Jacques Lévy (24), Claude Brunschwig (43) et Hommage à nos camarades morts en déportation

Dossier : ExpressionsMagazine N°527 Septembre 1997

Jacques Lévy (24), décédé le 2 juin 1997

Lors des obsèques de Jacques Lévy (24) le 6 juin 1997 au cimetière de Mont­par­nasse, Hervé Roy, con­trôleur général des Armées (CR), ancien con­trôleur général de la Coface, a pronon­cé une allo­cu­tion dont nous repro­duisons ci-après un extrait.

Il est impos­si­ble de citer toutes les étapes, tou­jours bril­lantes, tou­jours pro­fondé­ment humaines de votre car­rière recon­nues par votre nom­i­na­tion au grade de Com­man­deur de la Légion d’hon­neur. Il serait cepen­dant impens­able de ne pas soulign­er deux d’en­tre elles.

Ingénieur des man­u­fac­tures de l’É­tat, offici­er de réserve d’ar­tillerie, un grave accroc de san­té vous fit réformer par l’Ar­mée. Nous ne savons de quelle manière vous réussîtes à gom­mer cet obsta­cle, tou­jours est-il qu’Al­sa­cien-Lor­rain, vis­cérale­ment patri­ote, vous pre­niez, sur le front en sep­tem­bre 1939, le com­man­de­ment d’une bat­terie d’ar­tillerie lourde.

Après la guerre, vous créez la Com­pag­nie française d’as­sur­ances pour le com­merce extérieur. Vous en faites un édi­fice vaste et solide, d’une util­ité essen­tielle pour le développe­ment de nos expor­ta­tions, édi­fice auquel M. François David, actuel prési­dent de la Coface, a su adjoin­dre d’im­por­tants satel­lites en Europe et en Amérique latine.

Cher Prési­dent, vous venez de nous quit­ter. Mais là où vous vous êtes trans­porté, poly­tech­ni­cien comme vous, le général Lucien Lévy votre père, qui s’é­tait illus­tré sur le front d’Ori­ent à la fin de la Grande Guerre, vous a accueil­li accom­pa­g­né de tous vos proches et très par­ti­c­ulière­ment de ceux et de celles de votre famille et de vos amis qui, vic­times des bar­bares, périrent dans les geôles, dans les trains et dans les camps de la déportation.

Jacques Lévy, jamais ne vous oublierons.

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Claude Brunschwig (43)

L’an­nu­aire com­porte les noms de quelques cama­rades indis­cutable­ment recon­nus poly­tech­ni­ciens qui, reçus au con­cours entre 1940 et 1945 mais tués au com­bat ou morts en dépor­ta­tion, n’ont jamais rejoint l’École.

Claude Brun­schwig, Français né le 18 novem­bre 1924 à Brux­elles, reçu en 1943 provenant de la taupe de Greno­ble après avoir été à Paris un bril­lant élève au lycée Jan­son, mort en dépor­ta­tion, n’é­tait pas même de ceux-là : son exis­tence n’a été retrou­vée que récem­ment. Il nous appar­tient d’es­say­er de combler un si long silence en faisant, plus de cinquante ans plus tard, oeu­vre de mémoire.

Le Jour­nal Offi­ciel de l’É­tat français du 4 sep­tem­bre 1943 l’at­teste : Claude André Mar­tial Brun­schwig est porté, avec le numéro 232 bis, sur la “liste des can­di­dats israélites et des can­di­dats français non orig­i­naires israélites admis en qual­ité d’élèves bis”. Il est le dernier sur cette liste car celui qui le suiv­ait en avait été exclu comme en dehors du “numerus clausus” qui lim­i­tait le nom­bre d’élèves “ayant recon­nu être juifs ? à trois pour cent du total des élèves de la caté­gorie “nor­male”.

Et, on le retrou­ve sur plusieurs doc­u­ments offi­ciels de l’époque à l’É­cole. Il y a été imma­triculé sous numéro 926.

Mais, après deux ans et demi passés à Lyon, l’É­cole était ren­trée à Paris en mars 1943. Sa direc­tion avait alors décidé de laiss­er les élèves juifs en zone Sud, ex-zone “libre”. C’est à son adresse à Manosque que l’É­cole lui écrit le 23 sep­tem­bre 1943 et lui expédiera les feuilles de cours que les élèves de la caté­gorie “nor­male”, nés comme lui après le 1er jan­vi­er 1923 et de ce fait non encore soumis au Ser­vice du Tra­vail Oblig­a­toire, vont suiv­re à Paris.

