Favoriser la transition énergétique en optimisant les tournées des camions grâce aux données et à l’IA. © Air Liquide

IA et transition énergétique : l’impact d’une technologie indispensable

Dossier : Intelligence artificielleMagazine N°781 Janvier 2023
Par Émilie MOUREN-RENOUARD (X99)

L’IA, grande cause tech­nologique actuelle, ren­con­tre une autre grande cause de notre monde, la tran­si­tion énergé­tique, pour faire espér­er un avenir meilleur. Le cas de l’industriel Air Liq­uide four­nit des exem­ples de cette coopéra­tion fructueuse.

Vagues de canicule, pluies tor­ren­tielles et incendies géants en Europe, inonda­­tions meur­trières au Pak­istan, sécher­esse his­torique aux États-Unis, en Inde et en Chine… L’été 2022 a été mar­qué par les dérè­gle­ments cli­ma­tiques. Face à l’urgence, le cap est fixé : lim­iter la hausse de la tem­péra­ture mon­di­ale exige de réduire les émis­sions de gaz à effet de serre de 45 % d’ici 2030. Le défi est immense. L’automne 2022 quant à lui aura été mar­qué par les ten­sions sur le marché de l’énergie, con­séc­u­tives à la guerre en Ukraine ; ain­si, le maître mot des gou­verne­ments européens aura été « sobriété », encour­ageant la néces­saire accéléra­tion de la tran­si­tion énergétique. 

Une con­vic­tion : il n’y aura pas de tran­si­tion énergé­tique sans tech­nolo­gies. En com­plé­ment des nou­velles éner­gies que sont l’hydrogène et le bio­méthane, et des tech­nolo­gies de cap­ture du CO2, l’intelligence arti­fi­cielle (IA), dont l’usage par les entre­pris­es s’est récem­ment accéléré, per­met de répon­dre aux défis de la tran­si­tion énergé­tique, sous réserve d’un usage raison­né impli­quant by design l’intelligence humaine pour être source de progrès. 

Les réponses concrètes de l’IA

Par sa capac­ité à traiter des infor­ma­tions com­plex­es, l’IA ouvre de nou­velles per­­spec­tives à la tran­si­tion énergé­tique et à l’optimi­sation de la con­som­ma­tion des ressources. Une fois cor­recte­ment entraînée sur une tâche spé­ci­fique, elle per­met de faire auto­matiquement de la recon­nais­sance d’image – par exem­ple, traiter des images satel­li­taires pour détecter des fuites de gaz –, de faire des prévi­sions de demande et pro­duc­tion d’énergie, d’optimiser des livraisons, mais aus­si de simuler des phénomènes physiques sans pass­er par des mod­èles math­é­ma­tiques plus énergivores.

Con­tribuer à la tran­si­tion énergé­tique est l’un des axes d’Advance, le plan stratégique du groupe Air Liq­uide. Cette tran­si­tion repose sur une approche sys­témique qui néces­site une com­préhen­sion de nos écosys­tèmes, à la fois glob­ale et fine. Pour cette rai­son, les 3,5 mil­liards de points de don­nées que nous col­lec­tons chaque jour au sein de nos 500 usines et plus de 20 mil­lions de bouteilles de gaz sont un act­if clé. 

Minimiser l’empreinte carbone

Le man­age­ment opti­mal de l’énergie est le pre­mier défi à relever. La min­imi­sa­tion de notre inten­sité car­bone et celle de nos clients passent néces­saire­ment par l’optimisation de nos act­ifs indus­triels et, surtout, par notre capac­ité à pren­dre rapi­de­ment les meilleures déci­sions. Pour cela, nous nous appuyons sur ces don­nées grâce à l’IA pour amélior­er la fia­bil­ité de nos usines, pilotées par des cen­tres à dis­tance, et min­imiser la con­som­ma­tion d’énergie. Nous sur­veil­lons en temps réel que nos instal­la­tions de pro­duc­tion fonc­tion­nent à des niveaux opti­maux en ter­mes d’efficacité énergé­tique en visant à max­imiser leur taux de fia­bil­ité, autre fac­teur de con­som­ma­tion d’énergie.

“Une IA durable réside avant tout dans l’usage raisonné qui en est fait.”

Autre champ d’action pour réduire l’empreinte car­bone de l’entreprise : la logis­tique. Chaque jour à tra­vers le monde, les camions du groupe Air Liq­uide par­courent plus d’un mil­lion de kilo­mètres, soit plus de deux fois la dis­tance Terre-Lune, pour livr­er ses pro­duits. Créé en 2017, notre pro­gramme mon­di­al de numéri­sa­tion de la chaîne logis­tique s’appuie sur des tech­niques d’IA et d’optimisation, et nous per­met de réduire le kilo­mé­trage par­cou­ru chaque année. 

