compliance sanctions extraterritoriales

De l’asymétrie des sanctions américaines en matière de lutte contre la corruption

Dossier : ConformitéMagazine N°757 Septembre 2020
Par Frédéric PIERUCCI

Les sanc­tions améri­caines extrater­ri­to­ri­ales sont dev­enues une arme de coerci­tion mas­sive au ser­vice de la guerre économique. Com­ment la France peut-elle s’adapter et réagir ?

Lorsqu’une entre­prise est sous enquête du DoJ pour enfreinte au FCPA, elle n’a d’autre choix que de coopér­er le plus rapi­de­ment pos­si­ble afin de min­imiser l’amende éventuelle et de pro­téger ses cadres. Toutes ont donc négo­cié avec le DoJ soit un plaider coupable (Plea Agree­ment-PA), soit un accord de pour­suites dif­férées (Deferred Pros­e­cu­tion Agree­ment-DPA), soit encore un accord de non-pour­suite (Non Pros­e­cu­tion Agree­ment-NPA).


REPÈRES

Depuis que le FCPA (For­eign Cor­rupt Prac­tices Act) existe (1977), seules deux entre­pris­es améri­caines de petite taille ont osé défi­er le DoJ (Depart­ment of Jus­tice) lors d’un procès. C’était à la fin des années 90, avant que la loi ne devi­enne extrater­ri­to­ri­ale et à un moment où les pour­suites étaient très rares. Depuis que la loi a une portée extrater­ri­to­ri­ale (1998), aucune entre­prise n’a pris ce risque.


Une coopération totale obligée

Les étapes d’une coopéra­tion entre l’entreprise et le DoJ sont les suiv­antes. Tout d’abord l’entreprise choisit un grand cab­i­net d’avocats améri­cain qui a la con­fi­ance du DoJ, à qui elle va sous-traiter l’enquête interne. Ce cab­i­net va lui-même se faire assis­ter par un ou plusieurs cab­i­nets de foren­sic pour col­lecter tout type d’information aux qua­tre coins du monde. Puis l’entreprise et son con­seil améri­cain vont ensuite négoci­er avec le DoJ le périmètre géo­graphique et tem­porel de l’enquête interne. Dans les cas les plus graves, le périmètre sera mon­di­al et la péri­ode cou­verte pour­ra s’étaler sur dix à quinze ans voire plus. Ensuite le con­seil améri­cain deman­dera à l’entreprise un accès total à ses archives, comptes, col­lab­o­ra­teurs, etc. La coopéra­tion doit être totale. Sa crédi­bil­ité vis-à-vis du DoJ étant en jeu, le cab­i­net con­seil n’hésitera pas à renon­cer au man­dat s’il se voit refuser l’accès à cer­tains dossiers ou cer­taines fil­iales sen­si­bles de l’entreprise. Ce serait alors pour l’entreprise le pire des scé­nar­ios que d’avoir son con­seil se des­sai­sis­sant de l’affaire car cela mon­tr­erait au DoJ que leur coopéra­tion n’est pas totale.

Les pouvoirs du procureur

Une fois l’enquête interne ter­minée, ce qui peut pren­dre plusieurs mois ou même des années, l’entreprise et son con­seil présen­teront leurs con­clu­sions au DoJ en exposant tous les faits répréhen­si­bles détec­tés dans les moin­dres détails inclu­ant la liste des employés et inter­mé­di­aires-com­plices externes impliqués. S’ensuit une péri­ode de négo­ci­a­tion sur la forme de l’accord (PA, DPA, NPA) et le mon­tant de l’amende. Une très grande lat­i­tude dans la déf­i­ni­tion de ce mon­tant est lais­sée à la dis­cré­tion du pro­cureur. En fonc­tion de sa per­cep­tion du degré de coopéra­tion de l’entreprise, le pro­cureur peut accorder à l’entreprise un rabais sub­stantiel de l’amende com­paré à l’amende type telle que cal­culée en util­isant les US Sen­tenc­ing Guide­lines, sorte de guide définis­sant les peines standards.

“La France et l’Europe doivent sans délai
lutter plus activement
contre la corruption.”

