La fonction cachée de la monnaie face aux charges assises sur l’activité des entreprises

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°529 Novembre 1997Par : Maurice Lauré (36)

À mesure que les marchan­dis­es s’élaborent dans le cir­cuit de la pro­duc­tion, leurs prix trans­portent d’entreprise en entre­prise une véri­ta­ble infor­ma­tion sur le total des efforts mis en œuvre jusque-là pour les pro­duire. Ain­si la mon­naie rem­plit une fonc­tion d’infor­ma­tion séquen­tielle qui, dans une économie en divi­sion du tra­vail, per­met, par le jeu des intérêts de cha­cun, d’optimiser la pro­duc­tiv­ité. Mais pour que ce mécan­isme fonc­tionne effi­cace­ment, il est indis­pens­able qu’aucun prélève­ment oblig­a­toire assis sur l’activité des entre­pris­es en train de pro­duire ne risque de déformer, les unes par rap­port aux autres, les infor­ma­tions ain­si transmises.

Mau­rice Lau­ré mon­tre qu’il n’est pos­si­ble de porter des juge­ments sur les qual­ités et les défauts des dif­férents types de prélève­ments à cet égard qu’en raison­nant sur l’ensemble de l’économie du pays, con­sid­érée comme une vaste entre­prise inté­grée dont les véri­ta­bles entre­pris­es seraient les ate­liers, dotés de l’autonomie de ges­tion, cha­cun n’étant respon­s­able que de son pro­pre prof­it. Il parvient ain­si à une série de con­stata­tions sur la nature, l’importance et les con­séquences économiques des défor­ma­tions que causent les prélève­ments sur la pro­duc­tion selon la nature des com­posantes des coûts de revient retenues pour leur assiette.

Dans toutes ces con­stata­tions, un phénomène domine : lorsque les entre­pris­es doivent vers­er un prélève­ment sur la pro­duc­tion en cours, sans être aus­sitôt rem­boursées (à la manière des déduc­tions de la TVA), elles sont con­traintes d’augmenter leur appel à l’épargne, afin de “ porter ” l’impôt jusqu’au moment où le pro­duit est acquis par un consommateur.

Il en résulte :

– un besoin exces­sif d’épargne, à égal niveau de production ;
– un sur­coût stérile, qui érode le niveau de vie ;
– un gon­fle­ment des rémunéra­tions du cap­i­tal en com­para­i­son de celles du travail.

Le bon sens explique ce phénomène par le fait que tous les clients du secteur pro­duc­tif (les col­lec­tiv­ités publiques et les par­ti­c­uliers) n’achètent, tant pour inve­stir que pour con­som­mer, que des pro­duits dont la fab­ri­ca­tion est achevée. Par con­séquent, si des fab­ri­ca­tions en cours sont taxées, le secteur pro­duc­tif (con­sid­éré dans son ensem­ble) ne peut pas acquit­ter l’impôt en ven­dant à qui que ce soit une par­tie de ces fab­ri­ca­tions soumis­es à prélève­ment. Il doit faire appel à davan­tage d’épargne.

En France pour le seul secteur du loge­ment le mon­tant d’épargne inutile­ment investi est de l’ordre de 2 000 mil­liards (prin­ci­pale­ment du fait d’un régime fis­cal non cohérent avec le principe général de la TVA).

Il y a égale­ment place pour le bon sens dans la manière d’évaluer la pres­sion fis­cale. La prin­ci­pale anom­alie de l’indice couram­ment util­isé (indice dont le dénom­i­na­teur est le PIB tout entier) est que sa valeur 100 cor­re­spondrait à la sit­u­a­tion d’un pays en économie de guerre où la total­ité des sommes habituelle­ment util­isées à con­som­mer et inve­stir serait prélevée pour ali­menter la bataille. Dans cette sit­u­a­tion, l’entretien du poten­tiel de pro­duc­tion ne pour­rait être assuré que par endet­te­ment crois­sant auprès de l’étranger. Le dénom­i­na­teur de l’indice est donc forte­ment sur­di­men­sion­né : il ajoute implicite­ment aux ressources du pays d’autres impor­tantes ressources, puisées à l’étranger.

Un indice 100 rationnel serait celui cor­re­spon­dant à une esti­ma­tion où l’État prélèverait la total­ité de ce que l’économie n’affecte pas au rem­place­ment et à la crois­sance nor­male des équipements pro­duc­tifs. La pop­u­la­tion demeur­erait privée de tout poten­tiel de con­som­ma­tion ou d’achat de biens à usage per­son­nel : l’État devrait assur­er la survie des habi­tants par la dis­tri­b­u­tion de rations ali­men­taires et l’octroi de bil­lets de loge­ment. Toute­fois l’autonomie du pays ne serait pas men­acée par un endet­te­ment for­cé­ment crois­sant à l’égard de l’étranger. Une telle base de référence cor­re­spond dès lors, à coup sûr, à la plus extrême rigueur. Or sur cette base, et en har­mon­isant la répar­ti­tion des charges entre dépens­es privées et dépens­es publiques de même nature, l’indice de la pres­sion fis­cale pour 1993 aurait dépassé 61 %, alors que l’indice couram­ment util­isé n’a accusé que 44%.

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