La maîtrise appartient aux ingénieurs

Dossier : Le Bicentenaire des MinesMagazine N°661 Janvier 2011Par : Compte rendu de la table ronde «Appropriation et maîtrise des technologies»

Compte rendu de la table ronde “Appropriation et maîtrise des technologies”
Propos résumés par la Rédaction

REPÈRES
La table ronde était illus­trée par un petit film et divers­es inter­views et résul­tats d’en­quêtes, réal­isés par de jeunes ingénieurs des Mines, dont deux étaient présents, Romain Beaume (2000) et Annelise Massiera (2000).

Compte rendu de la table ronde “Appropriation et maîtrise des technologies”
Propos résumés par la Rédaction

REPÈRES
La table ronde était illus­trée par un petit film et divers­es inter­views et résul­tats d’en­quêtes, réal­isés par de jeunes ingénieurs des Mines, dont deux étaient présents, Romain Beaume (2000) et Annelise Massiera (2000).
Ces jeunes mili­tent pour une meilleure com­mu­ni­ca­tion et une édu­ca­tion des jour­nal­istes qui per­me­t­traient des débats objec­tifs, évi­tant le dogme du tout sci­en­tifique ou la prop­a­ga­tion de peurs irraisonnées. 

Le monde de demain appar­tient aux créateurs 

Jean-Bernard Lévy (73), prési­dent de Viven­di, s’in­ter­roge dans son intro­duc­tion sur l’al­lo­ca­tion de la déci­sion en matière de pri­or­ités, qu’il s’agisse du cap­i­tal financier ou du cap­i­tal humain. ” Qui doit pren­dre les déci­sions ? Com­ment les expli­quer au pub­lic ? Pourquoi le nucléaire est-il bien accep­té et les OGM sont-ils rejetés ? 

“L’É­tat a besoin d’une com­pé­tence tech­nologique que seuls les ingénieurs peu­vent lui apporter. “Pourquoi, dit-il, sommes-nous en train d’être dépassés par la Corée ou la Chine ? Parce que ces pays sont dirigés par des ingénieurs.” 

L’informatique méconnue


Un film réal­isé par des jeunes pour mieux faire tourn­er la table.

Gérard Berry (67), mem­bre de l’A­cadémie des sci­ences, insiste sur les boule­verse­ments apportés par l’in­for­ma­tique et que, selon lui, on refuse de recon­naître en France. 

” On dit, c’est une mode, ça va pass­er. Voilà un exem­ple frap­pant de non-appro­pri­a­tion. ” Nous ne sommes, par exem­ple, que sept infor­mati­ciens sur deux cent trente mem­bres de l’A­cadémie des sciences. 

” L’in­for­ma­tique, estime-t-il, est très dérangeante. Avec Inter­net : ” Je sais ce que tout le monde sait. ” Les enfants adorent. Ils sont nés avec l’or­di­na­teur et le télé­phone mobile. C’est évidem­ment un sujet dif­fi­cile pour les enseignants qui croient que les enfants en savent plus qu’eux. ” 

“L’en­seigne­ment supérieur com­mence à se met­tre à l’in­for­ma­tique, mais le pri­maire et le sec­ondaire restent com­plète­ment étanch­es. Mais beau­coup d’en­seignants veu­lent faire bouger les choses, libér­er les éner­gies. “On ne con­sid­ère par ailleurs l’in­for­ma­tique qu’en ter­mes de con­som­ma­tion, mais c’est de créa­tion qu’il faut parler.” 

Le scientifique méprisé des médias

Michel Boy­on, prési­dent du Con­seil supérieur de l’au­dio­vi­suel, s’in­ter­roge sur le rôle des médias, qui, selon lui, ” devraient jouer un rôle péd­a­gogique, avec pru­dence, mod­estie et humilité. ” 

“La peur irra­tionnelle se vend mieux que le ratio­nal­isme sere­in, com­mente un par­tic­i­pant. “Que peut-on faire pour que le principe de pré­cau­tion s’ap­plique à la com­mu­ni­ca­tion?” demande mali­cieuse­ment un autre. 

