Innover pour la transition énergétique

Innover pour la transition énergétique

Dossier : Trend-XMagazine N°740 Décembre 2018
Par Serge CHANCHOLE
Par Philippe CORDIER (99)
Par Cyril COLIN (2011)
L’initiative Trend‑X ne se limite pas à l’École polytechnique. Celle-ci multiplie les partenariats avec des acteurs de toute taille – de la start-up aux grands groupes afin de développer un tissu d’innovation porteur de compétitivité.

En trois ans, ce sont près de 50 entre­pris­es qui ont été accélérées ou incubées au sein du cen­tre d’innovation de l’École poly­tech­nique La Fibre Entre­pre­neur Drahi‑X Nova­tion Cen­ter. Toutes les entre­pris­es accom­pa­g­nées por­tent des pro­jets à forte dimen­sion tech­nologique, vecteurs des révo­lu­tions tech­nologiques des marchés d’aujourd’hui et créa­teurs des rup­tures inno­vantes de demain.


REPÈRES

Entre 2009 et 2015, la com­mu­nauté inter­na­tionale s’est accordée sur l’objectif de lim­iter le réchauf­fe­ment cli­ma­tique à 2 °C, ce qui cor­re­spond au scé­nario le plus opti­miste. Réus­sir ce défi colos­sal passe par une mod­i­fi­ca­tion rad­i­cale de nos com­porte­ments afin de con­tenir au max­i­mum nos émis­sions de gaz à effet de serre. Le développe­ment et le déploiement mas­sif des tech­nolo­gies « bas car­bone » et des éner­gies renou­ve­lables seront néces­saires pour y arriver.


Des innovations concrètes

Accen­ta est un acteur de rup­ture qui pro­pose une solu­tion inno­vante pour le stock­age de l’énergie solaire générée par les bâti­ments, max­imisant ain­si leur autonomie énergé­tique grâce à l’amélioration des per­for­mances d’autoproduction et d’autoconsommation. Cette solu­tion opti­mise la per­for­mance à la fois énergé­tique et envi­ron­nemen­tale des bâti­ments, grâce à une réduc­tion sig­ni­fica­tive de leurs émis­sions de CO2 (-70 % d’émissions de CO2 sur la durée de vie d’exploitation d’un bâtiment).

Dans le secteur du stock­age d’énergie, les bat­ter­ies Zini­um zinc-air met­tent en œuvre une nou­velle tech­nolo­gie du stock­age, qui s’appuie sur les réal­i­sa­tions du lab­o­ra­toire élec­trochim­ique d’EDF et un sys­tème élec­tron­ique embar­qué pour la ges­tion de la bat­terie faisant de la bat­terie Zini­um une bat­terie con­nec­tée nativement.

Enfin, Spinal­Com a dévelop­pé une tech­nolo­gie per­me­t­tant de révo­lu­tion­ner la ges­tion des don­nées et d’interconnecter des objets (cap­teurs, action­neurs, appli­ca­tions, base de don­nées, ana­lyt­ics…) hétérogènes sur des micro­ma­chines comme des rou­teurs, box… En col­lab­o­ra­tion avec Trend‑X, Spinal­Com par­ticipe au pro­jet de démon­stra­teur bâti­ment intel­li­gent asso­cié au Drahi‑X Nova­tion Center.

Le rôle irremplaçable des grands groupes

Dans cette mas­si­fi­ca­tion, les grands groupes ont un rôle clé à jouer sur 3 axes majeurs : le cap­tage, le stock­age et la ges­tion des énergies.

En 2016, le groupe Total a décidé d’intégrer le cli­mat à sa stratégie d’entreprise et de faire évoluer son mod­èle pour devenir un four­nisseur d’énergie avec l’ambition d’être la major de l’énergie respon­s­able pour répon­dre au scé­nario 2 °C de la COP 21. Cela l’a amené à créer une nou­velle branche d’activité et une nou­velle organ­i­sa­tion de R & D avec la mise en place de pro­grammes de recherche trans­vers­es. Cela a per­mis de met­tre en place rapi­de­ment des pro­jets de recherche et d’innovation.