La mainmise du DoJ sur les entreprises poursuivies

L’entreprise et le DoJ sig­nent l’accord qui est ensuite soumis à l’approbation, générale­ment sous trente jours, d’un juge fédéral qui, jusque-là, était absent des débats. Une des raisons de l’absence du juge dans la procé­dure est le fait que la mise en exa­m­en de l’entreprise par le DoJ se fait, de manière extrême­ment choquante, le même jour que la sig­na­ture de l’accord ! Cela per­met au DoJ d’avoir un taux record de 100 % de con­vic­tion rate. Il est extrême­ment rare qu’un juge n’approuve pas l’accord préné­go­cié, d’où leur surnom de « juge tampon ».

L’entreprise a ensuite dix jours pour s’acquitter de l’amende au Tré­sor améri­cain. Mais la sen­tence n’est pas pour autant achevée. Les accords inclu­ent en effet un mon­i­tor­ing de trois ans, pen­dant lesquels un mon­i­tor, présélec­tion­né par l’entreprise mais approu­vé par le DoJ, suit les pro­grès de l’entreprise en matière de mise en con­for­mité, a accès à tous les doc­u­ments internes et envoie régulière­ment des rap­ports d’étape à Washington.

Le DoJ coupeur de têtes

Enfin, sans que cela fasse par­ti de l’accord écrit (PA, DPA ou NPA), le DoJ impose égale­ment à l’entreprise de se sépar­er d’un cer­tain nom­bre de cadres (sou­vent venant des équipes com­mer­ciales) et de hauts dirigeants impliqués ou soupçon­nés d’avoir été impliqués dans les faits de cor­rup­tion reprochés. Cette demi-mesure peut être choquante car ces per­son­nes, bien que non mis­es en exa­m­en, sont néan­moins for­cées de quit­ter l’entreprise. Cela l’affaiblit beau­coup sur le long terme. Dans 75 % des cas FCPA, per­son­ne n’est donc mis en exa­m­en ou arrêté, bien que l’entreprise ait recon­nu les faits et payé une amende.

Si l’entreprise décide dans un pre­mier temps de ne pas coopér­er, le DoJ iden­ti­fie des col­lab­o­ra­teurs proches de la direc­tion générale et les met en exa­m­en pour sig­ni­fi­er qu’il a les moyens de la faire pli­er et de l’amener à la table de négo­ci­a­tions. C’est très effi­cace car l’arrestation de cadres proches des dirigeants a jusqu’à présent tou­jours con­duit ces derniers à finale­ment coopér­er, de peur du risque de se retrou­ver eux-mêmes mis en exa­m­en et con­damnés à une peine de prison.

Des poursuites et sanctions du DoJ ciblées

Le graphe ci-dessous illus­tre que la poli­tique active de lutte con­tre la cor­rup­tion par les autorités améri­caines date du début des années 2000, à par­tir du moment où le FCPA devient extrater­ri­to­r­i­al (1998) donc pou­vant cibler les con­cur­rents européens des entre­pris­es améri­caines et à par­tir de l’entrée en vigueur du Patri­ot Act (2001 révisé en 2005) qui donne aux agences de ren­seigne­ments améri­caines une grande lat­i­tude pour espi­onner ces mêmes entre­pris­es. Le For­eign Cor­rupt Prac­tices Act améri­cain pour­tant voté dès 1977 n’est donc effec­tive­ment util­isé de façon active dans la lutte con­tre la cor­rup­tion inter­na­tionale que depuis une dizaine d’années.

Le « retard de la France de quar­ante ans » par rap­port aux États-Unis sou­vent mis en avant n’est donc qu’une vue de l’esprit. Néan­moins la France et l’Europe doivent se met­tre sans délai à lut­ter plus active­ment con­tre la cor­rup­tion. Il ne s’agit pas que d’une ques­tion de volon­té poli­tique mais aus­si de moyens, qui à ce jour restent sou­vent très en deçà de ce qu’une réelle poli­tique de lutte con­tre la cor­rup­tion per­me­t­trait dans un pays démoc­ra­tique. Ce sont aujourd’hui les pro­cureurs améri­cains qui ont été et sont tou­jours les plus act­ifs à lut­ter con­tre la cor­rup­tion com­mise par les groupes européens et qui rem­plis­sent donc les caiss­es du Tré­sor pub­lic améri­cain. Cette sit­u­a­tion est en train de se rééquili­br­er grâce à la mise en place en France, suite à l’affaire Alstom, de la loi Sapin 2.

