Vue composite du Grand Nuage de Magellan

H.E.S.S. détecte trois sources Gamma dans le Grand Nuage de Magellan

Dossier : ExpressionsMagazine N°704 Avril 2015Editeur : Directeur de recherche au lab. Leprince-Ringuet (CNRS/IN2P3/X), porte-parole adjoint de la collaboration H.E.S.S.
Par Mathieu De NAUROIS

Les rayons gam­ma de très haute éner­gie sont les meilleurs tra­ceurs des accé­lé­ra­teurs de par­ti­cules cos­miques telles que les ves­tiges de super­no­va et les nébu­leuses à vent de pul­sar, issus des stades ter­mi­naux de l’évolution des étoiles massives.

En leur sein, des par­ti­cules char­gées sont accé­lé­rées à des éner­gies extrêmes (net­te­ment au-delà des accé­lé­ra­teurs humains les plus puis­sants). Des rayons gam­ma sont pro­duits notam­ment lors de l’interaction de ces par­ti­cules cos­miques, encore pié­gées au sein des sources ou une fois relâ­chées dans le milieu envi­ron­nant, avec la lumière et le gaz avoisinants.

Ces rayons de très haute éner­gie peuvent être détec­tés sur la Terre, au moyen de téles­copes munis de camé­ras à haute réso­lu­tion tem­po­relle, en obser­vant la lumière Tche­ren­kov, brève et ténue, émise par la cas­cade de par­ti­cules secon­daires issues de leur inter­ac­tion avec la haute atmosphère.

Le Grand Nuage de Magellan

Le Grand Nuage de Magel­lan (GNM) est une galaxie naine satel­lite de la Voie lac­tée, située à près de 170 000 années-lumière et se pré­sen­tant qua­si de face dans le plan du ciel. De nou­velles étoiles mas­sives y sont for­mées à un taux éle­vé, ce qui explique la pré­sence de nom­breux amas stel­laires de grande masse.

“ Des rayons gamma sont produits lors de l’interaction de particules cosmiques avec la lumière et le gaz voisins de l’objet qui leur a donné naissance ”

Consé­quence de cette acti­vi­té, le taux de super­no­va par uni­té de masse stel­laire y est cinq fois plus éle­vé que dans notre galaxie.

Pen­dant 210 heures, les téles­copes de H.E.S.S. ont été bra­qués sur la nébu­leuse de la Taren­tule, la plus grande et plus active région de for­ma­tion stel­laire au sein du GNM.

Pour la pre­mière fois dans une galaxie autre que la Voie lac­tée, des sources indi­vi­duelles de rayons gam­ma de très haute éner­gie ont pu y être détec­tées – trois objets extrê­me­ment éner­gé­tiques, et de dif­fé­rents types.

Superbulles

La super­bulle 30 Dor C, for­mée par les vents puis­sants des étoiles mas­sives et les super­novæ asso­ciées, est la struc­ture en forme de coquille et visible en rayons X la plus grande connue à ce jour.

Les super­bulles sont depuis long­temps soup­çon­nées d’être des lieux pri­vi­lé­giés de pro­duc­tion de rayons cos­miques de très haute éner­gie et pour­raient être par­tiel­le­ment, voire exclu­si­ve­ment, à l’origine de ces par­ti­cules cosmiques.

La détec­tion de 30 Dor C avec H.E.S.S. est une pre­mière dans le domaine, et démontre que les super­bulles contiennent effec­ti­ve­ment des par­ti­cules de très haute énergie.

Pulsars

LES TÉLÉSCOPES DE H.E.S.S.

La collaboration du High Energy Stereoscopic System (H.E.S.S.) comprend des scientifiques venant d’Allemagne, France, Royaume-Uni, Namibie, Afrique du Sud, Irlande, Arménie, Pologne, Australie, Autriche, Suède et Pays-Bas, soutenus par leurs agences de financement et organismes respectifs.
Les résultats ont été obtenus à l’aide des télescopes du High Energy Stereoscopic System (H.E.S.S.) situés en Namibie, en Afrique australe.
Ce réseau de quatre télescopes de 13 m de diamètre – récemment complété par un très grand télescope de 28 m formant la phase II de H.E.S.S. – est un des instruments de détection de rayons gamma de très haute énergie les plus sensibles dans le monde.