En novem­bre 1944, dans une let­tre au min­istre de la Guerre por­tant sur la ren­trée à l’É­cole, le général Decharme, com­man­dant l’É­cole, fait état de trois élèves qui n’ont pas rejoint l’É­cole, dont “l’élève Brun­schwig déporté en Alle­magne avec sa famille” ce qu’il avait appris peu de temps avant par un oncle de Brun­schwig, Mon­sieur A. Schmann, à qui il écrit : “il s’ag­it là d’une sit­u­a­tion atroce et ce drame paraît d’un autre âge. Soyez assuré que l’É­cole n’ou­blie pas ceux de ses élèves dont la vie a été par­ti­c­ulière­ment boulever­sée au cours de ces dernières années et dont nous espérons tous le prompt retour.”

Ce retour n’au­ra pas lieu. Claude Brun­schwig ne se présen­tera pas à l’É­cole en 1945 et son sou­venir va s’effacer…

Mais cinquante ans après, quelques-uns de nos cama­rades dont Bernard Lévi (41), qui a redé­cou­vert et éclairé sa trace et Robert Deneri (43), un de ceux qui sont revenus des camps de déportés, le tirent de l’ou­bli. À la suite de l’armistice signé par le maréchal Badoglio, les occu­pants alle­mands avaient suc­cédé à Manosque aux ital­iens et Claude Brun­schwig a été arrêté, interné à Greno­ble, puis à Dran­cy et déporté avec ses par­ents et un de ses frères le 13 avril 1944 vers Auschwitz dans le con­voi n° 71. Le “Mémo­r­i­al de la Dépor­ta­tion des Juifs de France” établi par Serge Klars­feld donne son nom dans la liste des 1 500 déportés, hommes, femmes et enfants, de ce con­voi dont fai­saient par­tie des enfants d’Izieu et Simone Jacob, qui n’é­tait pas encore Simone Weil, l’une des plus jeunes rescapées de la dépor­ta­tion de France

. Son autre frère, com­bat­tant du Ver­cors, a dis­paru après avoir échap­pé au mas­sacre de la grotte de la Luire. Se sub­sti­tu­ant à sa famille ain­si dis­parue, l’A.X. a entre­pris des démarch­es auprès du Min­istère des Anciens com­bat­tants et vic­times de Guerre visant à faire attribuer à Claude Brun­schwig, dont l’acte de dis­pari­tion a été établi le 16 avril 1947, les men­tions Mort en Dépor­ta­tion et Mort pour la France.

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HOMMAGE A NOS CAMARADES MORTS EN DEPORTATIONS

Dans la livrai­son d’août-sep­tem­bre 1995 de La Jaune et la Rouge fig­u­rait le compte ren­du de la céré­monie à la mémoire de nos cama­rades Morts pour la France en dépor­ta­tion, qui s’est tenue à l’É­cole le 19 juin 1995, avec une liste de 58 noms de cama­rades. Nous men­tion­nions que cette liste était hélas ! cer­taine­ment incom­plète, cer­tains noms ne nous ayant pas été com­mu­niqués, d’autres cama­rades étant seule­ment qual­i­fiés de “dis­parus”, d’autres enfin, étant restés inconnus.

Nous pou­vons ajouter aujour­d’hui sur cette liste les noms de trois de nos camarades :
— Jean BAUDOUIN (1913),
— Hen­ri Lang (1913),
— Claude Brun­schwig (1943).

Le nom de Roger MASSE (1904) était mal orthographié.

Bernard TAILLEFER (1935) n’est pas mort en dépor­ta­tion, mais en France à son retour de captivité.

La liste ain­si com­plétée et rec­ti­fiée n’en reste pas moins prob­a­ble­ment incom­plète. Mais l’A.X. estime pou­voir aujour­d’hui remet­tre le dossier des cama­rades morts en dépor­ta­tion au Ser­vice des archives de la Bib­lio­thèque de l’É­cole, à qui toute infor­ma­tion com­plé­men­taire sera bien enten­du transmise.

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