QUELLE compliance POUR UN OPéRATEUR TéLéCOM ?

Quelle compliance pour un opérateur télécom ?

Dossier : ConformitéMagazine N°757 Septembre 2020
Par Pierre-Antoine BADOZ (79)

Le domaine des télé­com­mu­ni­ca­tions a été impliqué ces dernières années dans des affaires de cor­rup­tion qui ont défrayé la chronique à plusieurs repris­es. À ce titre, des acteurs majeurs du domaine, opéra­teurs comme équipemen­tiers, ont été lour­de­ment sanc­tion­nés par les autorités judi­ci­aires, générale­ment améri­caines. Com­ment Orange, opéra­teur his­torique qui s’est déployé avec suc­cès à l’international, y com­pris dans des pays où la cor­rup­tion est, bien mal­heureuse­ment, large­ment présente, se pré­mu­nit-il con­tre ce risque croissant ?

Ces risques sont nom­breux pour une entre­prise inter­na­tionale cotée en Bourse : out­re les éventuelles sanc­tions civiles et pénales pour l’entreprise et pour les employés ou dirigeants impliqués, la pub­li­ca­tion d’allégations de cor­rup­tion à l’encontre d’une entre­prise peut affaib­lir son cours de Bourse, désta­bilis­er son man­age­ment, frag­ilis­er la stratégie et l’entreprise elle-même qui peut alors devenir une cible attrac­tive pour ses con­cur­rents. De plus, la répu­ta­tion de l’entreprise peut être profon­dément impactée avec des con­séquences majeures tant vis-à-vis de ses pro­pres salariés (réduisant égale­ment sa capac­ité à recruter les tal­ents de demain) que vis-à-vis de ses clients, notam­ment sur le marché grand public.

Orange s’appuie sur un pro­gramme d’éthique des affaires et de com­pli­ance, comme on dit en franglais pour con­for­mité, pour relever le défi de la préven­tion de la cor­rup­tion. Ce pro­gramme trou­ve son orig­ine dans une charte de déon­tolo­gie dont la pre­mière ver­sion date de 2003. Il s’est pro­gres­sive­ment ren­for­cé et est main­tenant struc­turé en dif­férentes étapes qui sont les ingré­di­ents incon­tourn­ables d’un pro­gramme de com­pli­ance robuste.


REPÈRES

France Télé­com devenu plus tard Orange a com­mencé son expan­sion inter­na­tionale à par­tir de la sec­onde moitié des années 90 : Orange a créé ou racheté des opéra­teurs en Europe et en Afrique puis, avec le rachat d’Equant réal­isé afin d’accompagner le développe­ment inter­na­tion­al de ses clients B2B, Orange s’est égale­ment dévelop­pé en Amérique, du Nord au Sud, en Asie et en Océanie. Orange est aujourd’hui présent sur les cinq con­ti­nents, act­if dans plus de 150 pays et donc dans des endroits où la cor­rup­tion est, ain­si que le mon­tre « l’indice de per­cep­tion de la cor­rup­tion » pub­lié annuelle­ment par l’ONG Trans­paren­cy Inter­na­tion­al, un défi majeur.


Les cinq ingrédients d’une contribution positive à l’éthique des affaires

La lutte con­tre la cor­rup­tion, c’est d’abord la volon­té claire et l’engagement affir­mé forte­ment et sans relâche par le man­age­ment, du som­met de l’entreprise jusqu’au man­age­ment de prox­im­ité, d’une tolérance zéro à la cor­rup­tion : ce mes­sage doit être sincère et crédi­ble. Il doit être con­forté, dans la durée, par les actes et les pra­tiques quo­ti­di­ennes de tous dans l’entreprise ; encore plus qu’ailleurs l’éthique et la lutte con­tre la cor­rup­tion se con­stru­isent par l’exemple, et d’abord par celui qui vient d’en haut.

Sec­ond ingré­di­ent, la con­nais­sance et l’analyse des risques de cor­rup­tion. Ceux-ci dépen­dent bien sûr des pays mais égale­ment des activ­ités qu’on mène. Orange a ain­si fait le choix de ne pas opér­er dans cer­tains pays et même d’en quit­ter cer­tains, lorsque nous estimions ne pas pou­voir y men­er nos activ­ités con­for­mé­ment à nos stan­dards de com­pli­ance. Cette analyse com­mence par l’identification des domaines d’activité les plus à risque de cor­rup­tion, par exem­ple le renou­velle­ment de la licence et la ces­sion des fréquences asso­ciées qui représen­tent la matière pre­mière des opéra­teurs télé­coms, la vente de ser­vices télé­coms aux entre­pris­es et aux insti­tu­tions publiques, ain­si que les activ­ités opéra­tionnelles où l’on est en rela­tion avec les autorités (douanes, régu­la­teur, administrations).

