Mur escalade à l'Ecole polytechnique

La formation humaine, complément harmonieux à l’enseignement scientifique

Dossier : ExpressionsMagazine N°653 Mars 2010Par Noël OLIVIER

La for­ma­tion humaine et mil­i­taire, prodiguée par le per­son­nel civ­il et mil­i­taire de la direc­tion qui porte ce nom (DFHM), est dis­pen­sée aux élèves à trois niveaux différents.

La dif­fi­culté du commandement
La nou­veauté en 2009 a été le retour à La Cour­tine après la fer­me­ture du cen­tre de Barcelon­nette. De ce change­ment est né un renou­veau de la FMI : l’É­cole en a ain­si prof­ité pour réécrire le con­cept et définir un pro­gramme con­forme à ses attentes. ” La mon­tagne “, qui était un élé­ment essen­tiel de la FMI, et qui (clin d’oeil??) a été retenue comme chant de pro­mo­tion pour la 2009, a fait place à des ate­liers de mise en sit­u­a­tion de respon­s­abil­ité des élèves. Cha­cun est nom­mé chef de groupe et doit men­er une mis­sion à bien en un temps déter­miné. L’ob­jec­tif étant de leur faire pren­dre con­science de la dif­fi­culté du man­age­ment et du commandement.

Le pre­mier est celui des activ­ités iden­ti­fiées par la direc­tion des études. C’est le cas des trois stages, des enseigne­ments sportifs, des con­férences et des céré­monies mil­i­taires institutionnelles.

S’a­joutent les activ­ités périsco­laires pour lesquelles la DFHM apporte un sou­tien aux élèves dans la con­cep­tion ou l’or­gan­i­sa­tion d’événe­ments (Point Gam­ma, chal­lenges sportifs, etc.), ou bien les encadre pour cer­taines activ­ités spé­ci­fiques (céré­monies com­mé­mora­tives, chant, para­chutisme, etc.).

Une passerelle pro­gres­sive entre le monde étu­di­ant et le monde militaire

Enfin, l’en­cadrement de con­tact agit au quo­ti­di­en auprès des élèves dans un rôle d’adulte référent.

Bien sûr, la for­ma­tion humaine n’est pas l’a­panage de la DFHM. Cha­cun à l’É­cole, en inter­agis­sant avec les élèves, con­tribue, dans une cer­taine mesure, à cette for­ma­tion. Il en va de même de cer­tains enseigne­ments des départe­ments Human­ités et sci­ences sociales et Langues, cul­tures et communication.

La Formation Militaire Initiale

“La For­ma­tion mil­i­taire ini­tiale (FMI) est une passerelle pro­gres­sive entre le monde étu­di­ant et le monde mil­i­taire ; elle per­met de don­ner aux nou­veaux élèves un socle leur per­me­t­tant de décou­vrir la vie en col­lec­tiv­ité tout en dévelop­pant leur per­son­nal­ité. Mais elle est aus­si un avant-goût du monde pro­fes­sion­nel.” C’est ain­si que le lieu­tenant-colonel Éric Legrix, chef du bureau d’or­gan­i­sa­tion-études, conçoit cette étape ini­ti­atrice de la vie polytechnicienne.

Passer à une logique collective

“Les élèves y passent d’une logique indi­vidu­elle — celle des class­es pré­para­toires ou du par­cours uni­ver­si­taire — à une logique col­lec­tive”, ajoute le lieu­tenant-colonel Fix, com­man­dant la pro­mo­tion 2009 et qui a accom­pa­g­né les élèves du 31 août au 25 sep­tem­bre 2009. ” Coupé de son milieu géo­graphique et famil­ial, l’élève atteint plus vite les objec­tifs de la for­ma­tion : dévelop­per son savoir-être et acquérir les savoir-faire de base du méti­er mil­i­taire avant d’abor­der plus sere­ine­ment la phase suiv­ante, le stage de for­ma­tion humaine. La FMI, c’est aus­si la pre­mière expéri­ence com­mune qui mar­que le début de la vie d’une pro­mo­tion. ” La diver­sité de l’o­rig­ine de l’en­cadrement inter­ar­mées, très riche sur le plan humain, est un fac­teur pri­mor­dial de l’ou­ver­ture d’e­sprit des élèves.

