DVD GUSTAV MAHLER : 1RE SYMPHONIE « TITAN» et SERGE RACHMANINOV : DANSES SYMPHONIQUES

Gustav Mahler : 1re symphonie « TITAN » et Serge Rachmaninov : Danses symphoniques

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°688 Octobre 2013Rédacteur : Marc DARMON (83)

Un DVD (ou un Blu- Ray) de démon­stra­tion et un mag­nifique pro­gramme cohérent, regroupant des œuvres déter­mi­nantes de deux com­pos­i­teurs majeurs du XXe siè­cle. Rach­mani­nov et Mahler ont quelques points en com­mun : avoir tou­jours com­posé une musique poignante, émou­vante, pleine de références per­son­nelles, avoir fait cohab­iter leur tal­ent de com­pos­i­teur avec une car­rière d’interprète excep­tion­nelle (Mahler con­sid­éré comme le plus grand chef d’orchestre de son époque, Rach­mani­nov étant un des pianistes les plus mar­quants de son temps), et avoir ter­miné leur car­rière aux États-Unis.

Mais si Rach­mani­nov a été très pop­u­laire de son vivant, Mahler dut atten­dre un demi-siè­cle après sa mort pour être vrai­ment recon­nu. « Mon temps vien­dra », dis­ait-il. Comme il avait raison.

Mahler com­posa unique­ment pour l’orchestre, et sa pre­mière sym­phonie (d’une série de dix), Titan, con­tient déjà en elle tous les élé­ments de cette musique si riche et irrem­plaçable. Thèmes d’une énorme force émo­tive, con­stam­ment enchevêtrés magis­trale­ment, jeu con­tinu sur les tim­bres des vents, impact phénomé­nal des tut­ti, tout est déjà là. Et l’humour grinçant, en per­ma­nence, comme cette marche funèbre en canon sur le thème de Frère Jacques qui forme la base du troisième mouvement.

En revanche Rach­mani­nov com­posa prin­ci­pale­ment pour le piano. Mais pour l’orchestre notons tout de même une grande capac­ité d’orchestration, remar­quable dans ses trois sym­phonies, le poème sym­phonique L’Île des morts d’après un tableau d’Arnold Böck­lin, et ces Dans­es sym­phoniques com­posées à la toute fin de sa vie.

Très vives, les trois dans­es se font se suc­céder en quar­ante min­utes thèmes et dans­es macabres, avec une ironie grinçante récur­rente. Le thème médié­val du Dies Irae (celui du final de la Sym­phonie fan­tas­tique) hante toute la troisième danse, le thème devenant de plus en plus clair à mesure que la musique progresse.

Ces deux œuvres sont ici servies par une inter­pré­ta­tion pro­pre­ment inouïe. Vrai­ment. Et para­doxale­ment très dif­férentes. Rarement on a enten­du une Titan aus­si con­trastée. Des explo­sions de tut­ti d’une force épous­tou­flante alter­nent avec des pas­sages d’une ten­dresse et d’un recueille­ment, sou­vent d’une lenteur, rarement tentés.

Avec cet orchestre à la qual­ité superla­tive, Rat­tle peut se per­me­t­tre cette lenteur extrême (dix min­utes de plus que les ver­sions tra­di­tion­nelles). Égale­ment, il réalise des vari­a­tions de tem­po, des ral­len­tan­di notam­ment, de façon presque exces­sive mais jamais vul­gaire telle­ment c’est bril­lam­ment exé­cuté et magnifique.

Les Dans­es sym­phoniques de Rach­mani­nov béné­fi­cient d’une inter­pré­ta­tion tout aus­si excep­tion­nelle mais pour d’autres raisons. Là, c’est la vir­tu­osité de l’orchestre, la bril­lance des pupitres de cordes qui pro­curent un impact hal­lu­ci­nant, et l’on sort exténué et ravi de ces trois danses.

Il faut dire que cet orchestre est impres­sion­nant, de qual­ité et de beauté. La qual­ité indi­vidu­elle des musi­ciens (qua­tre vio­lonistes ont rang de Konz­ert Meis­ter, pre­mier vio­lon soliste), leur vir­tu­osité sont remar­quables. De plus, le nom­bre de musi­ciens demandés pour ces deux œuvres apporte une force éton­nante : par exem­ple 8 con­tre­bass­es, 8 cors (très impres­sion­nants lorsqu’ils se lèvent au final de la Titan), 16 bois… Et Rat­tle dirige par cœur ces œuvres d’une rare complexité.

L’image est mag­nifique de con­traste et de pro­fondeur. Ce Blu-Ray per­met même de repro­duire l’image en 3D sur cer­tains équipements, mais cela sem­ble superflu.

J’en prof­ite pour don­ner ici une recom­man­da­tion générale très ferme sur l’utilisation du son mul­ti­canal pour la musique : la bonne façon de régler la repro­duc­tion sonore pour un con­cert ou un opéra filmé n’est pas en mode mul­ti­canal, mais en mode stéréo, sans com­pres­sion du son (priv­ilégiez le stan­dard PCM, ou LPCM, tou­jours disponible sur le DVD ou Blu-Ray). Évitez autant que pos­si­ble le son mul­ti­canal (5.1, 7.1) qui n’apportera pas un effet spa­tial naturel, et néces­sit­era une com­pres­sion du son, com­pres­sion nuis­i­ble à la beauté des tim­bres et au réalisme.

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