Modèle complet de la surface du soleil

Pourquoi l’atmosphère du soleil est plus chaude que sa surface

Dossier : ExpressionsMagazine N°708 Octobre 2015
Par Tahar AMARI

La tem­pé­ra­ture du Soleil, qui atteint envi­ron 15 mil­lions de degrés en son coeur, décroît pro­gres­si­ve­ment pour chu­ter à 6 000 degrés à sa « surface ».

Elle devrait alors logi­que­ment conti­nuer à décroître dans l’atmosphère. Pour­tant, elle atteint envi­ron 10 000 degrés dans la chro­mo­sphère et plus d’un mil­lion de degrés dans la couronne.

“ Un des grands problèmes de l’astrophysique depuis environ un siècle ”

Quelle est la source d’énergie capable de four­nir et de main­te­nir l’atmosphère à de telles températures ?

Une ques­tion qui repré­sente un des grands pro­blèmes de l’astrophysique depuis envi­ron un siècle, d’autant plus impor­tante qu’elle est asso­ciée à la source du vent solaire qui par­vient jusqu’à la Terre.

S’il parais­sait acquis qu’une par­tie de l’énergie de l’intérieur du Soleil par­ve­nait à atteindre ces couches externes, le méca­nisme res­tait mys­té­rieux. Ces cher­cheurs se sont concen­trés sur le champ magné­tique à petite échelle, d’aspect « poivre et sel » en dehors des taches.

Une casserole de magma bouillonant

Des mode­lés numé­riques per­for­mants et les cal­cu­la­teurs du Centre de phy­sique théo­rique (CNRS/École poly­tech­nique) et de l’Idris du CNRS ont per­mis d’effectuer une simu­la­tion pen­dant quelques heures à par­tir d’un mode­lé consti­tué de plu­sieurs couches, l’une interne et les autres atmosphériques.

Les cher­cheurs ont alors consta­té que la couche fine sous la sur­face du Soleil se com­porte en fait comme une « cas­se­role » de petite épais­seur conte­nant un plas­ma en ébul­li­tion, chauf­fée par le bas et for­mant des « bulles » asso­ciées à des granules.

Ce potage de plas­ma en ébul­li­tion est alors res­pon­sable d’un phé­no­mène dyna­mo qui ampli­fie et main­tient le champ magné­tique : ce der­nier, en sor­tant vers la sur­face, prend une appa­rence poivre et sel et forme aus­si des concen­tra­tions moins nom­breuses, de plus grosse taille, de durée de vie plus longue et bap­ti­sées « méso­taches » solaires, le tout concor­dant avec les observations.

Des racines de mangrove


Modèle com­plet illus­trant la fine cas­se­role de plas­ma en ébul­li­tion, proche de la sur­face solaire, res­pon­sable de la géné­ra­tion du champ magné­tique poivre et sel en sur­face (bleu-rouge), qui en émer­geant crée toute une végé­ta­tion rap­pe­lant une man­grove, per­met­tant le chauf­fage des divers couches de l’atmosphère solaire.
© TAHAR AMARI/CENTRE DE PHYSIQUE THÉORIQUE

Les scien­ti­fiques ont éga­le­ment décou­vert qu’une orga­ni­sa­tion sem­blable à une man­grove appa­raît autour des méso­taches solaires : des « racines chro­mo­sphé­riques » enche­vê­trées plongent entre les gra­nules, entou­rant des « troncs d’arbres magné­tiques » qui s’élèvent dans la cou­ronne et sont asso­ciés au champ magné­tique à plus grande échelle.

Leurs cal­culs ont mon­tré que, dans la chro­mo­sphère, le chauf­fage de l’atmosphère est assu­ré par de mul­tiples microé­rup­tions sur­ve­nant dans les racines de la man­grove por­teuses de cou­rants élec­triques très impor­tants, au rythme des « bulles » de la cas­se­role sous-jacente.

Ils ont éga­le­ment décou­vert que des évé­ne­ments érup­tifs plus impor­tants et moins nom­breux existent au voi­si­nage des méso­taches mais ne per­mettent pas de chauf­fer la cou­ronne plus haute et à plus grande échelle.

Divers canaux d’énergie

Cette dyna­mique érup­tive engendre alors des ondes « magné­tiques » le long des troncs, un peu comme un son sur une corde pin­cée, en se pro­pa­geant le long de celle-ci. Ces ondes trans­portent alors l’énergie vers la cou­ronne plus haute et leur dis­si­pa­tion pro­gres­sive chauffe celle-ci.

“ Dans la chromosphère, le chauffage de l’atmosphère est assuré par de multiples microéruptions ”

Leurs cal­culs montrent aus­si qu’en retom­bant vers la sur­face, la matière éjec­tée forme des tor­nades, elles-mêmes observées.

Des jets de plas­ma fins, proches de ces arbres, sont éga­le­ment pro­duits et repré­sentent les spi­cules1 décou­verts récem­ment. Autant de phé­no­mènes, obser­vés jusqu’ici indi­vi­duel­le­ment et non expli­qués, qui sont divers canaux d’énergie issus de la « cas­se­role de plas­ma bouillon­nant », et non la source unique invoquée.

Les cher­cheurs ont consta­té que le flux d’énergie de leurs méca­nismes cor­res­pond à celui requis par toutes les études pour main­te­nir le plas­ma de l’atmosphère solaire à sa tem­pé­ra­ture : 4 500 W/m2 dans la chro­mo­sphère et 300 W/m2 dans la couronne.

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1. Jet fin de matière issu de la chro­mo­sphère et arri­vant dans la couronne.

La surface du soleil
La sur­face du Soleil selon les don­nées de la mis­sion spa­tiale IRIS de la NASA, avec en fond la struc­ture dyna­mique de l’atmosphère chauffée.
© TAHAR AMARI / CENTRE DE PHYSIQUE THÉORIQUE

Modélisation de l’atmosphère solaire
Modé­li­sa­tion de l’atmosphère solaire mon­trant à haute réso­lu­tion la for­ma­tion de cou­rants élec­triques impor­tants qui s’élèvent telles des flammes.
© TAHAR AMARI / CENTRE DE PHYSIQUE THÉORIQUE

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