Mieux capter, mieux stocker et mieux gérer l’énergie

La chaire mise en place pour cinq ans avec l’aide de Total dans le cadre de l’initiative Trend‑X abor­dera les 3 axes précédem­ment cités : mieux capter l’énergie, mieux la stock­er et mieux la gér­er. Dans le pre­mier axe, l’objectif est d’évaluer la per­for­mance de pan­neaux solaires en con­di­tions réelles, mais avec une con­nais­sance plus fine des con­di­tions atmo­sphériques grâce au Site instru­men­tal de recherche par télédé­tec­tion atmo­sphérique (Sir­ta), un des dix obser­va­toires atmo­sphériques mon­di­aux. Tout cela, afin de per­me­t­tre la mise au point de solu­tions d’optimisation de la pro­duc­tion pho­to­voltaïque. Ces travaux vien­nent com­pléter les travaux de recherche engagés avec l’Institut pho­to­voltaïque d’Île-de-France (IPVF) por­tant aujourd’hui sur les matéri­aux pour répon­dre au défi du 30/30/30 (ren­de­ment de cel­lule > 30 %, pour un prix < 30 c$/Wc à l’horizon 2030) dont l’ambition devrait être revue à la hausse pour rester dans la course.

Développer les capacités de stockage

En matière de capac­ités de stock­age, une pre­mière par­tie se portera tout naturelle­ment sur la voie élec­trochim­ique en com­plé­ment des travaux menés par Saft sur les prochaines généra­tions de bat­ter­ies, notam­ment la bat­terie tout solide. La sec­onde par­tie portera sur le stock­age ther­mochim­ique. Pour obtenir des den­sités énergé­tiques élevées, le stock­age sous forme de poten­tiel chim­ique est le plus promet­teur avec plusieurs cen­taines de kWh/m3, soit le même ordre de grandeur que celui d’une bat­terie. Cette forme de stock­age aujourd’hui peu répan­due affiche un excel­lent rap­port den­sité énergétique/coût et un nom­bre de cycle charge/décharge plus élevé que celui des bat­ter­ies. L’objectif de la chaire est de réalis­er un sys­tème com­plet afin d’accéder aux don­nées expéri­men­tales de per­for­mance réelle.

Mieux gérer les bâtiments

Dernier axe majeur de la col­lab­o­ra­tion, la ges­tion énergé­tique des bâti­ments qui représente 44 % de la con­som­ma­tion énergé­tique française. L’objectif sera de mod­élis­er le fonc­tion­nement de sys­tèmes com­plex­es que sont les bâti­ments au tra­vers de la pro­duc­tion, du stock­age et de la con­som­ma­tion énergé­tique, afin de dévelop­per des bâti­ments intel­li­gents de deux­ième généra­tion prenant en compte les usages de ses habi­tants. Pour ce faire, au-delà des algo­rithmes de prévi­sion et de ges­tion qui seront mis en place dans des bâti­ments ter­ti­aires (Drahi‑X Nova­tion Cen­ter, Sir­ta) comme dans des bâti­ments d’habitation (Bach­e­lor Hall de l’École), nous mènerons un pre­mier pilote d’autoconsommation sur les 500 loge­ments du Bach­e­lor Hall de l’École pour tester dif­férentes approches d’incitation (nudge) visant à ajuster la con­som­ma­tion à la pro­duc­tion. Pour y arriv­er, il fau­dra être capa­ble de pren­dre en compte les habi­tudes des habi­tants, c’est-à-dire de com­pren­dre et de mod­élis­er le com­porte­ment humain, remon­ter en temps réel les don­nées cap­teurs pour prédire au mieux ce que pour­rait être la con­som­ma­tion, et l’optimiser grâce des algo­rithmes d’intelligence arti­fi­cielle per­for­mants agis­sant en temps réel et per­me­t­tant une ges­tion plus intel­li­gente des bâtiments.

Le groupe Total a l’ambition d’être la major de l’énergie respon­s­able. © BremecR

Fédérer scientifiques et industriels

Relever le défi cli­ma­tique néces­site de fédér­er la com­mu­nauté sci­en­tifique et les acteurs indus­triels autour des défis tech­nologiques majeurs où cha­cun a son rôle à jouer. Tout d’abord les uni­ver­sités et les lab­o­ra­toires de recherche grâce à leurs travaux à la fois fon­da­men­taux et appliqués qui per­me­t­tent d’assurer un flux de tech­nolo­gies qui arriveront sur le marché à court et long ter­mes. Ensuite les start-up et leur capac­ité à innover rapi­de­ment en dehors des cadres soit sur un pro­duit, un ser­vice, une plate­forme… Et enfin les grands groupes, car assem­bler toutes les briques tech­nologiques néces­saires à l’avènement de ce nou­veau mod­èle de société relève d’un dou­ble défi cap­i­tal­is­tique et d’intégration, d’une con­nais­sance des con­textes mon­di­aux et d’une syn­ergie avec les usagers, glob­al­ité que seuls les grands groupes de l’énergie peu­vent amener.

