Georges BESSE en uniforme de polytechnique

Georges BESSE (48)

Dossier : ExpressionsMagazine N°668 Octobre 2011
Par Christian MARBACH (56)

Georges BESSE en uni­forme de polytechnicien

Il serait pro­fon­dé­ment injuste que l’his­toire de notre pays, et pas seule­ment son his­toire indus­trielle, ne retienne de Georges Besse que le soir de sa mort : si des usines, des écoles, des rues, des salles de réunion portent son nom, c’est pour rap­pe­ler d’a­bord la gran­deur et la qua­li­té de sa vie. 

Un destin français

De sa qua­li­fi­ca­tion d’Au­ver­gnat, Besse sau­ra vite faire un atout et un argu­ment : un franc est un franc, un chou est un chou. Sa famille est modeste, son père poseur de lignes de télé­phone pour les PTT. Nous devons réflé­chir d’a­bord au pour­quoi du par­cours de Besse : encou­ra­ge­ments fami­liaux, dis­cer­ne­ment du corps des ins­ti­tu­teurs et des pro­fes­seurs, accep­ta­tion par une famille unie de sacri­fices pour pous­ser un gamin doué et le reca­drer si néces­saire, cela arri­va, et évi­dem­ment, une fois la règle du jeu com­prise et admise par l’a­do­les­cent, volon­té de tra­vail et de réus­site du jeune Georges. 

Un étudiant travailleur

Un chou est un chou, un franc est un franc 

Seconde étape, l’X. Il est de bon ton, chez trop de poly­tech­ni­ciens, de se van­ter d’y avoir peu tra­vaillé (du moins sur les matières du pro­gramme), d’y avoir connu des pro­fes­seurs peu inté­res­sants ou peu moti­vés à vous coa­cher, d’af­fir­mer que leur car­rière future ne doit rien à ce qu’ils ont appris à l’X, ni d’ailleurs en taupe ou en école d’ap­pli­ca­tion, de déni­grer du coup un clas­se­ment tout juste bon à mettre en valeur des obsé­dés du boulot. 

Rien de tout cela chez Georges Besse. Il aimait tra­vailler, il aimait les matières qu’il tra­vaillait et conti­nue­rait à per­fec­tion­ner par la suite, il savait que son des­tin d’in­gé­nieur pas­sait par la com­pré­hen­sion fine des phé­no­mènes phy­siques et de leurs consé­quences sur les méca­nismes et les machines. 

Georges BESSE un grand patron

Reconstruire la France

Georges Besse vou­lait être ingé­nieur. Pas fonc­tion­naire, au sens bureau­cra­tique du terme, même s’il accep­ta la règle du jeu d’en­trer dans le corps des Mines où l’ap­pe­lait son clas­se­ment – cer­tain que ce corps lui don­ne­rait de nom­breuses oppor­tu­ni­tés. Il vou­lait être ingé­nieur pour faire, et par­ti­ci­per à l’oeuvre de recons­truc­tion du pays : en 1948, la guerre est à peine finie, la guerre froide est à son tour une vraie menace. 

Priorités d’aujourd’hui

Peu d’é­crits
À sou­li­gner, le peu de textes écrits par Georges Besse lui-même. Pas de livres de mémoires, pas de textes de confé­rences (sauf une), pas d’in­ter­ven­tions dans des col­loques, pas de par­ti­ci­pa­tions à des ouvrages col­lec­tifs. Modes­tie ? Manque de temps ? Dis­cré­tion ? Ou crainte devant l’exer­cice d’é­crire ? Besse, ni à ses concours d’en­trée à l’X, ni dans les com­po­si­tions de fran­çais des deux années d’É­cole (dont il est quand même sor­ti second), n’a jamais réus­si à avoir de bonnes notes en fran­çais… et pour­tant, quand on lit les nom­breuses lettres qu’il écri­vait à ses col­la­bo­ra­teurs, on s’a­per­çoit qu’il savait très bien expri­mer en phrases simples des indi­ca­tions pré­cises ou des idées fortes. 