Évolution du montant total des sanctions prononcées par le DoJ et la SEC
FCPA : évo­lu­tion du mon­tant total des sanc­tions pronon­cées par le DoJ et la SEC
Source : Stan­ford Law School, fcpa.stanford.edu/statistics-analytics.html

Une analyse des cas des 32 entre­pris­es ayant payé plus de 100 mil­lions USD d’amendes aux autorités améri­caines (DoJ + SEC) fait ressor­tir les points suivants : 

  • 78 % des amendes ont con­cerné des entre­pris­es non améri­caines (européennes, sud-améri­caines ou asiatiques) ;
  • 66 % des pour­suites con­cer­nent des entre­pris­es européennes (UE + la Suisse) pour un mon­tant d’amendes cumulé de 7 856 mil­lions USD (il s’agit de con­damna­tions pour cor­rup­tion et cela n’intègre pas les amendes pour vio­la­tion d’autres lois améri­caines à portée extrater­ri­to­ri­ale : règles de con­trôle des expor­ta­tions telles que l’Inter­na­tion­al Traf­fic in Arms Reg­u­la­tions (ITAR) et sanc­tions économiques en ver­tu de la loi d’Amato-Kennedy, qui ont don­né lieu à d’autres sanc­tions, pour des mon­tants indi­vidu­els par­fois beau­coup plus élevés).
  • Pour les entre­pris­es non améri­caines, dans la majorité des cas les enquêtes ont été ini­tiées aux États-Unis et éten­dues à la demande du DoJ à l’ensemble de l’entreprise con­cernée. Les sanc­tions con­cer­nent alors, pour les entre­pris­es non améri­caines, l’ensemble du groupe (sociétés mères + fil­iales), alors que, dans la plu­part des sanc­tions pronon­cées con­tre des entre­pris­es améri­caines, seule la fil­iale qui a fait l’objet de l’enquête est sanc­tion­née. Les sanc­tions sont alors beau­coup moins sévères.
  • 22 % des pour­suites con­cer­nent des entre­pris­es améri­caines pour un mon­tant d’amendes cumulé de $2 165 mil­lions. Dans la majorité de ces cas, les enquêtes sont ini­tiées hors des États-Unis par des autorités judi­ci­aires étrangères, repris­es ensuite à leur compte par le DoJ ou la SEC. Cela per­met au gou­verne­ment améri­cain de traiter lui-même les cas de ses entre­pris­es nationales et de col­lecter ain­si leurs amendes au béné­fice du Tré­sor pub­lic américain.
  • Dans 75 % des cas, aucune con­damna­tion de per­son­nes physiques n’a été pronon­cée, mal­gré la recon­nais­sance des faits par l’entreprise et le paiement d’amendes colos­sales. Dans cette liste, seule­ment deux des 28 per­son­nes mis­es en exa­m­en par le DoJ tra­vail­laient pour des entre­pris­es améri­caines (Hal­libur­ton / KBR). Ces deux per­son­nes avaient perçu de façon illé­gale des rétro­com­mis­sions à titre per­son­nel, pour des mon­tants de plusieurs mil­lions de dol­lars américains.
  • Nous con­sta­tons dans cette liste des entre­pris­es améri­caines sanc­tion­nées beau­coup de grands « absents » évolu­ant dans des secteurs ultra-sen­si­bles : arme­ment, indus­trie pétrolière, secteur minier, con­struc­tion, télé­com… Le DoJ et le FBI ont donc été très effi­caces à détecter depuis 2005 les faits de cor­rup­tion com­mis par des entre­pris­es européennes dans ces secteurs, mais très peu effi­caces depuis 1977 à détecter ceux de leurs pro­pres entre­pris­es expor­tant pour­tant sur les mêmes marchés inter­na­tionaux, dans les mêmes pays à risques.
  • Aucune entre­prise chi­noise ne fig­ure à ce jour dans ce pal­marès. Il est vrai qu’à l’inverse des gouver­nements européens, le gou­verne­ment chi­nois applique dans de tels cas, des mesures de rétor­sion immé­di­ates, comme nous l’avons vu encore récem­ment dans le cas de l’arrestation de la CFO de Huawei mise en cause par le DoJ pour enfreinte à la loi améri­caine sur les embar­gos vis-à-vis de l’Iran. Cet état de fait risque d’évoluer car le DoJ a pub­lié le 1er novem­bre 2018 le DoJ Chi­na Ini­tia­tive qui donne instruc­tion aux agences améri­caines de cibler « les entre­prise chi­nois­es con­cur­rentes de sociétés améri­caines pour enfreinte au FCPA ».

