Gérard BRUNSCHWIG (43)

Dossier : ExpressionsMagazine N°598 Octobre 2004Par : André PASQUET (39) et Guy SAIAS (44)

Gérard Brun­schwig est né à Paris le 18 août 1924. Après de solides études à l’É­cole poly­tech­nique (pro­mo 43), d’où il sort dans le Corps des Ponts et Chaussées, puis à l’É­cole nationale des ponts et chaussées, il est nom­mé ingénieur ordi­naire en Lozère (arrondisse­ment de Mende), puis est affec­té à l’ar­rondisse­ment ouest du ser­vice ordi­naire d’Alençon. C’est là qu’il ren­con­tre Robert David, qui était un ardent pro­mo­teur des matéri­aux enrobés. Alors que les revête­ments routiers étaient à cette époque générale­ment con­sti­tués par des enduits super­fi­ciels au goudron ou en bitume, est-ce à son con­tact que Gérard Brun­schwig s’in­téresse à ces matéri­aux nou­veaux ? Quoi qu’il en soit, lorsque le Lab­o­ra­toire cen­tral créa la sec­tion revête­ments hydro­car­bonés en 1958 pour décharg­er la sec­tion de chimie, on fit appel à Gérard Brun­schwig pour la diriger. Peu de temps après, il fut nom­mé maître de con­férences en cette spé­cial­ité à l’É­cole nationale des ponts et chaussées.

Pro­mu ingénieur en chef en 1967, il fut, en sus de ses attri­bu­tions au LCPC, chargé de mis­sion auprès du directeur de l’É­cole nationale des TPE pour y occu­per les fonc­tions de directeur des études. Pen­dant les vingt-qua­tre ans (1958–1982) de son séjour au LCPC, il pour­suiv­it ses recherch­es dans les domaines de rhéolo­gie des matéri­aux enrobés hydro­car­bonés, nucléo­den­simétrie appliquée aux revête­ments routiers hydro­car­bonés, bitumes caoutchouc, appli­ca­tions du cal­cul des prob­a­bil­ités et méth­odes sta­tis­tiques. Grâce à la com­pé­tence acquise en ces domaines, il pub­lia divers arti­cles et prononça plusieurs con­férences (par exem­ple à l’ITBTP en 1969 sur les matéri­aux enrobés hydro­car­bonés). Il accom­plit des mis­sions à l’é­tranger et fut chargé de l’in­térim de la direc­tion des pro­grammes dans les années 1970. Par ailleurs, pen­dant de longues années, il a été prési­dent de la Com­mis­sion tech­nique ” Sta­tis­tiques ” de l’ISO (Organ­i­sa­tion inter­na­tionale de nor­mal­i­sa­tion) ain­si que de la Com­mis­sion générale ” Sta­tis­tiques “de l’Afnor. Il a beau­coup œuvré à l’ISO pour ramen­er les mon­des des sta­tis­tiques à se coor­don­ner avec la CEI (Com­mu­nauté élec­trotech­nique inter­na­tionale) 56 sur la sûreté de fonc­tion­nement et le TC 176 de l’ISO ” Qualité “.

En 1982, il fut affec­té au Con­seil général des Ponts et Chaussées en qual­ité de secré­taire de la troisième sec­tion (Économie et Trans­port), tout en demeu­rant chargé de la coopéra­tion tech­nique auprès du directeur du LCPC. À ce dernier titre, il accueil­lait les ingénieurs et chercheurs de haut niveau qui étaient en rela­tion avec le LCPC.

Ain­si ses travaux présen­tent une remar­quable unité sur l’é­tude des liants hydro­car­bonés dans ses dif­férents aspects : recherche, expéri­men­ta­tion, enseigne­ment, coopéra­tion tech­nique. Il savait en faire prof­iter tous ceux qui s’adres­saient à lui pour des avis et des con­seils qu’il don­nait avec sa gen­til­lesse habituelle. Aus­si ne lais­sa-t-il que des amis au LCPC où il a accom­pli la plus grande par­tie de sa car­rière. Pour ce faire, il avait d’au­tant plus de mérite que les soucis et les souf­frances ne lui furent pas épargnés. De san­té frag­ile, il dut inter­rompre ses activ­ités à plusieurs repris­es. Mais à chaque fois, dès qu’il était rétabli, il repre­nait ses travaux avec courage et détermination.

Pro­mu ingénieur général en 1984, il fut déchargé de ses fonc­tions de secré­taire de la troisième sec­tion du CGPC en 1986 et ache­va sa car­rière comme mem­bre du Conseil.

Au temps de la retraite, il ne reste pas inac­t­if et par­ticipe à la créa­tion de l’As­so­ci­a­tion ” X‑Résistance “. Son retour sur l’époque où il était dans le maquis s’est inséré dans les travaux de mémoire dont s’est chargée ” X‑Résistance “. Il a été l’ini­ti­a­teur et l’an­i­ma­teur de l’ex­po­si­tion ” Des poly­tech­ni­ciens dans la Résis­tance “, et il a pu l’ac­com­pa­g­n­er dans les divers sites où elle a été présen­tée, notam­ment à Besançon, Bor­deaux, Chamal­ières, Mont­pel­li­er, Stras­bourg, et il a rédigé ponctuelle­ment le compte ren­du de ces réunions.