Une innovation ouverte et agile

La clé de la réus­site réside dans l’innovation : approche ouverte et agile, embrass­er les dif­férents hori­zons de temps, inté­gr­er des com­pé­tences mul­ti­ples, expéri­men­ta­tions rapi­des à grande échelle, génér­er de la con­nais­sance à par­tir des don­nées, tester de nou­veaux busi­ness mod­els

Réus­sir le défi cli­ma­tique tout en répon­dant aux besoins crois­sants d’énergie dans le monde est d’ores et déjà une course con­tre la mon­tre. Il faut donc d’emblée con­sid­ér­er la R & D & I — recherche, développe­ment et inno­va­tion — avec une approche ouverte et agile. L’objectif sera de col­la­bor­er, partager, s’intégrer avec les acteurs clés — uni­ver­sités, start-up ou grands groupes — afin de stim­uler les écosys­tèmes de recherche et d’innovation pour met­tre au point des nou­velles tech­nolo­gies, qu’elles soient incré­men­tales ou de rup­ture, dimin­uer le time-to-mar­ket des dif­férentes tech­nolo­gies en prenant en compte l’évolution des attentes de nos sociétés.

Nouveaux business models

Enfin et surtout, pour assur­er la péren­nité de l’ensemble, il va fal­loir inven­ter de nou­veaux busi­ness mod­els à même de délivr­er des solu­tions énergé­tiques respon­s­ables à des coûts abor­d­ables. C’est la con­di­tion néces­saire pour jus­ti­fi­er les investisse­ments et ampli­fi­er les efforts de recherche et d’innovation. Ces busi­ness mod­els devront en sus être flex­i­bles pour s’ajuster à des con­textes régle­men­taires pou­vant évoluer rapi­de­ment et dif­fér­er d’un pays à un autre.

Comme l’écrit le 5e rap­port du Giec : « L’influence de l’homme sur le sys­tème cli­ma­tique est claire et en aug­men­ta­tion, avec des inci­dences observées sur tous les con­ti­nents. Si on ne les maîtrise pas, les change­ments cli­ma­tiques vont accroître le risque de con­séquences graves, général­isées et irréversibles pour l’être humain et les écosys­tèmes. » C’est donc une mag­nifique oppor­tu­nité de se mobilis­er tout de suite pour innover, voie dans laque­lle le groupe Total et ses parte­naires sont engagés avec entrain, en ouvrant tout grand la porte à toutes celles et à tous ceux que les défis plané­taires comme l’énergie, l’environnement et le cli­mat motivent !

Elum Ener­gy développe une tech­nolo­gie de « pilotage automa­tique » de cen­trales de pro­duc­tion solaire cou­plées à des sys­tèmes de stock­age d’énergie. © Jason

L’innovation au sein d’une start-up

De par le car­ac­tère inter­mit­tent inhérent aux éner­gies renou­ve­lables, le stock­age d’énergie sous forme de bat­ter­ies se développe rapi­de­ment sur de nom­breux secteurs et appli­ca­tions allant du secteur rési­den­tiel à des fins d’autoconsommation et d’indépendance énergé­tique au secteur indus­triel et com­mer­cial à des fins de réduc­tion des coûts et de sécu­rité d’approvisionnement. Sur le seul secteur du stock­age en amont comp­teur (pour des appli­ca­tions de ser­vices réseaux) une capac­ité instal­lée glob­ale de 14 GW est prévue d’ici à 2023. Le prin­ci­pal levi­er de cette rapi­de crois­sance est la con­jonc­tion d’une impor­tante baisse des coûts de pro­duc­tion des bat­ter­ies lithi­um-ion, avec une divi­sion par 5 des coûts au cours des cinq dernières années et d’une mon­tée en com­pé­tence des développeurs et instal­la­teurs de pro­jets pro­posant des con­trats de vente d’électricité (PPA – Pow­er Pur­chase Agree­ment) tou­jours plus compétitifs.