Les pul­sars sont des étoiles à neu­trons extrê­me­ment magné­ti­sées, en rota­tion rapide, pro­dui­sant un vent de par­ti­cules ultra-éner­gé­tiques par­fois confi­nées dans une nébuleuse.

La plus connue d’entre elles est la Nébu­leuse du Crabe, une des sources les plus brillantes du ciel gam­ma. Le pul­sar PSR J0537−6910 dans le GNM est consi­dé­ré pour plu­sieurs rai­sons comme le jumeau du pul­sar très éner­gé­tique du Crabe dans notre Galaxie.

Cepen­dant, sa nébu­leuse asso­ciée N 157B, détec­tée pour la pre­mière fois en rayons gam­ma de très haute éner­gie avec H.E.S.S., est intrin­sè­que­ment dix fois plus lumi­neuse que celle du Crabe, ce qui consti­tue une sur­prise pou­vant être expli­quée par l’environnement par­ti­cu­lier du GNM.

Des vestiges de supernova

Enfin, le ves­tige de super­no­va N 132D, connu pour être une source radio et infra­rouge brillante, est, quant à lui, l’un des plus vieux – et des plus lumi­neux – ves­tiges émet­tant en rayons gam­ma de très haute énergie.

“ Les superbulles, des lieux privilégiés de production de rayons cosmiques de très haute énergie »

À l’âge du ves­tige esti­mé entre 2500 à 6000 ans, les modèles pré­disent que l’onde de choc, ayant signi­fi­ca­ti­ve­ment ralen­ti, ne devrait plus être en mesure d’accélérer effi­ca­ce­ment les rayons cosmiques.

Cepen­dant, N 132D est plus lumi­neux en gam­ma que les ves­tiges de super­no­va plus jeunes, connus dans notre galaxie. Ces obser­va­tions, dans la lignée d’autres résul­tats obte­nus avec H.E.S.S., confirment l’idée que les ves­tiges de super­no­va semblent être par­fois plus lumi­neux dans ce domaine que com­mu­né­ment admis.

Un défi scientifique

Obser­vées à la limite de sen­si­bi­li­té de H.E.S.S., cer­taines de ces trois sources se super­posent par­tiel­le­ment, ce qui a repré­sen­té un défi pour les scien­ti­fiques de la col­la­bo­ra­tion H.E.S.S. Ces décou­vertes ont été pos­sibles grâce au déve­lop­pe­ment de méthodes avan­cées dans l’interprétation des images Tche­ren­kov enre­gis­trées par les téles­copes, per­met­tant notam­ment une esti­ma­tion plus pré­cise de la direc­tion des rayons gam­ma reconstruite.

Le nou­veau téles­cope de 28 m de dia­mètre com­po­sant la phase II de H.E.S.S. per­met­tra d’améliorer les per­for­mances du sys­tème. À plus long terme, le pro­jet d’observatoire en gam­ma, le Che­ren­kov Teles­cope Array (CTA), dans lequel sont impli­qués le Labo­ra­toire Leprince-Rin­guet (LLR) et l’École poly­tech­nique, offri­ra des images du GNM plus pro­fondes et de meilleure réso­lu­tion angulaire.

Image en visible de la Voie lac­tée et du Grand Nuage de Magel­lan, une galaxie naine satel­lite de la Voie lac­tée, située à près de 170 000 années-lumière.
(© Col­la­bo­ra­tion H.E.S.S. – Sky­view – A. Mellinger)

Vue com­po­site du Grand Nuage de Magel­lan, avec en super­po­si­tion les images des trois objets détec­tés par H.E.S.S. (© Col­la­bo­ra­tion H.E.S.S. – Karl D. Gor­don – R. Ken­ni­cutt, J.E. Gaus­tad et al. – G. Bothun)

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