“On laisse croire que tous les avis à col­oration sci­en­tifique se valent. Alors, com­ment les décideurs peu­vent-ils choisir ? Le rôle du poli­tique n’est pas de valid­er telle hypothèse sci­en­tifique plutôt que telle autre, mais de hiérar­chis­er les sources pour apporter de bonnes bases à la discussion. 

“En ce qui con­cerne, par exem­ple, le principe de pré­cau­tion, il faut dis­tinguer l’analyse sci­en­tifique, la demande sociale et la déci­sion poli­tique. En pra­tique, les médias sor­tent de toute con­sid­éra­tion scientifique.” 

“Lorsqu’ils s’in­ter­ro­gent sur les risques de la télé­phonie mobile, ils ne dis­cu­tent pas de l’usage indi­vidu­el, mais des antennes. Ils inter­ro­gent tout à tour, sur un pied d’é­gal­ité, le sci­en­tifique com­pé­tent et le pre­mier pas­sant venu. 

” On décrédi­bilise tout, en mélangeant de la sorte.” 

L’innovation accélérée

Michel Guil­baud, directeur général du Medef, estime qu’en dix ans tout a changé pour les plus petites entreprises. 

Don­ner sa chance
Que faut-il penser de la TNT ont demandé il y a quelques années les pou­voirs publics à Michel Boy­on ? “J’ai répon­du que la TNT était viable, tech­nique­ment et finan­cière­ment, mais que ce n’é­tait pas à l’É­tat de dire com­ment regarder la télévi­sion. J’ai pré­con­isé de don­ner sa chance à la TNT, ce qui s’avère aujour­d’hui un succès.” 

” Le marché des PMI (petites et moyennes indus­tries), rap­pelle-t-il, était un marché de prox­im­ité. Main­tenant, elles s’in­téressent aux pays émer­gents. Il leur faut aller plus loin dans l’innovation. 

“De même, les ETI (entre­pris­es de taille inter­mé­di­aire) con­nais­sent des dif­fi­cultés. La Corée est dev­enue le six­ième expor­ta­teur mon­di­al et talonne la France.” 

La clé, selon lui, réside dans l’in­no­va­tion. Il vante les mérites du crédit impôt recherche. Un petit film sur les véhicules élec­triques, dû aux jeunes ingénieurs, vient con­forter cette approche en soulig­nant le plan exem­plaire élaboré en France sur le sujet et l’im­por­tance du “petit coup de pouce” apporté par les pou­voirs publics. 

Un cas d’école

Pour appli­quer le principe de pré­cau­tion à la san­té, il faut fer­mer toutes les pharmacies 

Jacques Biot, représen­tant des entre­pris­es phar­ma­ceu­tiques, regrette la façon dont l’épisode de la grippe a été géré par les pou­voirs publics, alors que nous sommes ” au pays de Pasteur “. 

Il prend égale­ment en exem­ple le sujet d’ac­tu­al­ité du Medi­a­tor, médica­ment accusé aujour­d’hui d’être la cause de très nom­breux décès. 

” C’est comme pour le nuage de Tch­er­nobyl, on ne décou­vre la nociv­ité qu’après coup, sur des don­nées sta­tis­tiques cou­vrant de nom­breuses années. On ne pou­vait rien dire avant, puisqu’on ne savait pas. Entre-temps, on a répon­du à une demande sociale pour un pro­duit de san­té. C’est un cas d’é­cole de perte de maîtrise. ” 

“Mais, si l’on devait appli­quer le principe de pré­cau­tion à la san­té, il faudrait com­mencer par fer­mer toutes les pharmacies.” 

Corps tech­nique vs lobbying
Le “corps” est-il noble et le lob­by­ing pas très noble ? inter­roge un par­tic­i­pant. “Nous avons des pro­grès à faire, répond un con­férenci­er, dans un pays où l’on con­fond volon­tiers cri­tique et esprit critique.” 

Un message d’espoir

Pour con­clure toutes ces réflex­ions par­fois un peu dés­abusées, Jean-Bernard Lévy revient sur les mes­sages à adress­er aux jeunes ingénieurs. 

“Il faut leur dire que l’in­no­va­tion l’emporte. Qu’il ne faut pas exagér­er les risques. Qu’il est temps pour les ingénieurs de faire preuve de l’au­torité que la tra­di­tion leur confère. ”

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