Quelles sont, aujourd’­hui, les prio­ri­tés que l’on pro­pose à des jeunes gens com­pé­tents et aptes pour ce type de métiers ? Dans le double appel, dou­ble­ment légi­time, de l’am­bi­tion indi­vi­duelle et de la réus­site col­lec­tive, il est clair que le poids du col­lec­tif est sou­vent consi­dé­ré aujourd’­hui comme rin­gard. Et l’on peut faire la même remarque pour le choix entre le ser­vice du pays ou la ges­tion indi­vi­dua­liste de la mul­ti­na­tio­na­li­té géné­ra­li­sée, tein­tée tan­tôt de com­pé­ti­tion for­ce­née, tan­tôt d’u­to­pie éco­lo­gique. Autres dia­lec­tiques du même tabac : entre l’ob­jec­tif finan­cier de l’en­ri­chis­se­ment per­son­nel et celui du ser­vice de la col­lec­ti­vi­té, entre le sta­tut de fonc­tion­naire et celui de tra­der. La situa­tion de 1950 n’é­tait pas celle de 2011 et cet envi­ron­ne­ment pèse sur les choix individuels. 

Cohérence

Dates clés
Rap­pe­lons briè­ve­ment les dates de sa car­rière. De 1955 à 1964, le nucléaire (déve­lop­pe­ment de la sépa­ra­tion iso­to­pique par dif­fu­sion gazeuse). De 1964 à 1973, Alca­tel (mais Besse conti­nue à sur­veiller l’é­vo­lu­tion du nucléaire). De 1974 à 1982, Euro­dif puis Coge­ma. De 1982 à jan­vier 1985, Péchi­ney Ugine Kuhl­mann. Puis Renault. 

Pour Besse, en 1950 donc, le choix est clair, il y aura cohé­rence entre ce qu’on lui a expli­qué de l’X, et son par­cours propre. Pas de faux-sem­blants, mais déjà cette cohé­rence qui sera la marque de son per­son­nage dans toutes les fonc­tions qu’il occu­pe­ra : je veux deve­nir un bon ingé­nieur, je sais que j’en ai les moyens intel­lec­tuels, je les déve­loppe par un tra­vail conti­nu qui ne m’empêche pas de goû­ter aux joies de la famille (une prio­ri­té, aus­si), de la cama­ra­de­rie (le rug­by à Cler­mont- Fer­rand ou à l’X) ou de la décou­verte (le voyage aux États-Unis). Ces deux der­niers exemples ont comp­té l’un et l’autre dans la for­ma­tion de sa personnalité. 

Besse aura sou­vent des mots durs pour les diri­geants négli­geant la dimen­sion tech­no­lo­gique et pri­vi­lé­giant l’ap­proche financière 

Une carrière d’ingénieur

Besse veut être ingé­nieur. Avant d’al­ler rejoindre un poste dans l’ar­ron­dis­se­ment miné­ra­lo­gique de Béthune, il demande à assu­mer des fonc­tions d’in­gé­nieur du fond : atti­tude de nou­veau cohé­rente, car com­ment sur­veiller des acti­vi­tés si on ne les a pas vécues inti­me­ment ? Puis, après quelques mois de fonc­tion publique, il est appe­lé à appor­ter son concours au CEA : le corps des Mines a joué son rôle d’o­rien­ta­tion et Guillau­mat a recru­té un jeune mineur que l’on devine capable de performances. 

Primauté à la technique et au produit

Ingé­nieur, puis chef de pro­jets, et de pro­jets tou­jours plus dif­fi­ciles. Patron de filiales. Homme d’en­tre­prise, ou d’en­tre­prises au plu­riel, tou­jours en assu­mant ses fonc­tions avec l’af­fir­ma­tion de la pri­mau­té de la connais­sance tech­nique : Besse aura sou­vent des mots durs pour les diri­geants pri­vi­lé­giant l’ap­proche finan­cière dont pour­tant il connais­sait l’im­por­tance et la pré­gnance, mais aus­si pour les soi-disant mana­gers pro­fes­sion­nels pré­ten­dant pou­voir diri­ger indif­fé­rem­ment une chaîne de super­mar­chés ou une socié­té d’élec­tro­nique. Pri­mau­té donc à la tech­nique et au pro­duit. Chez Renault, il aura à faire de gros efforts pour sai­sir les spé­ci­fi­ci­tés du pro­duit auto­mo­bile, comme d’ailleurs de son cir­cuit de pro­duc­tion ou de dis­tri­bu­tion, et il s’at­ta­che­ra à y arri­ver par d’in­ces­santes visites d’u­sines mais aus­si, ce qui est plus ori­gi­nal, par la lec­ture des lettres de récla­ma­tion des clients. 

