Eric Setton par Laurent Simon

Éric Setton (98), la vidéo en Tango

Dossier : TrajectoiresMagazine N°765 Mai 2021
Par Pierre LASZLO

Éric Set­ton est d’une famille juive sépha­rade, très inter­na­tionale. Ses qua­tre grands-par­ents sont orig­i­naires de qua­tre com­mu­nautés, Grèce, Russie, Ital­ie et Angleterre. Ses par­ents s’installèrent à Paris au début des années 70. Ils por­taient une très grande atten­tion à l’éducation de leurs enfants. Éric Set­ton fit donc une pré­pa à Louis-le-Grand, en com­pag­nie de David Fat­tal (98), qui devint un grand ami. Inté­grés l’un et l’autre en 3/2, majors l’un et l’autre du con­cours d’entrée, leurs classe­ments leur ouvrirent les corps des Mines et des Ponts, aux­quels ils renon­cèrent, préférant une for­ma­tion par la recherche.

Stanford ou la pampa ?

Éric Set­ton fit son ser­vice nation­al dans les ser­vices de ren­seigne­ments, en con­tact avec le ter­rain : « Entouré de gens ayant voca­tion à servir l’État. » L’équitation fut le sport qu’il choisit à l’École : « Quand je suis arrivé à Stan­ford, étant bon cav­a­lier, j’ai com­mencé comme parte­naire d’entraînement pour l’équipe de polo. » Dans le cadre d’un stage, Éric Set­ton par­tit s’occuper d’un trou­peau de vach­es en Argen­tine, dans la pam­pa : il lui fal­lait tra­vailler avec le bétail tous les jours. Très dur, physique­ment. C’est là qu’il prit la déci­sion d’aller dans les télé­coms plutôt que dans la finance.

Sa for­ma­tion par la recherche se fit à Stan­ford : Éric Set­ton en acquit le vif désir à l’X, via l’enseignement de Stéphane Mal­lat (81) qui, de plus, l’aida énor­mé­ment à le con­cré­tis­er. « Des 400 dans ma pro­mo, on était 19 à nous retrou­ver à Stan­ford ! » Il y accé­da en 2001 et y pré­para, dans le départe­ment d’ingénierie élec­trique, un PhD axé sur des nou­velles tech­niques d’encodage et de stream­ing de vidéos. Leur dif­fu­sion sur la Toile se heur­tait à la trans­mis­sion aléa­toire des paque­ts de don­nées, par­venant en ordre dis­per­sé, voire se per­dant totale­ment. Éric Set­ton élab­o­ra une stratégie pour y par­er, le routage mul­ti­voie. Il pub­lia même le pre­mier livre sur le sujet, Peer-to-Peer Video Stream­ing (Springer), en 2007. 

Startupper vidéomane

Son doc­tor­at acquis, Éric Set­ton entra chez Hewlett-Packard mais n’y pas­sa que treize mois. En octo­bre 2007, il fondait une start-up, Dyyno, pour la dif­fu­sion et la dis­tri­b­u­tion de vidéos, juste­ment. En 2009, le 9 sep­tem­bre, avec Uri Raz, il fondait une autre start-up, Tan­go : « On s’est lancé avec l’idée de faire le pre­mier ser­vice de com­mu­ni­ca­tion vidéo-mobile. Quand vous avez des enfants, vous ne pou­vez pas les suiv­re sur votre ordi­na­teur. Mes enfants ne peu­vent même pas imag­in­er qu’on puisse par­ler à ses proches sans les voir. Pour moi, c’est mag­ique. » Au départ, Éric Set­ton ani­mait une toute petite équipe, 14 personnes.

Tan­go est une appli­ca­tion de mes­sagerie mobile, avec des cen­taines de mil­lions d’utilisateurs de par le monde, pour des appels vidéo et vocaux gra­tu­its, de tex­tos, de décou­verte sociale, de nav­i­ga­tion et de partage de con­tenu. Tan­go, mul­ti­plate­forme – plus de 70 « bid­ules » dif­férents –, fonc­tionne sur 3G, 4G et wi-fi et compte plus de la moitié de ses usagers via les télé­phones mobiles Android. Tan­go est acces­si­ble en 15 langues dans plus de 224 pays. « Tous les jours je réalise le rêve d’à peu près tout ingénieur, un sys­tème glob­al de télécommunications. »

Going global

En 2014, le géant chi­nois Aliba­ba rachetait une par­tic­i­pa­tion minori­taire de Tan­go à ses fon­da­teurs pour 215 mil­lions de dol­lars ; Éric Set­ton se his­sait de la sorte par­mi les 500 plus grandes for­tunes français­es. À ce jour, la société a levé 367 mil­lions de dol­lars en finance­ment de cap­i­tal-risque et a ouvert aus­si un bureau à Saint-Péters­bourg. La pandémie de Covid-19, stim­u­lant la télé­com­mu­ni­ca­tion tous azimuts, n’a fait que ren­forcer l’emprise de Tan­go sur son secteur. La plu­part des col­lab­o­ra­teurs de Tan­go sont bilingues ou polyglottes.

“Les X sont comme des poissons dans l’eau dans la Silicon Valley”

Éric Set­ton est un garçon extrême­ment attachant : très ouvert, il s’exprime avec aisance et plaisir. La famille est pour lui une valeur pri­mor­diale. Ce danseur assidu a ren­con­tré son épouse de cette manière (par le tan­go, d’où le nom de sa société). Le sport, pra­tiqué ensem­ble avec sa femme, est le kitesurf, planche tirée par un cerf-volant : « C’est grâce au kitesurf que j’ai trou­vé notre pre­mier investis­seur (Bill Tai) pour Tan­go. » Ils ont deux filles, de 10 et 7 ans. Elles sont trilingues. L’aînée va dans une école de rêve, bicul­turelle, à Palo Alto.

« La com­mu­nauté des X se développe de manière incroy­able dans la Val­ley. Les X sont comme des pois­sons dans l’eau dans la Sil­i­con Val­ley. J’ai la chance de pou­voir garder un lien assez fort avec la France. » Éric pré­side depuis avril 2018 Friends of Ecole Poly­tech­nique.

Poster un commentaire