Centrale solaire en Afrique

Des solutions adaptées au cas de l’Afrique

Dossier : Les énergies renouvelablesMagazine N°730 Décembre 2017
Par Henri BOYÉ (67)
Par Thomas LÉONARD (02)
Par Nicolas PLAIN (11)

L’A­frique, conti­nent péna­li­sé par le manque d’électricité, connaît sa révo­lu­tion avec les éner­gies renou­ve­lables, dont le solaire. Elles sont deve­nues très concur­ren­tielles et sont adap­tées à la créa­tion de mini-réseaux indis­pen­sables sur ce ter­ri­toire. Le concept est vali­dé et des solu­tions finan­cières et indus­trielles sont mises en place. 

Aujourd’­hui dans le monde près de 1,2 mil­liard d’humains n’a pas accès à l’électricité, dont plus de 600 mil­lions sur le conti­nent africain. 

L’Afrique est en effet à la traîne en termes d’infrastructures – faible capa­ci­té ins­tal­lée (pour l’ensemble du conti­nent hors Afrique du Sud, capa­ci­té 3 fois infé­rieure à celle de la France), réseau peu déve­lop­pé, taux d’électrification très faible (37,5 % pour l’Afrique subsaharienne). 

Avec la forte chute des coûts du solaire PV, l’énergie solaire n’est plus du tout une uto­pie, elle devient réel­le­ment com­pé­ti­tive par rap­port au die­sel dans les zones hors réseau et peut appor­ter une contri­bu­tion déci­sive à l’électrification du conti­nent, à un coût abor­dable et de manière propre. 

REPÈRES

L’Afrique dispose d’un énorme potentiel en énergies renouvelables : hydroélectrique, biomasse (souvent surexploitée), éolien, et bien évidemment une importante ressource solaire dans la plupart des régions (irradiation de 2 250 kWh/m2/an à Dakar à comparer aux 1 210 kWh/m2/an à Paris).

DES INVESTISSEMENTS SUPPORTABLES

Au plan éco­no­mique, les mon­tants d’investissement sont aujourd’hui de quelques dizaines d’euros pour une bonne lampe solaire pho­to­vol­taïque à bat­te­rie inté­grée, et de quelques cen­taines d’euros pour des Solar Home Sys­tems individuels. 

Bien sûr, il faut prendre en compte le niveau de vie et le pou­voir d’achat des popu­la­tions, qui est sou­vent faible, et un mon­tage finan­cier adap­té est néces­saire avec la mise en oeuvre de finan­ce­ments par prêts, par loca­tion de maté­riel solaire, ou vente de ser­vices élec­triques avec tarifs divers, si pos­sible en impli­quant des inves­tis­seurs pri­vés assu­rant ser­vice et main­te­nance dans la durée. 

DES SOLUTIONS ADAPTÉES À LA VARIÉTÉ DES SITUATIONS

Les sys­tèmes solaires peuvent être déployés de manière adap­tée à chaque zone de peu­ple­ment. Dans les zones éloi­gnées du réseau, avec une faible den­si­té de popu­la­tion, les SHS (Solar Home Sys­tems) indi­vi­duels sont géné­ra­le­ment la solu­tion à pri­vi­lé­gier avec des pan­neaux solaire PV (1 à 40 watts-crête) et une bat­te­rie pour le stockage. 

“ La compétitivité des miniréseaux solaires est démontrée ”

Sur les cinq der­nières années, les lea­ders du mar­ché (M‑Kopa, Off-Grid Elec­tric, Mobi­sol, etc.) ont levé plus de 360 mil­lions de dol­lars et servent plus de 700 000 consom­ma­teurs. Ces sys­tèmes per­mettent à chaque foyer d’économiser annuel­le­ment jusqu’à 200 dollars. 

Dans les zones cou­vertes par le réseau, il est alors pos­sible d’utiliser des cen­trales solaires plus impor­tantes (10 à 100 MWe) qui vont injec­ter direc­te­ment leur pro­duc­tion dans le réseau. 

Cette pro­duc­tion pour­ra être issue de cen­trales solaires ther­mo­dy­na­miques de type CSP (Concen­tra­ting Solar Power Plant) à concen­tra­tion. C’est le cas au Maroc qui déve­loppe actuel­le­ment la plus grande cen­trale CSP au monde à Ouarzazate. 

Elle peut aus­si pro­ve­nir de cen­trales pho­to­vol­taïques. C’est ain­si que Neoen vient de signer un contrat de par­te­na­riat public-pri­vé de vingt-cinq ans en Zam­bie pour 54 MWe pour un prix de vente record de US $ 0,0602 par kilowattheure. 


Avec la forte chute des coûts, l’énergie solaire devient réel­le­ment com­pé­ti­tive par rap­port au die­sel dans les zones hors réseau.

