Industries nautiques : quarante ans de développement soutenu

Dossier : La passion de la merMagazine N°646 Juin 2009
Par Philippe FOURRIER

REPÈRES

REPÈRES
Le chiffre d’affaire de la filière nau­tique fran­çaise (5 mil­liards d’euros en 2007) repré­sente 30% de celui géné­ré par l’aéronautique civile fran­çaise. Plus de 45 000 per­sonnes tra­vaillent dans ce sec­teur. Au cours des quatre der­nières années, les indus­tries nau­tiques ont créé plus de dix mille emplois – mais elles font mieux que créer des emplois : elles les gardent. En effet, les emplois du nau­tisme ont mon­tré, depuis trente ans, une crois­sance régu­lière, et ce, mal­gré les dif­fé­rentes crises. Le chiffre d’affaires à l’export atteint désor­mais 70% (74% pour les voi­liers et 61% pour les bateaux à moteur).

L’in­dus­trie de la plai­sance est deve­nue en France un sec­teur très dyna­mique. Ce phé­no­mène a plu­sieurs causes : la très forte iden­ti­té interne à la filière nau­tique, l’ha­bi­le­té des socié­tés à gérer leurs pro­duc­tions entre mar­chés inté­rieurs et mar­chés étran­gers et la capa­ci­té à com­mer­cia­li­ser mon­dia­le­ment des pro­duits innovants.

La France est n° 1 mon­dial pour la pro­duc­tion de voiliers

Cette réus­site per­dure depuis près de qua­rante ans et l’on a ten­dance à oublier com­bien elle était ini­tia­le­ment impro­bable. Dans les années 1950, les lea­ders du mar­ché étaient bri­tan­niques et hol­lan­dais, avec des chan­tiers renom­més issus d’une longue tra­di­tion de yach­ting. Lorsque la construc­tion en plas­tique appa­rut au début des années 1960, ils l’a­da­ptèrent aux bateaux tra­di­tion­nels. Au contraire, les Fran­çais ada­ptèrent les bateaux aux exi­gences du plas­tique, comme ils l’a­vaient déjà fait dix ans plus tôt pour le contre­pla­qué avec le Vau­rien et le Cor­saire (entre autres). En 1964, la vic­toire de Tabar­ly dans la Tran­sat créa un choc média­tique… et l’on ven­dit en un an 74% de petits croi­seurs en plus. Tabar­ly conti­nuant sur sa lan­cée – il fut durant vingt ans le spor­tif fran­çais le plus popu­laire – la course au grand large devint une spé­cia­li­té française.


© Arcoa yachts


© Bene­teau

Avec la Route du Rhum et le Ven­dée Globe, un style unique de course-aven­ture se déve­lop­pa aux anti­podes de la régate autour de bouées. Les chan­tiers fran­çais, pro­fi­tant de leur lea­der­ship en voile, ont éga­le­ment su pro­fi­ter de leurs acquis tech­niques et de leur puis­sance pour déve­lop­per un sec­teur moto­nau­tique aujourd’­hui très pros­père. Désor­mais, la France est n° 1 mon­dial pour la pro­duc­tion de voi­liers, de pneu­ma­tiques et de maté­riel de glisse. Elle est n° 4 pour la pro­duc­tion de bateaux à moteur.

Une quête permanente de l’innovation

Der­rière ce suc­cès se trouve une recherche constante de l’in­no­va­tion. Il faut recon­naître que le nau­tisme fran­çais a tou­jours été curieux de solu­tions nou­velles, qu’il s’a­gisse de tes­ter le pre­mier bateau à moteur à explo­sion (1870), de faire cou­rir le pre­mier quillard à bulbe de lest au bout d’un aile­ron (1885), d’in­ven­ter le pre­mier hors-bord (1892) ou de construire les pre­mières coques moto­nau­tiques pla­nantes (1906) pour n’en citer que quelques-unes… L’in­no­va­tion est par­tie inté­grante de la plai­sance moderne. En 1972, le record de vitesse sur 500 m à la voile était de 26,3 noeuds, il est de 49,09 noeuds aujourd’­hui (et il est fran­çais). Le record en 24 heures était alors de 340 milles, il est de 794 milles (1470 km) aujourd’­hui (et éga­le­ment fran­çais). Depuis les « mâts ailes » en car­bone jus­qu’aux taquets esca­mo­tables de croi­seurs, l’in­no­va­tion pro­pulse depuis tou­jours les indus­tries nau­tiques françaises.