De ce qui précède, on peut con­stater que le FCPA est avant tout une loi qui cible les entre­pris­es européennes (et depuis peu sud-améri­caines) avec une focal­i­sa­tion sur des grands groupes con­cur­rents de sociétés améri­caines dans des secteurs sen­si­bles comme l’énergie, les télé­coms, le pét­role, la défense : Siemens, Alstom, Ode­brecht, ENI, Tech­nip, Petro­bras, BAE Sys­tems, Alca­tel, Rolls-Royce, Daim­ler, Vim­pel­com, Telia, etc.

“78 % des amendes ont concerné des entreprises non américaines.”

Analyse des amendes payées aux autorités américaines au titre du FCPA (> $100 millions) (Source : Ikarian) :

Entre­pris­es

Pays

Date

Amendes USA DOJ + SEC (Mil­lions)

1

ERICSSON

Suède

2019

$1060

2

MTS

Russie

2019

$850

3

SIEMENS

Alle­magne

2008

$800

4

ALSTOM

France

2014

$772

5

TELIA

Suède

2017

$691,6

6

HALLIBURTON / KBR

USA

2009

$579

7

TEVA PHARMACEUTICAL

Israël

2016

$519

8

TECHNIP

France

2010 + 2019

$420

9

OCH-ZIFF CAPITAL MNGT

USA

2016

$412

10

BAE sys­tems

UK

2010

$400

11

TOTAL

France

2013

$398,2

12

VIMPELCOM

Pays-Bas

2016

$397,5

13

ALCOA

USA

2014

$384

14

ENI / SNAMPROGETTI

Ital­ie

2010

$365

15

AIRBUS SE

Pays-Bas/France

2020

$294,5

16

SOCIETE GENERALE

France

2018

$293

17

WALMART

USA

2019

$282,7

18

PANASONIC

Japon

2018

$280

19

JPMORGAN CHASE

USA

2016

$264

20

ODEBRECHT / BRASKEM

Brésil

2017

$260

21

SBM OFFSHORE

Pays-Bas

2017

$238

22

FRESENIUS MEDICAL

Alle­magne

2019

$231

23

JGC CORPORATION

Japon

2011

$218,8

24

EMBRAER

Brésil

2016

$205,5

25

DAIMLER

Alle­magne

2010

$185

26

PETROBRAS

Brésil

2018

$170,6

27

ROLLS-ROYCE

UK

2017

$170

28

WEATHERFORD

Suisse

2013

$152,6

29

ALCATEL

France

2010

$138

30

AVON PRODUCTS

USA

2014

$135

31

HEWLETT PACKARD

USA

2014

$108

32

KEPPEL OFFSHORE & MARINE

Sin­gapour

2017

$105

USA :

$2 165 M

Autres :

$1 759 M

Europe :

$7 856 M


Une asymétrie sonnante et trébuchante

Une autre façon factuelle de car­ac­téris­er l’asymétrie des sanc­tions améri­caines est de com­par­er les con­damna­tions engagées con­tre les plus grandes entre­pris­es améri­caines (celles cotées à l’indice Dow Jones) avec leurs cor­re­spon­dantes français­es (cotées au CAC 40). Le rap­port est de 1 à 4 : 625 mil­lions USD d’amendes depuis 1977 pour les entre­pris­es de l’indice Dow Jones, con­tre 2,3 mil­liards USD d’amendes depuis 1998 pour celles du CAC 40.


Qu’a changé la loi Sapin 2 ?

Entre 2000 et 2015, les autorités français­es ont attaché peu d’importance à la lutte con­tre la cor­rup­tion inter­na­tionale de leurs cham­pi­ons nationaux. Aucune con­damna­tion pénale défini­tive n’a été pronon­cée pen­dant ces quinze ans. La France n’était pas seule dans ce cas. Encore main­tenant, très peu de pays, y com­pris les États-Unis, sanc­tion­nent leurs pro­pres entre­pris­es dans des cas de cor­rup­tion d’agents publics étrangers, préférant se con­cen­tr­er sur la cor­rup­tion nationale.