Pour ter­min­er cette trop courte notice, je ne dois pas omet­tre son attache­ment à sa vie famil­iale, ses enfants et son épouse. Cette dernière étant affec­tée d’un hand­i­cap des mem­bres inférieurs, il fal­lait voir avec quelle ten­dre sol­lic­i­tude il l’aidait à se déplacer.

Un juste nous a quit­tés, la com­mu­nauté poly­tech­ni­ci­enne ne l’ou­blie pas. 

André PASQUET (39),
vice-président honoraire du Conseil général
des Ponts et Chaussées

 
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Gérard et moi nous nous sommes con­nus à Mar­seille à l’au­tomne 1940, dans un con­texte mou­ve­men­té, aggravé pour Gérard par la mort de son père X‑Mines (pro­mo­tion 14) peu de temps avant. Beau­coup de choses nous rap­prochaient : tous les deux Parisiens, mais lui par sa mère avait une longue fil­i­a­tion provençale ; nous réagis­sions de la même manière aux événe­ments ; nous aimions les maths. On a ain­si fait ensem­ble la ter­mi­nale sci­ences et la prépa.

Mais fin 1942 les Alle­mands occu­pent la zone Sud : avec deux amis, Paul Cousser­an et Hen­ri Blanc, nous adhérons à un groupe de résis­tance : nous dis­tribuons des tracts, accom­pa­gnons des jeunes refu­sant le ser­vice du tra­vail oblig­a­toire des Alle­mands, organ­isons le rav­i­taille­ment des maquis, ce qui nous amène un jour au Ver­cors en y trans­portant un vieux fusil-mitrailleur.

Nos deux amis sont arrêtés et déportés et nous nous dis­per­sons. Gérard part à Dieule­fit, puis rejoint le maquis du Plan de la Vache dans le mas­sif de Belle­donne. Là, sous le nom de Batig­nolles, il assiste à un para­chutage, par­ticipe avec suc­cès à l’at­taque d’un poste de guet alle­mand, et ter­mine sur le Front des Alpes. Tous les gens qu’il a ren­con­trés à cette époque lui ont lais­sé un sou­venir suff­isam­ment vif pour qu’il les décrive avec humour et sym­pa­thie dans un petit réc­it écrit à l’in­ten­tion de sa famille.

On se retrou­ve à l’au­tomne 1945 à l’X. Une longue mal­adie le décale d’une année dans ses études, ce qui nous per­met de nous retrou­ver à l’É­cole des ponts, car entre-temps, j’avais passé une année aux États-Unis. Et de nou­veau, en 1948, du fait de nos affec­ta­tions en province, nos tra­jec­toires se séparent.

Heureuse­ment, sa grande fidél­ité en ami­tié nous per­met de nous retrou­ver à Paris quelques années plus tard avec nos deux amis revenus de dépor­ta­tion. Nos activ­ités ont peu de points com­muns, mais nous avons tou­jours grand plaisir à nous retrou­ver. Les années passent. Il perd sa femme en 1985. Il passe par­fois par des phas­es de décourage­ment, mais sa fac­ulté de rebondisse­ment fait l’ad­mi­ra­tion et la sur­prise de ses proches. Il rede­vient curieux des choses et des gens, aimant nouer et entretenir des con­tacts avec les per­son­nes les plus divers­es, leur par­ler et leur écrire.

À sa retraite, il se con­sacre alors avec pas­sion à l’ex­po­si­tion qui a révélé le rôle des X dans la Résis­tance, comme me l’a rap­porté Bernard Lévi (41). Au cours de ses dernières années, il a eu la joie de la voir se con­cré­tis­er. Elle a d’abord été présen­tée à l’Assem­blée nationale. Il l’a ensuite accom­pa­g­née dans plusieurs villes de France qui s’é­taient illus­trées dans la Résistance.

Et il dis­paraît sans bruit. Il nous laisse le sou­venir d’un homme très mod­este, à la fois loquace et pudique, très cul­tivé et surtout très musi­cien, grâce à sa mère dont l’amie très proche était la grande musi­ci­enne Yvonne Lefébu­re ; rigoureux, entière­ment dévoué au ser­vice pub­lic au point de m’en vouloir un peu paraît-il d’avoir ” pan­tou­flé “. Pas­quet nous a décrit sa vie pro­fes­sion­nelle bien rem­plie con­sacrée surtout à la recherche et à l’en­seigne­ment. Il laisse sa famille proche très attachée à son sou­venir. Nous ne l’ou­blierons pas.

Guy SAIAS (44),
fondateur et président d’honneur
de SETEC (Société d’études techniques et économiques)

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