry Bre­ton, directeur général de l’Institut nation­al du can­cer, nous en dit plus sur la stratégie décen­nale de lutte con­tre les can­cers 2021–2030 et ses pri­or­ités, il revient égale­ment sur la créa­tion de l’association Fil­ière intel­li­gence arti­fi­cielle et can­cer et son poten­tiel dans la lutte con­tre les can­cers. Entretien.

Que faut-il retenir de la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021–2030 ?

Elle est d’abord très ambitieuse, et elle se place à un hori­zon de 10 ans, ce qui est assez nova­teur. En par­al­lèle, elle se fixe des objec­tifs quan­ti­tat­ifs très ambitieux en ter­mes de réduc­tion du nom­bre de can­cers, de par­tic­i­pa­tion des Français au pro­gramme de dépistage, de réduc­tion du poids des séquelles… Cette stratégie très dif­férente des précé­dentes s’appuie aus­si sur une volon­té forte d’orienter la recherche française sur des thé­ma­tiques con­sid­érées comme pri­or­i­taires : la préven­tion, la lutte con­tre les can­cers de mau­vais pronos­tic, la lutte con­tre le can­cer des enfants. Enfin, elle est aus­si très ambitieuse en ter­mes de moyens alloués : notre feuille de route jusqu’en 2025 est dotée de plus de 1,7 mil­liards d’euros, soit une aug­men­ta­tion de 20 %. 

Dans la lutte contre le cancer, l’IA va jouer un rôle encore plus important notamment avec la création de l’association Filière intelligence artificielle et cancer. Qu’en est-il ? 

L’IA est déjà large­ment util­isée dans le traite­ment des can­cers, notam­ment en imagerie. Toute­fois, son poten­tiel n’est pas encore totale­ment exploité. Nous explorons donc dif­férentes pistes pour dévelop­per l’utilisation de l’IA au ser­vice de la val­ori­sa­tion des don­nées dont nous dis­posons et qui sont, par ailleurs, au cœur du fonc­tion­nement même des algo­rithmes d’IA.

Dans cette con­ti­nu­ité, en parte­nar­i­at avec huit lab­o­ra­toires privés (AstraZeneca, Janssen-Cilag, MSD France, Novar­tis, Pfiz­er, Pierre Fab­re, Roche Diag­nos­tics France, AMGEN), l’Institut et l’Alliance pour la recherche et l’innovation des indus­tries de San­té (ARIIS), le Health Data Hub et France Biotech, nous avons lancé cette asso­ci­a­tion. Sa mis­sion est très claire. Conçue pour être au ser­vice des patients, son objec­tif est de val­oris­er les don­nées de san­té pour : 

  • Accom­pa­g­n­er des pro­jets de recherche en vue d’améliorer la con­nais­sance sur les can­cers, per­me­t­tre une meilleure prise en soins des patients et une médecine de plus grande précision ; 
  • Pro­mou­voir l’innovation et le développe­ment de solu­tions de diag­nos­tic thérapeu­tique notam­ment au ser­vice des malades. 

Nous sommes un des insti­ga­teurs de ce parte­nar­i­at pub­lic privé. Au-delà, nous avons aus­si un rôle de tiers de con­fi­ance et de garant de la vision stratégique de cette ini­tia­tive. En effet, nous veil­lons à ce que l’ensemble des pro­jets financés s’inscrivent dans la mis­sion d’intérêt général de l’association : une util­i­sa­tion de la don­née de san­té au ser­vice des patients. 

Des pro­jets com­men­cent à voir le jour : le développe­ment d’une molécule pour le traite­ment des can­cers du sein ; le développe­ment d’une molécule pour le traite­ment du can­cer du poumon avec un suivi en vie réelle ; le développe­ment d’un bras virtuel dans le cadre d’un essai clin­ique basé sur l’exploitation des don­nées disponibles sur un traite­ment dis­pen­sé… La réus­site de ce dernier pro­jet per­me­t­tra, d’ailleurs, de pou­voir réduire con­sid­érable­ment les coûts des essais clin­iques et con­tribuera égale­ment à ren­forcer l’attractivité de la France dans le domaine pharmaceutique. 

Et pour conclure ?

La préven­tion des can­cers est un de nos plus gros enjeux. Elle représente le prin­ci­pal levi­er pour réduire le poids du can­cer en France alors qu’on estime que 40 % des can­cers sont liés à l’exposition à des fac­teurs de risques de can­cers évita­bles (tabac, alcool, ali­men­ta­tion déséquili­bré…). La mobil­i­sa­tion doit être col­lec­tive pour faire reculer ces com­porte­ments notam­ment en matière de lutte con­tre le tabac, qui doit être dénor­mal­isé alors qu’on recense tous les ans 45 000 décès par can­cer directe­ment liés à sa consommation. 

Enfin, il est aus­si essen­tiel de pro­mou­voir la coopéra­tion inter­na­tionale dans la lutte con­tre les can­cers afin de mieux coor­don­ner et mutu­alis­er les efforts pour dévelop­per dès aujourd’hui les solu­tions thérapeu­tiques de demain.

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