Des marques au service de l’action publique

Dossier : La propriété intellectuelle : Défendre la créationMagazine N°672 Février 2012
Par Danielle BOURLANGE (79)

De nom­breuses entités publiques pren­nent con­science des béné­fices poten­tiels d’une ges­tion proac­tive de leurs mar­ques. Des col­lec­tiv­ités locales, bien sûr, mais aus­si des insti­tu­tions cul­turelles, des hôpi­taux, des uni­ver­sités, des opéra­teurs publics pensent aujourd’hui leurs iden­tités comme des mar­ques. Il ne s’agit pas seule­ment de créer un logo et de com­mu­ni­quer, il s’agit de façon plus pro­fonde pour les admin­is­tra­tions de définir ce qui fonde leur iden­tité, leurs valeurs, leur posi­tion­nement, et d’inscrire la mar­que dans une stratégie glob­ale au ser­vice de la mod­erni­sa­tion et de la per­for­mance de l’action publique.

REPÈRES
La mar­que est l’expression d’une inten­tion stratégique et se matéri­alise par un sens, des signes et des actes.
Définir le sens d’une mar­que, c’est s’interroger sur son iden­tité et sur la place unique qu’elle occupe dans l’environnement :
– Quelles valeurs et promesses ?
– Quel héritage ? Quelle histoire ?
– Quel posi­tion­nement ? Quelle dif­férence proposée ?
– Pour qui ? (quel public ?).
– Pourquoi (pourquoi l’usager nous préfère-t-il?).
– Con­tre qui ? (quels sont nos « con­cur­rents » directs ?).
Les répons­es à ces ques­tions con­stituent le socle de la « plate­forme de mar­que », dont découle la déf­i­ni­tion de l’identité visuelle et ver­bale de la mar­que (le nom, le logo, la sig­na­ture, etc.) et qui ori­ente les grands choix stratégiques en matière d’offres de ser­vice, de com­mu­ni­ca­tion, de parte­nar­i­ats, etc.

Une nouvelle conception

Dans un con­texte de mod­erni­sa­tion de l’administration se développe une nou­velle con­cep­tion des ser­vices publics plus ouverte sur les attentes des citoyens. Ain­si, « l’usager » tend à devenir un « citoyen-client » dont la sat­is­fac­tion devient essen­tielle. C’est ici que les notions de mar­que et d’image de mar­que pren­nent tout leur sens. La mar­que per­met de sceller un con­trat de con­fi­ance implicite avec l’usager. Elle est la pro­jec­tion des valeurs de l’institution, de son posi­tion­nement et de son « ambi­tion » quant au niveau de qual­ité qu’elle souhaite offrir à l’usager.

L’usager tend à devenir un « citoyen­client » dont la sat­is­fac­tion est essentielle

La mar­que Ameli en est une belle illus­tra­tion : en choi­sis­sant de dot­er son ser­vice dématéri­al­isé d’une mar­que à part entière, la Caisse pri­maire d’assurance mal­adie affirme sa volon­té d’offrir un ser­vice mod­erne pour s’adapter aux attentes d’un pub­lic jeune et forte­ment connecté.

Donner du sens

La mar­que clar­i­fie la propo­si­tion de valeur d’une entité publique et con­tribue à don­ner du sens à son action. Elle peut ain­si être un levi­er effi­cace d’accompagnement de restruc­tura­tions ou de fusions d’entités admin­is­tra­tives. L’enjeu est à la fois de clar­i­fi­er l’identité et les mis­sions de la nou­velle entité, de fédér­er les per­son­nels autour d’un pro­jet et de valeurs com­munes et de dévelop­per un sen­ti­ment d’appartenance.

La ques­tion de la mar­que s’est posée, par exem­ple, lors du rap­proche­ment de la Cité des sci­ences et de l’industrie et du palais de la Décou­verte. Tout en con­ser­vant à ses deux com­posantes leur iden­tité, le nou­v­el étab­lisse­ment a créé la mar­que Uni­ver­sciences, por­teuse du sens et de l’ambition de la nou­velle structure.

Haute école au Cadre noir de Saumur.Haute école au Cadre noir de Saumur.

Penser le porte­feuille de marques

La fusion des Haras nationaux et du Cadre noir de Saumur a con­duit à la créa­tion d’un nou­v­el étab­lisse­ment, l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE). Celui-ci s’est doté d’une mar­que insti­tu­tion­nelle, mais a choisi de con­serv­er ses mar­ques his­toriques sig­nifi­antes pour la com­mu­ni­ca­tion en direc­tion du grand public.

