Deux ouvrages sur la mécanique quantique

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°674 Avril 2012Par : respectivement Jean-François Dars & Anne Papillault et Franck Laloë (60)Rédacteur : Alexandre MOATTI (78)

Mes­si­ah (40). Friedel (42). Balian (52). Brézin (58). Laloë (60). Bal­ibar (66). Spiro (66). Deveaud-Plé­dran (71). Georges (79). Hélène Per­rin (91). Cécile Robil­liard (91). Treps (94). Lau­ri­ane Chomaz (06).

Courverture du livre : Le plus grand des hasards, Surprises quantiquesCe n’est pas la liste des gag­nants à une quel­conque tombo­la : s’il y a hasard, c’est de hasard quan­tique qu’il s’agit. Le beau livre Le plus grand des hasards. Sur­pris­es quan­tiques recense une soix­an­taine d’acteurs français de la physique quan­tique, dont nos treize cama­rades ci-dessus – et c’est plutôt bon signe de voir ain­si les poly­tech­ni­ciens, de tous âges, au vecteur d’état mas­culin ou féminin, représen­tés en bonne pro­por­tion dans le gratin de la recherche en physique quan­tique. Sans oubli­er les pro­fesseurs et chercheurs à l’École qui y fig­urent aus­si : Aspect, Bas­de­vant ou Dalibard…

Les deux auteurs, avant tout pho­tographes (met­teurs en scène de sci­ence pour­rait-on dire), récidi­vent après les por­traits de math­é­mati­ciens des Déchiffreurs (Belin 2008) : ils sai­sis­sent cette fois-ci des instan­ta­nés en noir et blanc de nos physi­ciens au tra­vail, chez eux, au « bureau », entre col­lègues, et les font par­ler, l’un après l’autre, de leur vision de la physique quantique.

On se plaît à imag­in­er un édi­teur alle­mand qui aurait mis en oeu­vre cette idée dans les années 1920–1930, avec les pho­togra­phies et la vision de Bohr, Born, de Broglie, Dirac, Ein­stein, Fer­mi, Heisen­berg, Pauli, Schrödinger… C’est en tout cas un beau livre d’art et de philoso­phie des sci­ences racon­tée à tous que ce Plus Grand des hasards contemporain.

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Couverture du livre : Comprenons-nous vraiment la mécanique quantique ?Tout autre est le livre d’un de ces acteurs-là, Franck Laloë. Ce n’est ni un livre de vul­gar­i­sa­tion tra­di­tion­nel, ni un manuel uni­ver­si­taire comme peu­vent l’être le fameux « Mes­si­ah » (Dun­od) – qui a for­mé des généra­tions de physi­ciens français –, ou le non moins fameux manuel (Her­mann) de Claude Cohen-Tan­noud­ji, Diu et… Laloë.

Ce dernier puise dans son e x p é r i e n c e d’écriture de manuels de référence, et bien évidem­ment dans sa pra­tique quan­tique, pour nous livr­er un ouvrage solide, con­forme aux promess­es de la col­lec­tion, inti­t­ulée « Savoirs actuels ». Il nous fait entr­er dès l’abord dans le for­mal­isme math­é­ma­tique, mais ne nég­lige pas la riche his­toire de la physique quan­tique – dans cette matière l’histoire est encore plus que dans d’autres dis­ci­plines un moyen effi­cace de com­préhen­sion –, non plus que les inter­ro­ga­tions philosophiques y afférant, en dis­cus­sion des résul­tats physiques suc­ces­sive­ment exam­inés et démon­trés par l’auteur.

J’aime bien une image de l’ouvrage, à pro­pos du lanci­nant prob­lème de la réduc­tion du vecteur d’état (ou « réduc­tion du paquet d’ondes »), pro­pre à la mesure macro­scopique des pro­priétés quan­tiques : est-ce qu’un ani­mal (un chat?) peut réalis­er une expéri­ence et réduire le vecteur d’état, ou est-ce l’apanage des êtres humains ?

Laloë cite à ce pro­pos John Bell : « La fonc­tion d’onde de l’Univers était-elle en train d’attendre d’effectuer son pre­mier saut pen­dant des mil­liers de mil­lions d’années jusqu’à l’apparition de la pre­mière créa­ture vivante uni­cel­lu­laire ? Ou a‑t-elle dû atten­dre un peu plus un obser­va­teur plus qual­i­fié – avec un doc­tor­at d’État ? »

Mais, surtout, cet ouvrage nous trans­porte dans les expéri­ences et dis­cus­sions les plus récentes – et, dis­ons-le, les plus trou­blantes –, celles de l’intrication et de la réduc­tion notam­ment, en nous en don­nant les dif­férentes inter­pré­ta­tions en cours, dérivées de l’école de Copen­h­ague ou s’en éloignant.

Un livre à lire armé d’un solide bagage math­é­ma­tique – pourquoi pas celui d’un poly­tech­ni­cien for­mé par les pro­fesseurs men­tion­nés ci-dessus ?

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