Franz Schubert : Neuvième symphonie, dite La Grande

Franz Schubert : Neuvième symphonie, dite La Grande

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°778 Octobre 2022
Par Marc DARMON (83)

La Neu­vième Sym­phonie a été la dernière sym­phonie de Schu­bert. Comme cela a été la dernière sym­phonie de Beethoven l’année précé­dente (1824), mais aus­si ultérieure­ment de Dvořák, de Mahler, de Bruck­n­er. Mais, ce qui dif­féren­cie ces cinq neu­vièmes sym­phonies, c’est que la Neu­vième de Schu­bert est une œuvre de jeunesse. Oui, de jeunesse, comme tous les chefs‑d’œuvre de Schu­bert, car ce musi­cien mer­veilleux, aux mélodies et mod­u­la­tions enchanter­ess­es, sym­bole du mou­ve­ment roman­tique à lui tout seul, a dis­paru en 1828 à trente et un ans ! Quand on voit et con­naît la matu­rité, la force et la puis­sance, la richesse des dernières sonates de Schu­bert, de ses derniers quatuors, de ses dernières sym­phonies (dont l’Inachevée), on réalise la perte pour l’art occi­den­tal de ne pas pou­voir prof­iter de dix ans, même de cinq ans de com­po­si­tions sup­plé­men­taires de Schubert. 

Cette sym­phonie n’a jamais été jouée du vivant du com­pos­i­teur, c’est Schu­mann et Mendelssohn qui firent jouer l’œuvre plus de dix ans après le décès de Schu­bert. Elle a la struc­ture des sym­phonies beethove­ni­ennes en qua­tre mou­ve­ments, mais sa longueur (une heure) et sa moder­nité font d’elle le chaînon man­quant entre les dernières sym­phonies de Beethoven et les pre­mières de Bruckner.

À la fin de sa car­rière, Leonard Bern­stein dirigea et enreg­is­tra beau­coup en Europe, à Vienne prin­ci­pale­ment mais aus­si à Tel Aviv, à Paris et comme ce soir-là de 1987 à Munich. À la tête d’un des tout pre­miers orchestres d’Allemagne, il donne une inter­pré­ta­tion de grande enver­gure, dans la tra­di­tion sym­phonique alle­mande, avec une sim­plic­ité et une sincérité évi­dentes de ses gestes. Sa con­nais­sance intense, per­son­nelle et pro­fonde de la par­ti­tion lui per­met d’établir une rela­tion presque mag­né­tique et com­plice avec l’orchestre : alors qu’à la fin du con­cert Bern­stein se tient par­mi les musi­ciens, dans son acte habituel d’humilité, ceux-ci le for­cent à retourn­er sur le podi­um ; et Bern­stein, lui, démem­bre le bou­quet de fleurs et le partage avec eux. Jouant l’ensemble des repris­es, n’ayant pas peur des « divines longueurs » (expres­sion de Schu­mann) de Schu­bert, Bern­stein nous offre une heure de musique for­mi­da­ble, à la fois parachève­ment de la tran­si­tion du clas­si­cisme vers le roman­tisme et pré­mo­ni­tion (en 1825 !) de ce que seraient les œuvres de Bruck­n­er quar­ante ans plus tard. 

En com­plé­ment de pro­gramme, l’ouverture du mélo­drame Man­fred de Robert Schu­mann, d’après lord Byron, seul morceau de cette œuvre du Schu­mann tardif (1848) que l’on joue encore, enreg­istrée deux ans plus tôt à Vienne. Deux orchestres dif­férents, deux moments dif­férents de roman­tisme musi­cal alle­mand, la même capac­ité d’interprétation superbe et sublime.


Orchestre de la Radiod­if­fu­sion Bavaroise, direc­tion Leonard Bernstein

1 DVD Euroarts

Poster un commentaire