Men­er une mis­sion à bien en un temps déterminé

“J’ai été sur­pris d’en­ten­dre de la part des 2007 présents à La Cour­tine, que la nou­velle for­mule était con­struc­tive et bien accep­tée des 2009?” pré­cise le lieu­tenant-colonel Éric Legrix. “Cette for­ma­tion peut paraître dif­fi­cile à cer­tains au départ, mais elle porte ses fruits et le juge­ment des élèves s’avère très posi­tif à leur retour sur le cam­pus en avril.” 

LE CHANT, ACTIVITÉ STRUCTURÉE ET STRUCTURANTE

Tous par­ticipent
“Le chant est un tra­vail de cohé­sion, quelles que soient les qual­ités vocales des élèves”, explique Patrice Holiner.
“Il par­ticipe à la cohé­sion de la com­pag­nie, de la sec­tion et de la pro­mo­tion tout entière car tous y par­ticipent, même ceux qui chantent faux ! Et les élèves sont fiers du résul­tat. Cette année, j’ai été agréable­ment sur­pris du nom­bre de liens vidéo de La Mar­seil­laise du 18 octo­bre mis sur Face­book et Youtube!”. 

Patrice Holin­er, maître de musique de l’É­cole poly­tech­nique, est rat­taché à la Direc­tion de la for­ma­tion humaine et mil­i­taire. Le chant est une par­tie inté­grante de la for­ma­tion humaine des élèves. Les élèves com­men­cent dès leur arrivée sur le cam­pus, lors de l’in­cor­po­ra­tion, par l’ap­pren­tis­sage de La Mar­seil­laise et du chant de pro­mo­tion. Le tra­vail se pour­suit au stage de La Cour­tine où il se pro­longe par com­pag­nie et en sec­tion. Les chants de sec­tion aident les élèves dans leur appren­tis­sage de l’or­dre ser­ré et l’on peut les voir défil­er par sec­tion (env­i­ron 25 per­son­nes) au rythme du chant dans le camp de La Cour­tine. L’aboutisse­ment de ce tra­vail est un con­cert don­né au prof­it de la ville d’ac­cueil, Ussel depuis cette année. Mais la final­ité reste la céré­monie de Présen­ta­tion au dra­peau, qui a eu lieu le 18 octo­bre pour la pro­mo­tion 2008, en présence du Pre­mier min­istre et des familles.

LE STAGE DE CONTACTS

Les élèves effectuent un stage de con­tacts humains à la fin de leur 2e année. Loïc Was (2007) est par­ti cet été à Mel­bourne, en Aus­tralie, met­tre en boîte des bouteilles de sham­po­ing dans l’en­tre­pôt de dis­tri­b­u­tion de L’Oréal.

Servir les autres avant de recevoir

“Toutes les com­posantes de ce stage ont été enrichissantes pour moi, de la recherche du stage à la pré­pa­ra­tion de la sou­te­nance orale. Une anec­dote amu­sante est à l’o­rig­ine de cette oppor­tu­nité : un arti­cle dans mon jour­nal local, “Les étrangers du Tarn vous souhait­ent une bonne année”. C’est ain­si que j’ai obtenu le con­tact d’une per­son­ne qui tra­vaille chez L’Oréal à Mel­bourne, puis ce stage, inhab­ituel en entre­pôt. Une fois là-bas, j’ai côtoyé des gens très dif­férents du milieu dans lequel j’évolue ici ; la plu­part ont com­mencé à tra­vailler à 18 ans et espèrent finir leur car­rière comme chef de poste dans l’en­tre­pôt. J’é­tais obligé de m’adapter et les échanges qui ont suivi sur les habi­tudes de tra­vail étaient très enrichissants. J’ai ouvert mon hori­zon cul­turel et décou­vert le tra­vail au sein d’un grand groupe dans un envi­ron­nement nouveau.”

LA FORMATION PAR LE SPORT

La for­ma­tion sportive est cru­ciale à l’É­cole poly­tech­nique car c’est un sup­port priv­ilégié de la for­ma­tion humaine. À tra­vers leurs six heures de sport heb­do­madaires, les élèves appren­nent le respect des règles, le partage, le goût de l’ef­fort, l’e­sprit d’équipe, le dépasse­ment de soi, la prise de déci­sion en temps réel, la con­fi­ance, autant de valeurs qui les suiv­ront toute leur vie.

