La mesure des plaisirs

Dossier : X-Touraine : la douceur de vivreMagazine N°644 Avril 2009Par : Annick Bataille (veuve 43)

Une Europe consentante

Au-delà du choc que reçoit le vis­i­teur face à une œuvre — affaire très per­son­nelle — M. Lau­vergeat choisit plusieurs tableaux pour nous don­ner des clés de lec­ture ; ain­si devant L’En­lève­ment d’Eu­rope de Pierre, prêté par le musée de Dal­las, attire-t-il notre regard sur la spar­ti­ate dénouée d’Eu­rope ; ce nœud défait n’est pas dû à la seule pré­cip­i­ta­tion du départ mais bien au fait qu’Eu­rope est con­sen­tante. Sourire des spec­ta­teurs qui notent en pas­sant que le tau­reau a l’air bien débonnaire !

De même un tableau prêté par le musée de Dijon Le Repos de Col­son, la scène pais­i­ble de la jeune fille endormie près du chat et de l’oiseau peut être inter­prétée dif­férem­ment : le chat et l’oiseau ne sont-ils pas plutôt des signes de men­ace pour la vir­ginité de la jeune fille ? Et nous con­tin­uons la vis­ite… M. Lau­vergeat nous invite à regarder autrement ; les tableaux ” sim­ples ” ont leur mys­tère, il y a des codes ! En deux heures, il est dif­fi­cile de trans­met­tre aux vis­i­teurs le foi­son­nement, le bouil­lon­nement de ce Siè­cle des lumières où la mar­quise de Pom­padour (mal aimée à son époque) eut un rôle déter­mi­nant. Nous la remer­cions en pas­sant devant son por­trait signé Drouais.

L’oeil et l’esprit

Dans cette expo­si­tion, con­sacrée au bon goût, notion nou­velle au XVIIIe siè­cle, les tableaux témoignent de l’in­térêt porté à la vie quo­ti­di­enne avec le très con­nu L’Ac­cordée au vil­lage de Greuze, les natures mortes de Chardin, les berg­eries de Lan­cret, La Lingère d’Hu­bert Robert, la chi­enne et ses chiots d’Oudry et tant d’autres de grand intérêt.

Nous avons lais­sé de côté les querelles entre Anciens et Mod­ernes (la cri­tique d’art est née à cette époque) pour trou­ver une vraie joie, celle du plaisir de l’oeil et de l’e­sprit indis­so­cia­bles. Mon­tesquieu l’a bien exprimé dans L’En­cy­clopédie (arti­cle Goût) : ” Il est bon de con­naître la source des plaisirs dont le goût est la mesure. ”

La vis­ite est ter­minée. Il fait un froid glacial en cet hiv­er, mais dans les jardins du musée nous avons la mine réjouie de ceux qui ont ” le bon goût ” de dire mer­ci pour cette vis­ite de qualité.

Annick Bataille (veuve 43)

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