LES MINI-RÉSEAUX POUR DES SITUATIONS INTERMÉDIAIRES

Entre ces deux situa­tions, c’est géné­ra­le­ment le déve­lop­pe­ment de mini­ré­seaux (mini­grids) qui est adap­té (100 kW et au-des­sus, on parle aus­si de micro-réseaux au-des­sous de 100 kW). 

Mal­gré des den­si­tés de popu­la­tion impor­tantes (vil­lages, villes pou­vant atteindre des cen­taines de mil­liers d’habitants), ces zones ne seront pas reliées au réseau à court ou moyen terme, les coûts de déve­lop­pe­ment de réseaux « à l’européenne » étant non sup­por­tables par les États. 

Là encore, le solaire a tout son rôle à jouer pour la pro­duc­tion d’électricité et pour four­nir un ser­vice élec­trique de qua­li­té capable de sou­te­nir le déve­lop­pe­ment des usages com­mer­ciaux et indus­triels, pour ces zones. 

DES PRIX DE REVIENT COMPÉTITIFS

Pour les mini­ré­seaux, une fois de plus, le solaire peut désor­mais être une option pri­vi­lé­giée. Ces zones, si elles sont élec­tri­fiées aujourd’hui, le sont bien sou­vent par des petits groupes ther­miques élec­tro­gènes, die­sel ou essence, au coût de revient très élevé. 

“ Une énergie propre, fiable pour tous à l’horizon 2030 ”

La pro­duc­tion est fon­da­men­ta­le­ment chère et il convient de prendre en compte les sur­coûts (par­fois plus de 50 %) liés à l’approvisionnement com­plexe en car­bu­rant, ces lieux étant sou­vent isolés. 

Un sys­tème à base solaire pho­to­vol­taïque per­met aujourd’hui de pro­duire des kilo­watt-heures à un coût de revient com­pé­ti­tif, net­te­ment infé­rieur au die­sel, par­fois de moi­tié. Cou­plés à d’autres moyens de pro­duc­tion (ther­mique ou idéa­le­ment hydro­élec­trique ou bio­masse) per­met­tant de gérer les inter­mit­tences et les pics de demande (notam­ment le soir) en atten­dant une baisse suf­fi­sante du coût du sto­ckage (atten­du d’ici cinq ans), les sys­tèmes hybrides sont des solu­tions per­for­mantes économiquement. 

Ces « petites » cen­trales hybrides ont éga­le­ment d’autres avan­tages : rapi­di­té et faci­li­té d’installation (moins d’un an), modu­la­ri­té et proxi­mi­té pos­sible avec les consom­ma­teurs pour limi­ter les coûts du réseau local, avec un réseau intelligent. 

DES BESOINS EN CAPITAUX ET EN COMPÉTENCES POUR LE DÉPLOIEMENT

La com­pé­ti­ti­vi­té des mini­ré­seaux solaires est démon­trée, reste à assu­rer leur déploie­ment sur le terrain. 

Panneaux solaires en Afrique
Le déve­lop­pe­ment du solaire est une oppor­tu­ni­té pour favo­ri­ser le déve­lop­pe­ment durable

La clé est main­te­nant de trou­ver la manière de déployer à l’échelle ces mini réseaux avec un busi­ness model adap­té, qui néces­site l’intégration de plu­sieurs métiers et com­pé­tences : inno­va­tion finan­cière pour per­mettre le finan­ce­ment de ces sys­tèmes (pas d’acheteur ins­ti­tu­tion­nel mais une myriade de consom­ma­teurs finaux appar­te­nant au « bas de la pyra­mide »), inno­va­tion dans la ges­tion client pour assu­rer un ser­vice low cost mais effi­cace (SAV, fac­tu­ra­tion, recou­vre­ment, notam­ment en uti­li­sant la tech­no­lo­gie de paie­ment mobile), for­ma­tion des res­sources humaines pour assu­rer la ges­tion et la main­te­nance du sys­tème sur le long terme, etc. 

DES OPÉRATIONS PILOTES POUR VALIDER LES CONCEPTS

De nom­breux déve­lop­peurs tra­vaillent actuel­le­ment sur des opé­ra­tions pilotes pour vali­der la fai­sa­bi­li­té tech­nique et l’équilibre éco­no­mique et finan­cier des mini­ré­seaux. Beau­coup de pro­jets de petite taille se sont déve­lop­pés par exemple en Tan­za­nie où l’État a fixé un cadre ins­ti­tu­tion­nel et régle­men­taire favo­rable, en per­met­tant la fixa­tion libre des prix de revente de l’électricité pour les mini­ré­seaux de puis­sance infé­rieure à 100 kW. 

C’est ce dont devraient s’inspirer de nom­breux États afri­cains, afin d’offrir aux inves­tis­seurs et déve­lop­peurs pri­vés un cadre des affaires adap­té au déve­lop­pe­ment des minigrids. 

UN MARCHÉ DE 140 MILLIONS DE CONSOMMATEURS

Les mini­ré­seaux solaires seront une com­po­sante impor­tante de l’électrification à grande échelle des pays en développement. 