Tout au long de la chaîne d’approvisionnement, nos act­ifs sont con­nec­tés numérique­ment : sites de pro­duc­tion, camions, réser­voirs chez nos clients indus­triels ou dans les hôpi­taux. Les don­nées sont analysées, en vue de mieux con­naître nos clients et de mieux anticiper leurs besoins pour réduire l’empreinte car­bone. Les pré­dic­tions des besoins de nos clients nous per­me­t­tent de déter­min­er les itinéraires opti­maux emprun­tés par les chauf­feurs, afin de plan­i­fi­er les livraisons de pro­duits et d’optimiser les tournées des camions. Ce pro­gramme a d’ores et déjà per­mis d’éviter 20 mil­lions de kilo­mètres. D’ici 2025, notre ambi­tion est de réduire de 10 % le nom­bre de kilo­mètres parcourus. 

De nouvelles perspectives pour les systèmes énergétiques complexes grâce à l’IA

La tran­si­tion énergé­tique va sus­citer des change­ments dans les bassins indus­triels et urbains, liés à la mise en com­mun des ressources. L’augmentation des éner­gies renou­ve­lables dans le mix énergé­tique s’accompagne de défis impor­tants, ten­ant par exem­ple à leur inter­mit­tence. L’IA offre des per­spec­tives très intéres­santes. Air Liq­uide a lancé il y a trois ans un pro­gramme de recherche ambitieux sur la tran­si­tion énergé­tique et l’IA pour appréhen­der cette com­plex­ité, en col­lab­o­rant notam­ment avec Mines Paris­Tech. Les recherch­es por­tent par exem­ple sur la flex­i­bil­ité des act­ifs indus­triels, paramètre impor­tant à pren­dre en compte pour inté­gr­er les éner­gies renou­ve­lables. Les algo­rithmes con­tribuent ain­si à opti­miser les plans de pro­duc­tion des usines. 

Pour un usage raisonné by design de l’IA

Si le numérique et l’IA per­me­t­tent d’améliorer les analy­ses et la prise de déci­sion pour accom­pa­g­n­er la tran­si­tion énergé­tique et réduire les émis­sions de gaz à effet de serre pour pro­téger la planète, les infra­struc­tures numériques qui les héber­gent ont un impact. En France, le numérique est respon­s­able de 2,5 % de l’empreinte car­bone, chiffre en forte crois­sance. Pour éviter la sur­chauffe, plusieurs leviers exis­tent. Les ser­vices de cloud, qui per­me­t­tent de faire tourn­er les IA, pro­posent des poli­tiques de sobriété énergé­tique tou­jours plus affirmées.

Les four­nisseurs essaient d’être les plus effi­cients sur le plan énergé­tique grâce à la mutu­al­i­sa­tion. Ils pro­posent de la puis­sance de cal­cul qui ten­dra à l’avenir vers le net zéro. L’informatique quan­tique con­stitue aus­si une piste. Pour cer­taines appli­ca­tions, en aidant à rac­cour­cir con­sid­érable­ment la durée de cal­cul, elle pour­rait en effet réduire sig­ni­fica­tive­ment la con­som­ma­tion énergé­tique. Même si les béné­fices énergé­tiques à atten­dre de cette tech­nolo­gie restent encore dif­fi­ciles à prévoir avec pré­ci­sion, des travaux sont en cours pour que les ordi­na­teurs quan­tiques obti­en­nent à terme cette supré­matie énergé­tique sur leurs homo­logues classiques.

Mais une IA durable réside avant tout dans l’usage raison­né qui en est fait par les hommes et les femmes. Com­ment ? En priv­ilé­giant les appli­ca­tions qui auront un impact favor­able sur l’environ­nement et en adop­tant une approche fru­gale de l’IA. Cela implique de suiv­re les bonnes pra­tiques en matière de codes afin qu’ils ne soient pas trop éner­gi­vores et d’explorer les tech­nolo­gies des small data, qui per­me­t­tent de réu­tilis­er des IA dévelop­pées avec des jeux de don­nées de grande taille sur des jeux de don­nées plus petits.

Accélérer le changement grâce aux équipes sur le terrain

Les col­lab­o­ra­teurs des entre­pris­es sont évidem­ment les acteurs de cette tran­si­tion. Pour soutenir les ambi­tions de son plan Advance et con­tribuer à la lutte con­tre le change­ment cli­ma­tique, Air Liq­uide a lancé en 2021 le pro­gramme AI Readi­ness qui ambi­tionne de for­mer 300 col­lab­o­ra­teurs au développe­ment d’algorithmes et à l’IA d’ici 2025. Seul le mail­lage de l’organisation dans son ensem­ble par l’acculturation et la for­ma­tion tech­nique des col­lab­o­ra­teurs per­me­t­tra un déploiement vertueux de l’IA au ser­vice de la tran­si­tion énergé­tique. Une IA au ser­vice de la tran­si­tion énergé­tique s’appuiera donc néces­saire­ment sur l’intelligence humaine.


En illus­tra­tion : Les tournées des camions sont opti­misées pour réduire le kilo­mé­trage par­cou­ru grâce aux don­nées et à l’IA. © Air Liquide

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