Un ingénieur devenu patron

Le contact direct
Une des grandes carac­té­ris­tiques de Besse, mana­ger-ingé­nieur ou ingé­nieur-mana­ger, est d’al­ler sys­té­ma­ti­que­ment sur le ter­rain, de ne jamais se conten­ter de papiers (je le cite : » Un beau papier, on lui fait dire ce qu’on veut »), de recher­cher tou­jours le contact direct pour se faire expli­quer ou expliquer. 

Georges Besse n’a jamais oublié qu’il était d’a­bord un ingé­nieur, et il a vécu les étapes de sa car­rière de diri­geant comme l’ac­crois­se­ment pro­gres­sif de ses res­pon­sa­bi­li­tés, autour de ce noyau. Cer­tains patrons mettent d’autres prio­ri­tés au coeur de leur métier, ou jus­ti­fient leur légi­ti­mi­té de mana­ger par elles : la maî­trise des ques­tions finan­cières, la proxi­mi­té avec le pou­voir poli­tique, la faci­li­té de com­mu­ni­ca­tion, la réa­li­té auto­pro­cla­mée d’une apti­tude à com­man­der. Rien de tout cela chez Besse. C’est peu à peu qu’il a ajou­té à ses qua­li­tés d’in­gé­nieur la com­pré­hen­sion de don­nées finan­cières, en s’ef­for­çant tou­jours d’en sim­pli­fier le sui­vi ; la connais­sance des pro­blèmes juri­diques ou ins­ti­tu­tion­nels rela­tifs aux enti­tés dont il avait la charge ; l’ha­bi­le­té des com­por­te­ments face à l’É­tat ; et sur­tout la ges­tion des rela­tions humaines et sociales. Fai­sant la preuve, dans tous ces domaines, de sa capa­ci­té à prendre des déci­sions et à faire front face aux innom­brables contre­temps de la vie d’entrepreneur. 

Manager minute

Un livre paru dans les années quatre- vingt (The One Minute Mana­ger) pro­po­sait trois règles de mana­ge­ment : fixer des objec­tifs minute, faire des reproches minute, don­ner des com­pli­ments minute. C’est-à-dire savoir fixer à ses col­la­bo­ra­teurs des objec­tifs clai­re­ment énon­cés sur une page lisible en une minute tout en les lais­sant libres de leurs moyens. Être capable de leur dire vite ce qui ne mar­chait pas, en limi­tant le reproche à l’ac­tion man­quée sans condam­ner la per­sonne. Et savoir dire vite bra­vo à une bonne ini­tia­tive et une belle réussite. 

Quand un conflit pre­nait des formes impré­vues, il savait faire face avec sa per­son­na­li­té d’exception 

Langage de vérité

Georges BESSE chez Pechiney Affi­cher ces prio­ri­tés ne sup­pose au demeu­rant aucun angé­lisme. Deux exemples : Besse res­pec­tait les res­pon­sables en place quand il arri­vait dans une entre­prise (un de ses gestes les plus remar­qués quand il est arri­vé chez PUK ou chez Renault était d’ar­ri­ver au volant de sa petite voi­ture per­son­nelle, juste accom­pa­gné de sa secré­taire), mais il savait tout à fait les chan­ger quand il se met­tait à sim­pli­fier l’or­ga­ni­sa­tion ou cher­chait à mieux suivre cer­taines acti­vi­tés. Et, dans le domaine plus géné­ral des rela­tions sociales, il ne mécon­nais­sait pas que la vie des entre­prises était jalon­née de conflits, que cet état de choses était inévi­table, et son com­por­te­ment le condui­sait d’a­bord à tenir un lan­gage de véri­té et de cohé­rence pour convaincre ; à pas­ser d’a­bord par les dia­logues ins­ti­tu­tion­nels, avec les syn­di­cats, et au seul niveau hié­rar­chique où se posait le pro­blème. Mais aus­si, et tou­jours, com­mu­ni­quer avec l’en­semble du per­son­nel pour se faire com­prendre et, en cas de dif­fi­cul­tés, avoir la majo­ri­té avec lui. Et, quand le conflit pre­nait des formes impré­vues, il savait faire face avec sa per­son­na­li­té d’exception.Faire face, et décider. 

