ifremer

L’Ifremer : Catalyser toutes les énergies au service des océans et des mers

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°747 Septembre 2019
Par François Houllier (78)

L’océan représente un enjeu majeur au niveau mon­di­al, car il absorbe plus de 90 % de l’excès de chaleur lié au réchauf­fe­ment cli­ma­tique. L’Ifremer, l’Insti­tut français de recherche pour l’exploitation de la mer, tra­vaille notam­ment sur cette problématique.

Ren­con­tre avec François Houl­li­er (78), le PDG d’Ifremer, qui nous en dit plus.

Présentez-nous l’Ifremer et ses principales missions ?

Créé en 1984, c’est un étab­lisse­ment pub­lic à car­ac­tère indus­triel et com­mer­cial, qui a pris le relais de l’institut sci­en­tifique et tech­nique des pêch­es mar­itimes et du cen­tre nation­al d’exploration de l’océan suite à leur fusion. Ifre­mer cou­vre l’ensemble des sujets relat­ifs à l’océan : depuis le lit­toral jusqu’à la haute mer, de la sur­face aux grands fonds, de la bio­di­ver­sité aux ressources minérales ou aux éner­gies marines, de la physique de l’océan à l’économie de la pêche, de l’observation in situ jusqu’à l’observation spa­tiale grâce à nos liens avec le CNES.

Nos activ­ités de recherche, d’expertise en appui des poli­tiques publiques, et d’innovation visent trois grands objec­tifs : pro­téger et restau­r­er l’océan ; révéler et val­oris­er les ressources marines pour le bien-être des sociétés ; con­cevoir et partager l’océan numérique pour de nou­veaux services.

“Le ministère de la Recherche a confié à l’Ifremer
la mission de gérer de grandes infrastructures de recherche au bénéfice
de la communauté scientifique nationale.”

Le min­istère de la Recherche a con­fié à l’Ifremer la mis­sion de gér­er de grandes infra­struc­tures de recherche au béné­fice de la com­mu­nauté sci­en­tifique nationale. C’est, par exem­ple, le cas de la flotte océanographique française, qui rassem­ble 6 navires hau­turi­ers et semi-hau­turi­ers et 5 navires côtiers et qui est passée sous pavil­lon l’Ifremer depuis le 1er jan­vi­er 2018. Nous opérons ces bateaux, les engins sous-marins qui les accom­pa­g­nent et les instru­ments sci­en­tifiques qu’ils empor­tent pour l’ensemble de la com­mu­nauté sci­en­tifique : le CNRS, l’IRD, le réseau des uni­ver­sités marines, le Muse­um nation­al d’histoire naturelle, le ser­vice hydro­graphique et océanographique de la marine. Les chercheurs publics et privés peu­vent donc faire appel à cette impor­tante infra­struc­ture qui béné­fi­cie d’un bud­get annuel de plus de 70 mil­lions d’euros.

Aujourd’hui, l’Ifremer regroupe env­i­ron 1 500 per­son­nes pour un bud­get de 240 mil­lions d’euros en 2018 et une sub­ven­tion pour charge des ser­vices publics d’environ 170 mil­lions d’euros. Notre implan­ta­tion prin­ci­pale est à Brest. Nous avons aus­si deux autres sites majeurs, sur la façade atlan­tique à Nantes et sur la façade méditer­ranéenne près de Mont­pel­li­er. Et à cela s’ajoute une ving­taine d’autres implan­ta­tions de façade de Boulogne/Mer à Toulon. L’Ifremer est aus­si très présent en Out­re-Mer, dans le Paci­fique, en Nou­velle-Calé­donie, en Polynésie française, dans l’Océan Indi­en, sur l’île de la Réu­nion, et dans l’Océan Atlan­tique en Guyane française, ou encore en Martinique.

Actuellement, vous êtes notamment concentrés sur votre projet d’Institut. Quelles en sont les grandes lignes ?

À l’horizon 2030, notre ambi­tion est de nous posi­tion­ner sur plusieurs thé­ma­tiques pri­or­i­taires : l’exploration de la diver­sité des ressources des envi­ron­nements pro­fonds, l’observation spa­tiale et marine avec un focus sur le change­ment cli­ma­tique, la pêche, ou l’halieutique…

S’y ajoutent des sujets trans­vers­es qui méri­tent d’être soulignés. En tant qu’institut de référence en sci­ences et en tech­nolo­gies marines, nous inter­agis­sons avec l’État, par exem­ple sur la qual­ité des eaux marines, avec des parte­naires économiques et indus­triels, mais aus­si avec le monde asso­ci­atif. Nous avons aus­si voca­tion à être ouverts sur notre écosys­tème et à dia­loguer avec toutes les par­ties prenantes en étant un appui aux poli­tiques publiques, mais aus­si en dévelop­pant des recherch­es par­tic­i­pa­tives aux côtés de la société civile.

L’Ifre­mer mène his­torique­ment des travaux de recherche en col­lab­o­ra­tion avec les acteurs du monde de la pêche, de la pro­duc­tion de fruits de mer…

“Nous voulons renforcer notre contribution à l’innovation
dans différents domaines tels que les énergies marines renouvelables
ou encore les biotechnologies marines.”