Un levier de différenciation et d’attractivité

Nom­bre d’entités publiques sont de fait con­fron­tées à une con­cur­rence avec d’autres acteurs, tant publics que privés et, pour cer­taines, avec des acteurs étrangers de pre­mier plan. C’est le cas des musées, des uni­ver­sités, des hôpi­taux, etc. Pour émerg­er dans ce monde de com­péti­tion, il faut donc se dif­férenci­er en met­tant en avant ses atouts. Si les objec­tifs des entités publiques ne sont pas com­mer­ci­aux, l’idée, à l’instar du privé, de créer et de val­oris­er une mar­que pour être plus « attrac­t­if » peut être transposée.

Marque publique et environnement numérique

Des poli­tiques de marques
L’université Pierre-et-Marie-Curie a totale­ment repen­sé sa mar­que pour devenir l’UPMC. Le musée du quai Bran­ly s’est doté dès sa créa­tion d’une iden­tité visuelle extrême­ment forte et différenciatrice.
Régions et départe­ments sont de plus en plus nom­breux (la Bre­tagne, l’Auvergne, l’Alsace, le Jura, etc.) à miser sur des straté­gies de mar­ques pour accroître l’attractivité de leurs territoires.
Les pays et les grandes villes cherchent aus­si à affirmer une iden­tité forte pour ren­forcer leur posi­tion sur la scène inter­na­tionale, à l’instar de la pro­mo­tion de la « mar­que France ».
Le Cana­da tente ain­si de s’affirmer en tant qu’acteur clé dans le secteur hi-tech. La ville de Syd­ney a lancé en 2008 sa stratégie Syd­ney 2030 qui s’appuie sur un slo­gan : Green, Glob­al and Con­nect­ed.

Le développe­ment rapi­de du numérique mod­i­fie pro­fondé­ment la rela­tion entre admin­is­tra­tion et usager et donne du sens aux straté­gies de mar­ques dans la sphère publique. Ren­forcer sa mar­que, c’est amélior­er le ser­vice pub­lic en se dotant d’un out­il capable :
– d’influencer la per­cep­tion des usagers. Avec l’émergence des blogs, hubs et autres plates­formes d’échanges, la qual­ité réelle du ser­vice ren­du n’est plus le seul élé­ment à influ­encer le lien qui unit l’administration à son usager ;
– de ren­dre vis­i­bles et iden­ti­fi­ables la parole et les actes de l’administration. Sur Inter­net, le citoyen est con­fron­té à des infor­ma­tions de sources var­iées, de qual­ité iné­gale. Dévelop­per une mar­que forte per­met à l’administration de « sign­er » ses pris­es de parole et de faciliter la recherche d’informations fiables ;
– de nour­rir une stratégie de com­mu­ni­ca­tion en har­monie avec l’image que l’on souhaite pro­jeter. Les nou­veaux modes d’interaction avec le pub­lic doivent être conçus en par­faite cohérence avec la propo­si­tion de valeur de l’institution, d’où la néces­sité de s’interroger sur ce qui fonde véri­ta­ble­ment son identité.

Améliorer la qualité

Un réel effort de redéf­i­ni­tion et de val­ori­sa­tion des mar­ques publiques

« Penser mar­que » ne sig­ni­fie pas for­cé­ment s’engager dans une stratégie de com­mu­ni­ca­tion offen­sive et coû­teuse. Le sim­ple fait de s’interroger, sous un angle nou­veau, sur ce qui fonde son iden­tité, sur l’image que l’on souhaite pro­jeter et sur la façon dont on est perçu est en soi une démarche intéres­sante et novatrice.

Il s’agit pour les entités publiques non plus de définir seule­ment leurs iden­tités au regard de leurs mis­sions statu­taires mais bien de men­er une réflex­ion sur leurs valeurs et leurs « promess­es ». Cette réflex­ion peut con­stituer un apport extrême­ment struc­turant pour l’ensemble de leurs ori­en­ta­tions stratégiques et par­ticiper in fine à l’amélioration de la qual­ité des ser­vices publics.

logo de l'APIEDanielle BOURLANGE vous recom­mande de vis­iter le site de l’APIE : Agence pour le Pat­ri­moine Immatériel de l’É­tat, un ser­vice de l’É­tat pour val­oris­er le pat­ri­moine immatériel pub­lic au béné­fice de l’intérêt général et de la collectivité

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