Contri­buer au progrès
Cer­tains aspects de la per­son­na­li­té de Georges Besse expliquent son pro­fil de mana­ger. Un aspect mérite par­ti­cu­liè­re­ment d’être sou­li­gné : c’est la foi qu’il avait dans le pro­grès, et sa convic­tion que l’ac­tion des hommes, et en par­ti­cu­lier celle des déci­deurs, pou­vait et devait contri­buer aux pro­grès des col­lec­ti­vi­tés dans les­quelles ils vivaient. On peut mettre des mots plus ou moins char­gés de morale ou de reli­gion sur ce genre de croyance : l’hu­ma­nisme social, la par­ti­ci­pa­tion à la créa­tion du monde ou du moins à la construc­tion d’une France plus forte, la foi en l’avenir. 

« Leadership » et solitude

Quelles sont les qua­li­tés qui font un chef ? Si les carac­té­ris­tiques de l’é­tat de chef ne sont pas sim­ple­ment expli­cables par la voie de l’a­na­lyse logique, ou déve­lop­pables par celle de l’é­du­ca­tion, Besse a pour sa part répon­du aux ques­tions sur le com­man­de­ment ou le lea­der­ship par des énon­cés simples : « Il y a des gens, dit-il, qui, mal­gré leurs qua­li­tés, sont inca­pables de déci­der. » Pour être un chef, il faut une part d’in­cons­cience. Évi­dem­ment, com­men­ter cet apho­risme typi­que­ment bes­sien pour­rait aus­si être un sujet de dis­ser­ta­tion. Il faut le com­prendre de manière opé­ra­tion­nelle : à un moment don­né, et sou­vent très vite, il faut arrê­ter de cher­cher des infor­ma­tions sup­plé­men­taires ou d’é­la­bo­rer des scé­na­rios pro­ba­bi­listes, et choi­sir en fonc­tion des don­nées dis­po­nibles, en s’ap­puyant avec confiance sur sa propre expé­rience. Donc assu­mer dans la soli­tude ses res­pon­sa­bi­li­tés de leader. 

Sim­pli­fier
Loin de cher­cher à se réfé­rer à une grille de lec­ture pré­éta­blie, tirée par exemple de quelque manuel sur les théo­ries du mana­ge­ment, Besse a tou­jours cher­ché à tenir compte de l’exis­tant (par exemple des hommes en place dans les entre­prises dont il avait reçu la res­pon­sa­bi­li­té) et à sim­pli­fier. Sim­pli­fier, tou­jours sim­pli­fier. Sim­pli­fier les mis­sions de l’en­tre­prise, les orga­ni­grammes, les chaînes de déci­sion, l’é­non­cé des prio­ri­tés. Sim­pli­fier, et donc trou­ver un lan­gage clair, com­pré­hen­sible, cohé­rent. Un lan­gage qui tienne compte des faits et les rap­pelle, avec force et répé­ti­tion si néces­saire. Un lan­gage qui fixe des objec­tifs, avec clar­té, indique sans fard les inflexions utiles ou approuve sans attendre les pro­grès accomplis. 

Délégation et subsidiarité

Besse ne vou­lait pas être un homme public 

Georges Besse : un homme évi­dem­ment intel­li­gent, qui ne cesse d’en­ri­chir ses connais­sances par le tra­vail et l’ob­ser­va­tion du réel, sans cher­cher à lire toutes les choses de l’en­tre­prise selon des grilles pré­éta­blies. Un homme capable alors de déci­der vite, et donc sûr de lui. Un homme qui sait s’ap­puyer sur des col­la­bo­ra­teurs, et leur rap­pelle à tous moments que c’est à eux de régler les pro­blèmes dont ils ont la charge. À eux, chefs de pro­jets, res­pon­sables d’u­sines de savoir aus­si qu’ils ne seront pas désa­voués ou contre­dits, mais pro­té­gés : il existe de nom­breux exemples de situa­tions où, mal­gré des pres­sions venant de la base ou de pou­voirs poli­tiques hors entre­prise, Besse a su rap­pe­ler le prin­cipe de délé­ga­tion et de sub­si­dia­ri­té. Rien de tel, évi­dem­ment, pour aider à rame­ner la dis­ci­pline et le res­pect des hommes et des choses. Un homme habile, en même temps, sachant par­fois jouer avec roue­rie de ses qua­li­tés réelles comme de ses défauts appa­rents pour arri­ver à ses fins, une fois qu’il avait pesé la per­ti­nence de ses objectifs. 