Les États-Unis, qui se sont autodéclarés gen­darmes du monde économique, ont eu alors beau jeu de jus­ti­fi­er leurs inter­ven­tions con­tre les sociétés européennes en arguant que cette sit­u­a­tion créait une dis­tor­sion de con­cur­rence au détri­ment des entre­pris­es améri­caines, qui elles étaient bien sûr vertueuses.

Puis, il y eut les affaires Alstom (FCPA) et BNP Paribas (enfreinte aux embar­gos) en 2014 qui ont déclenché une prise de con­science bru­tale du prob­lème de l’asymétrie des sanc­tions et de l’extraterritorialité du droit améri­cain. La réac­tion fut la créa­tion en 2016 de la loi Sapin 2 après la pub­li­ca­tion de l’excellent rap­port Lel­louche-Berg­er.

En créant l’Agence française anti­cor­rup­tion, en imposant aux grandes entre­pris­es français­es de met­tre en place huit procé­dures anti­cor­rup­tion et en instau­rant le principe de la Con­ven­tion judi­ci­aire d’intérêt pub­lic (CJIP), la France a prou­vé sa volon­té de rat­trap­er son retard. La loi Sapin 2 est ain­si dev­enue la loi la plus stricte en matière de lutte con­tre la cor­rup­tion inter­nationale et une référence mon­di­ale. Pour l’instant, ses plus grands suc­cès ont été sa capac­ité à « rap­a­tri­er » en France une par­tie des amendes des entre­pris­es français­es pour­suiv­ies ini­tiale­ment par les autorités améri­caines et anglais­es. D’abord avec le cas de la Société Générale où la France a pu partager l’amende pour moitié avec les États-Unis puis avec l’affaire Air­bus où, cette fois, les deux tiers de l’amende ont été payés au Tré­sor français.

La loi Sapin 2 est donc jusqu’à présent une loi prin­ci­pale­ment défen­sive. Cela suf­fi­ra-t-il à stop­per les vel­léités américaines ?

La guerre du droit aura bien lieu

Cela dépen­dra beau­coup du con­texte géopoli­tique mais aus­si des moyens de préven­tion mis en œuvre par les entre­pris­es français­es pour ren­forcer leurs équipes de com­pli­ance, leurs procé­dures internes et leurs con­trôles. Il va de soi que rien ne se fait sans bud­get et équipe dédiés et sans proces­sus clairs appliqués de manière non cos­mé­tique. Deux axes me parais­sent particuliè­rement impor­tants : les for­ma­tions en présen­tiel pour les cadres les plus exposés et les véri­fi­ca­tions d’intégrité des par­ties tierces les plus risquées iden­ti­fiées par la car­togra­phie des risques.

Le plus grand risque pour les entre­pris­es français­es est, à mon avis, le risque de pas­sif. En effet, le DoJ peut pour­suiv­re des entre­pris­es sur des faits extrême­ment loin­tains comme nous l’avons vu dans le cas de Total ou celui d’Alstom, le principe de pre­scrip­tion étant sou­vent détourné. La CJIP peut être un moyen pour celles-ci de « purg­er » ce pas­sif. Cer­tains freins à la con­clu­sion de la CJIP exis­tent encore dans la loi Sapin 2 qu’il fau­dra cer­taine­ment réviser.

Demain, notre regard devra égale­ment se porter sur la Chine qui est dev­enue une cible priv­ilégiée des autorités améri­caines. La réac­tion chi­noise est en pré­pa­ra­tion. Le 13e Con­grès nation­al du peu­ple chi­nois qui vient de s’achever en mai a mis dans ses con­clu­sions le pro­jet suiv­ant : « Accélér­er la con­struc­tion d’un sys­tème juridique à portée extrater­ri­to­ri­ale dans des secteurs par­ti­c­uliers, for­muler une loi sur le con­trôle des expor­ta­tions, mod­i­fi­er la loi antiblanchi­ment, la loi de la Banque pop­u­laire de Chine, la loi sur les ban­ques com­mer­ciales et la loi sur les assurances. »

La guerre du droit ne fait que com­mencer et la France doit con­tin­uer à s’armer juridiquement.

Poster un commentaire