L’environnement, préoccupation majeure

Un label et un prix » écologiques »
La Fédé­ra­tion des indus­tries nau­tiques (FIN) a lan­cé en 2005 le label Bateau bleu, qui s’ap­plique aux bateaux et équi­pe­ments res­pec­tueux de l’en­vi­ron­ne­ment : plus de quatre mille uni­tés label­li­sées ont, depuis lors, été vendues.
Le Prix du Bateau bleu, pour sa part, est des­ti­né à encou­ra­ger la recherche et le déve­lop­pe­ment sur dif­fé­rents axes : les éco­no­mies d’éner­gie, la ges­tion de l’eau, la ges­tion des déchets ou l’é­co­con­cep­tion. Ce prix et la dyna­mique qu’il génère encou­ragent les fabri­cants à inté­grer le déve­lop­pe­ment durable dès la créa­tion des pro­duits. Enfin, la FIN s’est enga­gée depuis 2002 dans une réflexion sur la ques­tion du deve­nir des bateaux en fin de vie. L’As­so­cia­tion APER (Asso­cia­tion pour une plai­sance éco­res­pon­sable) a ain­si été créée en jan­vier 2009 à Caen la Mer, afin de mettre en place, puis déve­lop­per une filière orga­ni­sée de décons­truc­tion des bateaux de plai­sance hors d’usage.

La pre­mière moti­va­tion des plai­san­ciers- quel que soit leur type de bateau – est d’être plus près de la nature : l’en­vi­ron­ne­ment est l’es­sence même du nau­tisme. Une étude menée par la Confé­dé­ra­tion euro­péenne des indus­tries nau­tiques a démon­tré qu’en Europe la tota­li­té des acti­vi­tés nau­tiques géné­rait moins de 1% de la pol­lu­tion mari­time totale et seule­ment 0,56% de la pol­lu­tion par hydro­car­bures. Les émis­sions devraient encore dimi­nuer de quelque 70 % avec les moteurs de nou­velle géné­ra­tion déjà sur le mar­ché. Durant les dix der­nières années, les méthodes de pro­duc­tion ont évo­lué en pro­fon­deur afin de réduire les rejets de pro­duits pol­luants durant la construction.

Un potentiel de croissance encore élevé

Il se dit que le mar­ché fran­çais de la plai­sance est proche de la satu­ra­tion – mais la France compte un bateau pour qua­rante-quatre habi­tants contre sept en Fin­lande. Cette dis­pa­ri­té ne vient pas du pou­voir d’a­chat mais du nombre de places dis­po­nibles dans les ports. Ce n’est pas le mar­ché qui est satu­ré, ce sont les ports.

Ce n’est pas le mar­ché qui est satu­ré, ce sont les ports

La ques­tion du manque de place dans les ports est déter­mi­nante pour la crois­sance du nau­tisme en France. Pour y répondre, le CODCAP (Comi­té pour le déve­lop­pe­ment des capa­ci­tés d’ac­cueil de la plai­sance), dont la FIN est l’un des fon­da­teurs, tra­vaille sur des solu­tions inno­vantes inté­grant ab ini­tio les prin­cipes de pro­tec­tion de l’en­vi­ron­ne­ment et de la coha­bi­ta­tion avec les autres acti­vi­tés por­tuaires : requa­li­fi­ca­tion des espaces délais­sés (anciens ports de pêche, mili­taires, de com­merce) ; exploi­ta­tion dif­fé­rente des ports exis­tants (ports à sec, ges­tion dyna­mique des places de port). Cepen­dant, les études préa­lables sont lourdes et com­plexes, ren­dant la conduite de pro­jets par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile. C’est dans cet esprit que le ministre Jean-Louis Bor­loo a lan­cé, fin 2008, un appel à pro­jets visant à encou­ra­ger des pro­jets inno­vants d’a­mé­lio­ra­tion des capa­ci­tés d’ac­cueil des ports de plai­sance sous l’angle de l’in­té­gra­tion envi­ron­ne­men­tale et du déve­lop­pe­ment durable. Les lau­réats se ver­ront aider à hau­teur de 30 % du coût total des études qu’ils auront enga­gées, ce qui devrait per­mettre de déblo­quer un cer­tain nombre de freins et per­mettre à plu­sieurs pro­jets de voir le jour.