Auver­gnat bourru
Georges Besse, qui aimait le contact avec ses amis, qui savait alors avoir le sens de la for­mule, par­fois caus­tique, qui ne recu­lait pas devant des dis­cus­sions d’en­tre­prises dif­fi­ciles (avec des clients, des four­nis­seurs, des fonc­tion­naires ou des ministres, avec des repré­sen­tants syn­di­caux ou même devant des mani­fes­tants pro­vo­ca­teurs), détes­tait mon­ter sur les estrades du tout-média­tique et se méfiait de beau­coup de jour­na­listes. Mais cela n’empêchait pas la plu­part d’entre eux d’ap­pré­cier sa per­son­na­li­té, quitte à la défi­nir par des for­mules à l’emporte-pièce, Auver­gnat bour­ru, ours, jar­di­nier, etc. Et de louer son action, du moins quand leur article n’é­tait pas écrit d’a­vance dans la ligne poli­tique de leur heb­do­ma­daire ou de leur parti. 

Communiquer autrement

Georges BESSE à Flins en 1985

Visite de Georges BESSE à l’u­sine Renault de Flins (octobre 1985)

Besse était un homme à la fois peu com­mu­ni­ca­tif et simple à écou­ter. Je devrais nuan­cer : peu enclin à faire de la com­mu­ni­ca­tion au sens des com­mu­ni­cants et de leur pré­ten­tion à vou­loir cor­ri­ger ou influen­cer tout dis­cours et toute atti­tude, peu enclin à faire de la com” une prio­ri­té de son action, et donc de tra­vailler pour la presse avant de tra­vailler pour son entre­prise. Mais com­mu­ni­quant autre­ment. À l’in­té­rieur de l’en­tre­prise, disant clai­re­ment les choses, ce qui va, ce qui ne va pas, ce qui ne va pas du tout, mais alors pas du tout. À l’ex­té­rieur, refu­sant avec obs­ti­na­tion de com­men­ter ses états d’âme, les erreurs de ses pré­dé­ces­seurs, l’é­vo­lu­tion d’un conflit, et invi­tant toute l’en­tre­prise à agir de même : pour Schweit­zer, Besse dres­sait une palis­sade autour du chan­tier de son entre­prise. Besse ne vou­lait pas être un homme public. Guillau­mat et Giraud ont, pour leur part, accep­té cette situa­tion, et sur­tout Giraud qui y trou­vait du plai­sir. Besse, non. Il a dû se for­cer pour com­men­cer à répondre aux éco­lo­gistes pen­dant sa période nucléaire. Et chez Renault, Besse a vrai­ment dû for­cer sa nature. 

Pour la gloire

Georges BESSE et Renault Bien d’autres aspects de la per­son­na­li­té de Georges Besse, ingé­nieur et diri­geant, méri­te­raient d’être déve­lop­pés. En voi­ci quelques-uns en vrac. Son rap­port au pou­voir poli­tique : Besse avait ses idées, mais il croyait assez à la démo­cra­tie pour ne jamais refu­ser les indi­ca­tions don­nées par un pou­voir que des élec­teurs avaient légi­ti­mé. Son rap­port à l’argent. Son appré­cia­tion de l’ac­tion syn­di­cale dans les diverses fonc­tions qu’il a occu­pées. Sa posi­tion face à ses supé­rieurs hié­rar­chiques (« J’ai dû être un subor­don­né insup­por­table « , a‑t-il dit, mais évi­dem­ment per­sonne ne l’a jamais congé­dié). Son contact avec les clients, en par­ti­cu­lier étran­gers, et avec les four­nis­seurs. Enfin, son rap­port au pays : dans la devise de notre École, Besse aurait cer­tai­ne­ment pro­non­cé avec force et convic­tion les termes Pour la patrie, les sciences… mais il aurait appuyé la fin et la gloire. Par son par­cours, sa per­son­na­li­té et son action, nous savons que cette gloire, il l’a super­be­ment méritée. 

Cet article a été rédi­gé à par­tir d’une confé­rence et d’un ensemble de textes écrits par Chris­tian Mar­bach sur Georges Besse. Com­plé­tés par d’autres contri­bu­tions : en par­ti­cu­lier signées par Ray­mond Lévy (46), Jacques Lesourne (48), Fran­çois de Wis­socq (53), ils consti­tuent le thème du Bul­le­tin numé­ro 49 de la Sabix, paru en sep­tembre 2011.

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