La com­péti­tion con­court à val­oris­er l’im­age de l’École

Pour Olivi­er Allart, enseignant civ­il du Départe­ment de la for­ma­tion sportive au sein de la sec­tion avi­ron, les trois objec­tifs fin­aux du sport sont de don­ner un cadre de tra­vail, de créer la com­mu­ni­ca­tion et d’en­seign­er aux élèves à accepter la cri­tique, donc à se remet­tre en ques­tion et à se posi­tion­ner dans le monde du tra­vail. Les élèves par­tent chaque année en voy­age de sec­tion, en stage sportif, ce qui com­plète leur for­ma­tion per­son­nelle et les ouvre sur un envi­ron­nement de plus en plus inter­na­tion­al. “?La com­péti­tion con­court à val­oris­er l’im­age de l’É­cole et per­met aux élèves de se décou­vrir et de s’af­firmer dans un con­texte où ils sont appelés à met­tre en oeu­vre des valeurs de loy­auté, de con­trôle de soi et de respect des autres?”, rap­pelle le com­man­dant Serge Derongs, directeur du Départe­ment de la for­ma­tion sportive. Enfin, la par­tic­u­lar­ité d’un encadrement mil­i­taire à l’É­cole canalise les élèves mais per­met aus­si une prox­im­ité néces­saire pour détecter leurs faib­less­es et leurs prob­lèmes. Le sport est un véri­ta­ble vecteur de con­tacts humains.

LES CÉRÉMONIES MILITAIRES

Le para­chutisme
“La sec­tion mil­i­taire sportive para­chutiste est une belle école de vie” résume l’ad­ju­dant-chef Pas­cal Godréaux, respon­s­able de la for­ma­tion. On y apprend à servir les autres avant de recevoir, le respect mutuel, la con­fi­ance et la dis­ci­pline, qui sont les fon­da­men­taux pour devenir un bon chef. En effet, sauter pour la pre­mière fois encadré d’un moni­teur que l’on ne con­naît pas demande une cer­taine con­fi­ance. Cette activ­ité à risque, mais non dan­gereuse, demande pré­pa­ra­tion, méthodolo­gie et prise de déci­sion par­fois rapi­de. Pas de têtes brûlées chez les paras. Directe­ment sous les ordres du bureau des activ­ités para­chutistes et du chef de corps, le binet organ­ise des stages et des week-end tout au long de l’an­née pour 130 élèves. L’en­cadrement est assuré par des instruc­teurs de para­chutisme mil­i­taire et civ­il dans des con­di­tions idéales : un parc de 41 para­chutes, ce qui fait de l’É­cole poly­tech­nique le plus beau parc de France.
“Le para est un con­den­sé de la vie extrasco­laire de l’É­cole, les deux pro­mo­tions mélangées”, ajoute Hugo, élève de la sec­tion. “Entre nous, pas de rival­ité car le saut n’est pas une sci­ence exacte. Il faut de la con­fi­ance et beau­coup de dis­ci­pline pour attein­dre notre but : sauter à plusieurs. Il faut tou­jours avancer car la marge de pro­gres­sion est énorme.” Autant de leçons qui leur servi­ront dans la vie professionnelle.


La vie de pro­mo­tion est ryth­mée par des tra­di­tions : de la remise des bicornes à la pas­sa­tion de dra­peau en pas­sant par la remise des tan­gentes (l’épée), la présen­ta­tion au dra­peau et le défilé du 14 Juil­let. La dernière en date fut la céré­monie de Présen­ta­tion au dra­peau, appelée famil­ière­ment la PAD, qui s’est déroulée sous la prési­dence de François Fil­lon, Pre­mier min­istre, et de Mar­i­on Guil­lou, prési­dente du Con­seil d’ad­min­is­tra­tion, le 18 octo­bre dernier. 