Dans ce con­texte, depuis la créa­tion de la société en 2016, Elum Ener­gy a une stratégie de crois­sance 100 % basée sur le déploiement des éner­gies renou­ve­lables. En par­ti­c­uli­er à tra­vers le développe­ment d’une tech­nolo­gie – l’Energy OS – de « pilotage automa­tique » de cen­trales de pro­duc­tion solaire cou­plées à des sys­tèmes de stock­age d’énergie. La tech­nolo­gie per­met de réduire les coûts opéra­tionnels de ces cen­trales tout en assur­ant une énergie de qual­ité et fiable. Cela per­met ain­si d’augmenter la rentabil­ité de ces sites de pro­duc­tion, favorisant l’intégration des renou­ve­lables au mix énergé­tique sur les réseaux inter­con­nec­tés et per­me­t­tant la créa­tion de réseaux isolés bas car­bone dans des zones plus reculées (îles, pays en développe­ment). L’Energy OS per­met de gér­er de mul­ti­ples con­fig­u­ra­tions d’utilisation du stock­age d’énergie : auto­con­som­ma­tion, résilience, ser­vices réseaux… de manière sim­ple et effi­cace pour les développeurs de projets.

“Revendiquer et promouvoir l’excellence
dans le domaine des énergies renouvelables”

S’appuyer sur la recherche

Afin d’ajouter tou­jours plus de fonc­tion­nal­ités inno­vantes à ses pro­duits per­me­t­tant de con­serv­er un avan­tage com­péti­tif, Elum Ener­gy est impliquée dans un pro­gramme de recherche avec Trend‑X, notam­ment grâce à un pro­gramme de recherche région­al (Fed­er) – por­tant sur la ges­tion intel­li­gente de l’approvisionnement et de la con­som­ma­tion énergé­tique des bâti­ments tertiaires.

Dans ce cadre, le pre­mier pro­jet d’envergure fut l’installation de cap­teurs énergé­tiques sur le Drahi‑X Nova­tion Cen­ter per­me­t­tant de mesur­er et visu­alis­er en temps réel la con­som­ma­tion par usage du bâti­ment. Cette pre­mière étape a per­mis de récolter les don­nées néces­saires à la sec­onde étape : la mod­éli­sa­tion et l’optimisation énergé­tique du bâti­ment en agis­sant sur les habi­tudes de con­som­ma­tion des occu­pants du bâti­ment afin d’en réduire la consommation.

Une fois la con­som­ma­tion du bâti­ment opti­misée, la troisième étape, cœur du pro­gramme de recherche Fed­er, con­sis­tera en l’installation d’un sys­tème de pro­duc­tion solaire cou­plé à une capac­ité de stock­age par bat­ter­ies per­me­t­tant l’optimisation de la pro­duc­tion énergé­tique du bâti­ment. La tech­nolo­gie de pilotage Elum y sera instal­lée et per­me­t­tra l’optimisation de l’autoconsommation du bâti­ment à tra­vers des algo­rithmes de prévi­sion de con­som­ma­tion et de ressource solaire cou­plés à des algo­rithmes d’optimisation énergétique.

Un tissu d’innovation riche

L’initiative Trend‑X cristallise ain­si tout l’engagement de l’École poly­tech­nique sur les sujets du change­ment cli­ma­tique ain­si que la volon­té de revendi­quer et pro­mou­voir l’excellence dans le domaine des éner­gies renou­ve­lables. Ces nom­breux pro­jets et parte­nar­i­ats qui voient le jour sur le cam­pus avec des struc­tures allant des jeunes pouss­es aux grands énergéti­ciens français per­me­t­tent de créer aujourd’hui un tis­su d’innovation source de la com­péti­tiv­ité indus­trielle de la fil­ière du renou­ve­lable français sur la décen­nie à venir.


Des compétences multiples

L’originalité du pro­gramme ini­tié par l’X réside dans la var­iété et l’intégration des com­pé­tences néces­saires à son suc­cès, cli­ma­tolo­gie, géo­sciences, matéri­aux, physic­ochimie, élec­trochimie, infor­ma­tique, math­é­ma­tiques appliquées, sci­ences des don­nées, sci­ences sociales, que seul Trend‑X est à même de fédérer.


Melting pot

Accélér­er le pas­sage de la recherche au déploiement mas­sif de solu­tions néces­sit­era aus­si des organ­i­sa­tions adap­tées qui per­me­t­tent de réu­nir har­monieuse­ment des hommes et des femmes for­mant un melt­ing pot de com­pé­tences bien plus divers qu’auparavant, allant de l’acceptabilité socié­tale au développeur infor­ma­tique et tech­nologique : ingénieurs, data sci­en­tists, tech­no­logues, cli­ma­to­logues, écon­o­mistes, soci­o­logues, anthro­po­logues, philosophes… sont par­tie prenante de ce défi inédit.

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