Laboratoire Ksilink

Accélérer et dérisquer la mise sur le marché de nouvelles thérapies grâce aux modèles cellulaires issus de patients

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°793 Mars 2024
Par Antoine de LACOMBE

Avec ses modèles cel­lu­laires humains reflé­tant des mala­dies in vitro, Ksi­link s’attaque aux prin­ci­paux défis en matière de déve­lop­pe­ment de nou­veaux médi­ca­ments : réduire le risque d’échec en phase cli­nique et accé­lé­rer la mise sur le mar­ché de nou­velles thé­ra­pies effi­caces. Antoine de Lacombe, direc­teur géné­ral de la bio­tech Ksi­link, nous en dit plus. 

Ksilink développe des modèles cellulaires issus de patients au service du drug discovery. Dites-nous en plus sur votre positionnement. 

Pour iden­ti­fier de nou­velles molé­cules thé­ra­peu­tiques, les labo­ra­toires s’appuient encore sur des essais in vitro et sur des modèles ani­maux peu repré­sen­ta­tifs de la réa­li­té humaine. Il en résulte de nom­breux et coû­teux échecs en phase cli­nique où ces molé­cules finissent par révé­ler leur manque d’efficacité.

Ksi­link a pour ambi­tion de révo­lu­tion­ner l’approche tra­di­tion­nelle du drug dis­co­ve­ry grâce aux modèles cel­lu­laires humains déve­lop­pés à par­tir de cel­lules de patients. 

Cher­cheurs, cli­ni­ciens, et indus­triels se sont unis en 2015 pour créer Ksi­link en pla­çant le patient au centre de ses pro­grammes de recherche. Ce par­te­na­riat public-pri­vé, lar­ge­ment sou­te­nu par le Pro­gramme d’Investissement d’Avenir, par Sano­fi, et par l’Inserm, peut être une grande fier­té pour la France qui a ain­si pro­pul­sé une bio­tech en tête du déve­lop­pe­ment d’outils trans­la­tion­nels pour la méde­cine de précision.

Votre approche innovante ouvre de nouvelles perspectives en matière de développement de médicaments. Comment ? 

Ksi­link offre la rup­ture d’avec le monde d’avant où trop de molé­cules ont été déve­lop­pées et finan­cées pour fina­le­ment échouer en phase cli­nique. Selon une étude, 48% des pro­jets échouent en phase 2 par manque d’efficacité, et encore 55% en phase 3 – tou­jours par manque d’efficacité. A ce stade, ce sont plu­sieurs cen­taines de mil­lions d’euros qui ont déjà été inves­tis… L’industrie phar­ma est loin du ‘fail fast, fail cheap’ !

Les modèles cel­lu­laires issus de patients déve­lop­pés par Ksi­link apportent une preuve de concept sur l’homme bien plus en amont dans la chaîne de valeur. Ksi­link auto­ma­tise et fonc­tion­na­lise ses modèles de mala­dies humains de façon à iden­ti­fier les molé­cules qui cor­rigent effec­ti­ve­ment le phé­no­type des cel­lules malades vers un phé­no­type sain.

“Les modèles cellulaires issus de patients développés par Ksilink apportent une preuve de concept sur l’homme bien plus en amont dans la chaîne de valeur.”

Notre tech­no­lo­gie répond donc à l’une des pro­blé­ma­tiques clés de l’industrie phar­ma­ceu­tique : réduire le taux d’échec en phase cli­nique et les pertes finan­cières associées. 

Notre approche contri­bue par ailleurs à relan­cer la recherche dans des aires thé­ra­peu­tiques consi­dé­rées comme ris­quées et qui ont été délais­sées suite à des échecs coû­teux comme c’est le cas pour les mala­dies du muscle car­diaque ou du sys­tème ner­veux cen­tral. Au-delà, il s’agit aus­si de redon­ner confiance aux indus­triels et aux inves­tis­seurs afin de relan­cer des pro­grammes et des essais cliniques. 

Pour les maladies cardiaques ou neurologiques, il n’est pas possible de faire de prélèvements de cellules humaines. Comment relevez-vous ce défi sur le plan technologique ? 