© Bic


© Foun­taine-Pajot

Les défis de la mondialisation et de la crise économique


© Zodiac

La pro­duc­tion de bateaux dans des pays à main d’oeuvre « bon mar­ché » n’est pas vrai­ment un fait nou­veau dans le nau­tisme : dès les années 1960, il y eut une offre de chan­tiers d’Eu­rope de l’Est et de Hong­kong. Ceux-ci construi­saient des bateaux à bas prix, mais qui n’é­taient pas ce que le mar­ché atten­dait, tant en termes de pro­duits que de com­mer­cia­li­sa­tion. Les choses ne sont pas dif­fé­rentes aujourd’­hui : il existe une offre de chan­tiers polo­nais, turcs ou chi­nois… mais la force de la filière nau­tique fran­çaise tient jus­te­ment dans sa capa­ci­té à ima­gi­ner et à com­mer­cia­li­ser les bons pro­duits au bon moment. Hor­mis la coque, le pont et les amé­na­ge­ments, les chan­tiers sont deve­nus sur­tout des assem­bleurs : un bateau de plai­sance moderne est très équi­pé, et l’é­qui­pe­ment, dont la part dans le coût total va gran­dis­sant, est depuis long­temps ori­gi­naire de tous les hori­zons. Par ailleurs, en s’en­ri­chis­sant, les pays émer­gents voient leur com­pé­ti­ti­vi­té dimi­nuer, mais sur­tout, offrent au nau­tisme d’im­menses débou­chés : la classe moyenne en Inde est déjà plus nom­breuse que toute la popu­la­tion d’Eu­rope. Bien sûr, ces mar­chés ne s’ou­vri­ront que lors­qu’ils dis­po­se­ront de l’é­qui­pe­ment por­tuaire néces­saire. La FIN et ses adhé­rents s’y impliquent déjà, en étant pré­sents aux salons nau­tiques de Shan­ghai et de Bom­bay notam­ment, et en déve­lop­pant dans cette direc­tion leur poli­tique d’export.

Il ne sau­rait être de pano­ra­ma objec­tif de la filière et notam­ment de ses chal­lenges, sans évo­quer les consé­quences de la crise éco­no­mique actuelle, d’une ampleur inédite. Si la France semble être l’un des pays où la plai­sance résiste le mieux pour l’ins­tant, en dépit d’un pro­bable recul signi­fi­ca­tif de l’ac­ti­vi­té, les pro­fes­sion­nels ne dis­posent aujourd’­hui d’au­cune visi­bi­li­té. La crois­sance sou­te­nue de ces der­nières années a per­mis l’as­sai­nis­se­ment des situa­tions finan­cières. Il convient dès à pré­sent pour les entre­prises de se mettre en ordre de marche afin de tirer le meilleur par­ti de la reprise attendue.

La Fédé­ra­tion des indus­tries nau­tiques, une orga­ni­sa­tion aux mul­tiples facettes
 
Forte de quelque 750 adhé­rents, la FIN est bien plus qu’une simple orga­ni­sa­tion pro­fes­sion­nelle. Issue en 1964 du Salon nau­tique de Paris, elle est deve­nue, depuis, pro­prié­taire du Salon de Cannes et de Mari­ti­ma, tout en par­rai­nant le Grand Pavois de La Rochelle. Ain­si, elle est à la source même des mani­fes­ta­tions com­mer­ciales les plus impor­tantes du sec­teur. Sa voca­tion est de défendre, repré­sen­ter et pro­mou­voir les métiers de la filière nau­tique fran­çaise, sur le ter­ri­toire natio­nal et à l’é­tran­ger. Inter­lo­cu­teur pri­vi­lé­gié des pou­voirs publics au plan natio­nal, régio­nal et euro­péen, la FIN assiste et conseille les entre­prises dans de nom­breux domaines.
À l’autre bout de son spectre d’ac­ti­vi­tés, elle est éga­le­ment deve­nue un réfé­rent tech­nique : ain­si, notam­ment, c’est un repré­sen­tant de la FIN qui pré­side le groupe char­gé d’é­ta­blir au niveau euro­péen les normes de construc­tion de bateaux de plaisance.

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