Les clés de l’École

Anaïs Gau­thi­er, élève de la pro­mo­tion 2008 présen­tée au dra­peau, revient sur ce moment fort. ” Je ne com­pre­nais pas telle­ment sa sig­ni­fi­ca­tion avant le jour J mais j’ai réal­isé après coup que c’é­tait un événe­ment mar­quant pour la vie de l’É­cole. Cette présen­ta­tion au dra­peau est comme si l’on nous don­nait les clés de l’É­cole : c’est à par­tir de ce moment que les X 2008 s’in­vestis­sent vrai­ment dans la vie de leur pro­mo­tion — par la reprise des binets (asso­ci­a­tions) notam­ment. C’est aus­si une fierté pour notre famille qui vient sou­vent pour la pre­mière fois à l’É­cole poly­tech­nique, par­fois de très loin à l’é­tranger. Elle décou­vre ain­si l’X en présence de toute la pro­mo­tion réu­nie en grand uni­forme, de façon très solen­nelle mais aus­si très émouvante.”

L’ENCADREMENT MILITAIRE

L’im­por­tance du groupe
Les chefs de sec­tion appor­tent aux élèves leur expéri­ence du com­man­de­ment, où l’aspect humain est pri­mor­dial. Et c’est cet aspect que met en avant le major Mario Dode­man, chef de sec­tion hand­ball de la pro­mo­tion 2007. ” Bien sûr, nous enseignons à nos élèves l’or­dre ser­ré, nous défilons avec eux le 14 Juil­let, mais c’est surtout pour les aider que nous nous investis­sons. Nous leur appor­tons notre vécu et notre recul car nous avons l’habi­tude de tra­vailler avec des jeunes dans les armées. Notre rôle est de les met­tre dans les meilleures con­di­tions pos­si­bles pour les cours, d’être à leur écoute, de les aider dans leur vie quo­ti­di­enne, mais aus­si de leur rap­pel­er le savoir-vivre. Nous leur enseignons surtout l’im­por­tance du col­lec­tif, du groupe dans lequel cha­cun a sa place pour con­stru­ire ensem­ble. Nous sommes une son­nette d’alarme entre le corps pro­fes­so­ral et l’élève, un con­fi­dent parfois. ”

Cadres référents pour les élèves, les com­man­dants de com­pag­nie demeurent un pili­er de l’en­cadrement de con­tact. Par une con­nais­sance appro­fondie et indi­vidu­elle des élèves que seuls les chefs de sec­tion parta­gent, ils leur trans­met­tent des valeurs qui leur servi­ront à l’avenir et doivent être un exem­ple de management.

Un triple rôle

Le rôle d’un com­man­dant d’u­nité est triple : encadrement, édu­ca­tion et for­ma­tion. Encadrement et édu­ca­tion tout d’abord. Le sport, les activ­ités extrasco­laires, les voy­ages de sec­tion sont des moyens de con­naître ses élèves en tant que chef. Leurs points forts et à amélior­er sont dis­cutés et leur com­porte­ment noté par le com­man­dant d’u­nité qui par­ticipe active­ment aus­si à cer­tains jurys (Les enrichissants Pro­jets sci­en­tifiques col­lec­tifs, jury de pas­sage, etc.).

For­ma­tion ensuite. Le com­man­dant par­ticipe entre autres à la for­ma­tion en communication.

Les 114 sou­te­nances de stage de con­tacts humains du chef de batail­lon Alexan­dre Gand sont à l’év­i­dence autant de débrief­in­gs qui servi­ront aux élèves pour présen­ter et défendre leur point de vue dans leur future car­rière mais pas seule­ment. En effet, les sou­te­nances oblig­ent aus­si les élèves à se livr­er, à s’ex­pos­er à la cri­tique, à démon­tr­er leurs capac­ités à tir­er des enseigne­ments d’un stage. ” Cela demande un investisse­ment per­son­nel par­ti­c­ulière­ment important.

Les élèves peu­vent en effet avoir l’e­sprit cri­tique bien dévelop­pé ! “, explique le com­man­dant Gand. “Nous assurons par ailleurs un suivi per­son­nal­isé des élèves avec une atten­tion par­ti­c­ulière pour les inter­na­tionaux de par notre prox­im­ité privilégiée.”

” L’en­cadrement mil­i­taire a le gros avan­tage de ne pas compter ses heures et d’être présent sur site pour le moin­dre prob­lème. Les élèves poly­tech­ni­ciens ont une chance immense. ”

Présentation au drapeau

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