L’Agence inter­na­tio­nale de l’énergie estime que près de 140 mil­lions de per­sonnes sur le conti­nent afri­cain obtien­dront ain­si l’accès à l’électricité. Le déve­lop­pe­ment des mini­ré­seaux solaires est donc une for­mi­dable oppor­tu­ni­té pour per­mettre d’atteindre l’objectif du déve­lop­pe­ment durable n° 7 des Nations unies – l’accès à une éner­gie propre, fiable pour tous à l’horizon 2030 – y com­pris dans des zones iso­lées, tout en res­tant com­pa­tible avec les objec­tifs cli­ma­tiques de la COP 21. 

Au Séné­gal, plu­sieurs conces­sions d’électrification rurale en solaire ont été attri­buées à des opé­ra­teurs privés. 

En Répu­blique démo­cra­tique du Congo, vaste pays où le taux d’électrification réel est de moins de 10 %, un appel d’offres ori­gi­nal de mini­ré­seaux à base solaire est en pré­pa­ra­tion pour des opé­ra­teurs pri­vés, sur des sites pilotes pré­étu­diés, pour des puis­sances en solaire de plu­sieurs méga­watts et des popu­la­tions dépas­sant 100 000 habitants.
 

KARIM EL ALAMI (2011) directeur général Elum-Energy
Karim El Ala­mi (2011), direc­teur géné­ral Elum-Ener­gy, s’est asso­cié avec un de ses cama­rades de pro­mo­tion, Cyril Colin, pour fon­der Elum-Ener­gy, une start-up qui a déve­lop­pé une pla­te­forme infor­ma­tique pour la ges­tion de l’énergie dans des modèles dis­tri­bués. Il témoigne ici de son vécu en Afrique.

SOLAIRE : L’ÉMERGENCE D’UN MODÈLE AFRICAIN

Depuis une dizaine d’années, l’Afrique connaît une véri­table révo­lu­tion grâce à l’émergence du télé­phone et du paie­ment mobiles (dit pay as you go). Au-delà de cette nou­velle donne, il appa­raît qu’un modèle dis­tri­bué et décen­tra­li­sé s’impose comme une solu­tion tech­no­lo­gique avec un impact éco­no­mique notable sur la région. 

Cette révo­lu­tion se met en place dans le sec­teur de l’énergie : depuis 2010, les prix des modules des pan­neaux pho­to­vol­taïques et des bat­te­ries ont été divi­sés par 5. 

Cela rend les sys­tèmes com­bi­nant éner­gie solaire et sto­ckage moins chers que les sys­tèmes d’électrification tra­di­tion­nels (à base de géné­ra­teurs die­sels et de réseaux peu fiables) et amène à des modèles éco­no­miques viables. À petite échelle, les kits solaires sont une alter­na­tive éco­no­mi­que­ment inté­res­sante pour les vil­lages non électrifiés. 

À moyenne échelle, des solu­tions de micro­ré­seaux avec une ins­tal­la­tion solaire d’une dizaine à une cen­taine de kilo­watts, de bat­te­ries et de géné­ra­teurs die­sels émergent pour des sec­teurs variés comme les usines, les bâti­ments com­mer­ciaux, des ins­tal­la­tions de télé­com­mu­ni­ca­tions, ou des villages. 

Case africaine avec un kit photovoltaique
À petite échelle, les kits solaires sont une alter­na­tive éco­no­mi­que­ment inté­res­sante pour les vil­lages non élec­tri­fiés. © KRISS75/FOTOLIA.COM

Des entre­prises comme Off-Grid Elec­tric, M‑Kopa ou Upo­wa pro­posent des petits pan­neaux solaires de 10 W et des bat­te­ries pour assu­rer les besoins élé­men­taires d’une famille. Les habi­tants paient avec leur télé­phone por­table en pay as you go à l’avance pour pou­voir déblo­quer l’utilisation de l’électricité.

Cer­taines entre­prises se posi­tionnent déjà sur ce cré­neau comme Engie, Total, Bol­lo­ré… avec des busi­ness models variés en fonc­tion des géo­gra­phies et des clients finaux visés. 

À grande échelle, cer­taines entre­prises équipent direc­te­ment des bâti­ments miniers : c’est le cas de EREN ou Aggre­ko. Ces nou­velles ini­tia­tives ne consti­tuent que le début du déve­lop­pe­ment des éner­gies solaires en Afrique. 

Avec 646 mil­lions de per­sonnes non reliées à l’électricité, avec une crois­sance démo­gra­phique et éco­no­mique impor­tante, la consom­ma­tion éner­gé­tique de l’Afrique aug­men­te­ra indé­nia­ble­ment et le solaire à coup sûr aura un rôle prépondérant. 

C’est la rai­son pour laquelle l’entreprise Elum se posi­tionne dans les solu­tions logi­cielles pour opti­mi­ser la ges­tion des micro­ré­seaux et faire dimi­nuer la fac­ture des bâtiments. 

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