Il n’est en effet pas pos­sible de pré­le­ver des cel­lules vivantes du cœur ou du cer­veau. Pour éla­bo­rer nos modèles car­diaques, par exemple, nous assem­blons des tech­no­lo­gies de pointe dans le domaine de l’ingénierie cel­lu­laire. La repro­gram­ma­tion cel­lu­laire per­met de fabri­quer des cel­lules souches plu­ri­po­tentes à par­tir d’un pré­lè­ve­ment de sang ou de peau du patient, pour les dif­fé­ren­cier ensuite en cel­lules car­diaques. En paral­lèle, les « ciseaux géné­tiques » CRIS­PR-Cas9 per­mettent d’obtenir des cel­lules malades et saines d’un même patient, après cor­rec­tion géné­tique. Enfin, le cri­blage phé­no­ty­pique à haut débit génère une quan­ti­té d’images que l’intelligence arti­fi­cielle exploite pour accroître la qua­li­té de nos modèles et pour fil­trer les meilleures molé­cules, can­di­dats pour de nou­veaux médi­ca­ments. L’IA ana­lyse des mil­liers de para­mètres cel­lu­laires pour dis­tin­guer par­fai­te­ment entre un phé­no­type de cel­lule malade ou saine. 

Si notre approche implique un inves­tis­se­ment supé­rieur dans les phases amont, ce sur­coût reste une goutte d’eau face aux inves­tis­se­ments pos­té­rieurs ! L’utilisation de nos modèles dérisque la recherche. 

Vous avez, par ailleurs, de nombreux programmes en cours de développement…

Nous menons des pro­jets de déve­lop­pe­ment de petites molé­cules mais aus­si de bio­thé­ra­pies, un des prin­ci­paux piliers du pro­gramme France2030, et très syner­gique des approches phénotypiques.

Ksi­link entend trou­ver des molé­cules pour des mala­dies actuel­le­ment sans traitement.

“Ksilink entend trouver des molécules pour des maladies actuellement sans traitement. Quatre projets ont été priorisés, avec pour chacun un plan de développement jusqu’en clinique.”

Quatre pro­jets ont été prio­ri­sés, avec pour cha­cun un plan de déve­lop­pe­ment jusqu’en clinique :

  • La car­dio­myo­pa­thie dila­tée est une mala­die car­diaque dra­ma­tique avec un espoir de sur­vie limi­té à 5 ans. 
  • La dys­tro­phie myo­to­nique de type 1 est une autre mala­die neu­ro­mus­cu­laire rare et à l’issue fatale. 
  • Le syn­drome Phe­lan-McDer­mid, forme rare de l’autisme, offre une porte d’entrée pour ouvrir lar­ge­ment sur l’ensemble des mala­dies liées aux dys­fonc­tion­ne­ments des synapses. 
  • Enfin, la mala­die de Char­cot, que le grand public connaît au tra­vers de témoi­gnages per­son­nels assez média­ti­sés, est un pro­jet démar­ré en 2023, qui béné­fi­cie de l’expérience acquise par notre équipe, et qui pro­gresse rapidement. 

Nos équipes sont en effet désor­mais bien aguer­ries à la conduite de ces pro­jets com­plexes, où il faut assem­bler des tech­no­lo­gies, coor­don­ner de mul­tiples par­te­naires… Enfin, nous déve­lop­pons une pla­te­forme de pro­fi­lage de cel­lules de la micro­glie, pour ren­for­cer notre com­pré­hen­sion pour ces cel­lules dans des mala­dies du sys­tème ner­veux central.

Quelles sont les prochaines étapes pour Ksilink dont la technologie est aujourd’hui reconnue des acteurs du marché de la pharmaceutique ?

Je pense que notre tech­no­lo­gie va s’imposer jusqu’à deve­nir incon­tour­nable pour ini­tier des essais cli­niques. Est-il encore rai­son­nable d’engager de tels inves­tis­se­ments dans la cli­nique sans avoir préa­la­ble­ment tes­té l’efficacité des can­di­dats médi­ca­ments dans des modèles humains prédictifs ?

Pour Ksi­link, l’enjeu est de valo­ri­ser son pipe­line pour mener les molé­cules que nous avons iden­ti­fiées jusqu’en phase cli­nique, pour ensuite les licen­cier à des indus­triels et démar­rer de nou­veaux pro­grammes, ou pour créer des socié­tés dédiées – comme nous l’avons déjà fait pour la car­dio­myo­pa­thie – et d’avancer, pour­quoi pas, jusqu’à la mise sur le mar­ché du trai­te­ment. 

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