En par­al­lèle, nous voulons ren­forcer notre con­tri­bu­tion à l’innovation dans dif­férents domaines tels que les éner­gies marines renou­ve­lables ou encore les biotech­nolo­gies marines qui sont des sujets poin­tus sur desquels nous avons dévelop­pé des savoir-faire par­ti­c­uliers, comme la com­mu­ni­ca­tion optique sous-marine que nous util­isons pour le pilotage de nos robots dans le cadre de nos travaux de recherche.

Si nous con­tin­uons à brevet­er nos inno­va­tions, l’idée est aus­si de dévelop­per des inter­ac­tions plus fortes avec le monde socio-économique en incubant des pro­jets, en dévelop­pant des preuves de con­cept, en sou­tenant la créa­tion de start-ups, en prenant des par­tic­i­pa­tions dans des entre­pris­es… Nous con­tin­uons aus­si de dévelop­per nos infra­struc­tures de recherche.

En plus de la flotte océanographique nous con­tribuons, par exem­ple, au réseau Argo de plusieurs mil­liers de balis­es qui mesurent la tem­péra­ture et la salin­ité de l’océan dans toutes les mers du monde et tout au long de l’année. Il y a aus­si des infra­struc­tures numériques ou dédiées à l’observation des fonds de mers.

Que ce soit au niveau de nos prin­ci­pales mis­sions ou de la recherche, nous devons être exem­plaires en ter­mes d’excellence et d’intégrité sci­en­tifique, éthique et déon­tologique. Cela passe aus­si par un tra­vail de communication.

Revenons sur le développement de vos relations avec le monde économique. Comment cela se traduit-il ?

Nous avons for­mal­isé notre démarche d’innovation au tra­vers du pro­jet InOcean, dont le but est d’identifier les domaines dans lesquels nous avons la capac­ité d’avoir une véri­ta­ble valeur ajoutée en ter­mes de trans­fert tech­nologique avec des focus sur les seg­ments et les nich­es qui nous parais­sent promet­teurs et sur lesquels nous avons des com­pé­tences particulières.

Dans nos rela­tions avec les entre­pris­es, nous cher­chons à dépass­er le mod­èle basé sur les seuls brevets et licences pour dévelop­per des formes de val­ori­sa­tion com­plé­men­taires et nou­velles : incu­ba­tion et créa­tion d’entreprises, prise de par­tic­i­pa­tion, recherche con­tractuelle… L’idée est de priv­ilégi­er des parte­nar­i­ats publics et privés autour d’objets d’intérêts partagés.

Actuellement, comment s’articulent votre stratégie d’innovation et vos recherches scientifiques ?

Nous avons iden­ti­fié plusieurs axes. Par exem­ple, l’innovation en biotech­nolo­gies s’appuie sur nos recherch­es sur les microalgues.

Les ques­tions rel­a­tives aux inter­ac­tions cli­ma­tocéan, à l’acidification des océans, à la con­ser­va­tion de la bio­di­ver­sité sont par­mi nos prin­ci­pales préoc­cu­pa­tions. Nous con­tin­uons aus­si de tra­vailler sur les ques­tions d’halieutique ou de san­té des mollusques.

Dans un reg­istre dif­férent et très trans­ver­sal, nos capac­ités d’observation et de mod­éli­sa­tion, notre savoir-faire en sys­tèmes d’information marins ont voca­tion à débouch­er sur des inno­va­tions dans le domaine des don­nées et des ser­vices dérivés.

L’Ifremer est aus­si mem­bre du clus­ter mar­itime français qui regroupe les grands secteurs de l’économie mar­itime : les acteurs de l’énergie, de la con­struc­tion navale et du trans­port mar­itime, les entre­pris­es et les groupes qui dévelop­pent des tech­nolo­gies et des inno­va­tions autour de l’océan.

Vous avez pour ambition de vous positionner comme un catalyseur pour les sciences et technologies marines françaises. Qu’en est-il ?

Pour se posi­tion­ner en tant que tel, nous devons pou­voir jus­ti­fi­er d’une capac­ité à inter­a­gir avec les dif­férentes par­ties prenantes comme avec les dif­férents acteurs, publics ou privés, des sci­ences et tech­nolo­gies marines.

Dans ce cadre, nous col­laborons avec divers­es écoles et uni­ver­sités, comme l’Université de Bre­tagne occi­den­tale, l’ENSTA Bre­tagne, l’ENIB, l’Université et l’École Cen­trale de Nantes ou encore l’Université de Mont­pel­li­er. Nous avons aus­si des unités mixtes ou des pro­jets com­muns avec le CNRS, l’IRD, le CNES…

En par­al­lèle, nous cher­chons aus­si à val­oris­er notre présence en out­re-mer, un point essen­tiel puisque la France a le sec­ond domaine mar­itime au monde avec plus de 11 mil­lions de km2 .

Pour être ce catal­y­seur, nous nous posi­tion­nons aus­si comme un opéra­teur qui met à dis­po­si­tion ses infra­struc­tures, telles que la flotte océanographique française. Cela demande aus­si d’être un chef de file nation­al respectueux des com­pé­tences des autres étab­lisse­ments com­pé­tents sur la mer et capa­ble d’orienter l’État, les col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales, les asso­ci­a­tions, les divers­es par­ties prenantes ou les entre­pris­es vers les équipes les plus com­pé­tentes qu’elles appar­ti­en­nent à l’Ifremer ou à d’autres établissements.

Poster un commentaire