Elle se pour­suit par l’identification des risques asso­ciés à ces dif­férentes activ­ités en fonc­tion du con­texte local, à la déter­mi­na­tion de leur prob­a­bil­ité d’occurrence et de leur impact poten­tiel sur l’entreprise, et enfin à leur hiérar­chi­sa­tion. Des plans d’action visant à déploy­er des procé­dures opéra­tionnelles et des con­trôles adéquats per­me­t­tant de réduire la prob­a­bil­ité d’occurrence et, si pos­si­ble, de lim­iter les impacts de ces risques sont mis en œuvre afin de nous assur­er que nous ne con­tribuons pas à cette cor­rup­tion qui, par­fois, gan­grène cer­tains pays où nous sommes présents.

“Le message de la tolérance zéro doit être sincère et crédible.”

Les briques de base de la prévention de la corruption

Troisième ingré­di­ent, les briques, par­mi lesquelles les pre­mières sont les poli­tiques et les principes qu’Orange entend faire appli­quer par tous, dirigeants, man­agers et salariés, ain­si que par ses parte­naires et tous ceux qui agis­sent pour l’entreprise ou en son nom (poli­tique anti­cor­rup­tion, poli­tique rel­a­tive aux cadeaux et invi­ta­tions, au mécé­nat, au spon­sor­ing…). Les suiv­antes, ce sont les procé­dures qui per­me­t­tent de déclin­er locale­ment ces poli­tiques et ces principes (procé­dures d’évaluation des tiers, de préven­tion des con­flits d’intérêts…) et les out­ils qui per­me­t­tent de ren­dre opéra­tionnelles locale­ment ces poli­tiques et procé­dures (dis­posi­tif d’alerte éthique, out­il de déc­la­ra­tion des cadeaux et invi­ta­tions, méthodolo­gie et out­il d’évaluation des tiers…). Enfin, les dernières briques sont les procé­dures de con­trôle (con­trôles internes, audits et inves­ti­ga­tions en cas d’alerte motivée et sérieuse) afin d’assurer que le dis­posi­tif est en place et en mesure de traiter effi­cace­ment les inévita­bles fraudes, man­que­ments ou incidents.

Compliance télécom

La formation et la gouvernance

La sen­si­bil­i­sa­tion de l’ensemble des salariés et la for­ma­tion des per­son­nes les plus exposées au risque de cor­rup­tion sont le qua­trième ingré­di­ent. Trans­paren­cy Inter­na­tion­al nous apprend qu’il n’y a aucun pays qui soit exempt de cor­rup­tion, c’est pourquoi tous dans l’entreprise doivent être sen­si­bil­isés à ce risque.

Celui-ci dépend bien évidem­ment des pays mais égale­ment de l’activité de cha­cun : les agents « exposés aux risques de cor­rup­tion et de traf­ic d’influence » sont iden­ti­fiés dans chaque organ­i­sa­tion (par exem­ple ceux en rela­tion avec cer­tains acteurs publics, ceux qui déti­en­nent des postes act­ifs, déci­sion­nels ou de pre­scrip­tion dans les domaines des achats ou de la vente, mais aus­si les man­ageurs…) afin de recevoir une for­ma­tion spé­ci­fique à la préven­tion et à la lutte con­tre la cor­rup­tion : c’est le cas chez Orange où plus de 40 000 salariés ont suivi durant les dix-huit derniers mois une for­ma­tion en ligne dédiée à l’anticorruption.

Cinquième et dernier ingré­di­ent, la gou­ver­nance et le suivi du déploiement opéra­tionnel effec­tif. Il est essen­tiel de s’assurer que le pro­gramme de com­pli­ance ne soit pas qu’un « dossier papi­er » au siège du groupe mais qu’il soit effec­tive­ment déployé et mis en œuvre sur le ter­rain, dans chaque pays, dans chaque entité : c’est la mis­sion des chief com­pli­ance offi­cers, nom­més par chaque directeur exé­cu­tif, et de cha­cun de leur pro­pre réseau de com­pli­ance offi­cers, nom­més au plus près de l’organisation. C’est à eux qu’il revient de super­vis­er le déploiement des dif­férents ingré­di­ents de notre pro­gramme dans l’ensemble des entités de leur périmètre, sous la super­vi­sion des instances de gou­ver­nance du groupe (comité de déon­tolo­gie groupe, comité exé­cu­tif et comité du con­seil d’administration).

“Il n’y a aucun pays qui soit exempt de corruption.”

L’impact du contexte réglementaire et notamment de la loi Sapin 2

Orange, entre­prise cotée à Paris et New York, avec des activ­ités au Roy­aume-Uni et sur tous les con­ti­nents, est de ce fait soumise au For­eign Cor­rupt Prac­tices Act améri­cain, au UK Bribery Act, ain­si qu’aux nom­breuses lois anti­cor­rup­tion de chaque pays dans lequel elle opère. Notre pro­gramme doit bien évidem­ment inté­gr­er leurs éventuelles spé­ci­ficités, en par­ti­c­uli­er celles de la loi française dite Sapin 2 dont la pro­mul­ga­tion en décem­bre 2016 a eu un impact extrême­ment posi­tif à plusieurs titres.

Cette loi a ren­du encore plus évi­dente l’importance de la lutte con­tre la cor­rup­tion. Avant la loi Sapin 2, le risque pour les entre­pris­es français­es prove­nait essen­tielle­ment de la portée extrater­ri­to­ri­ale des lois améri­caines et bri­tan­niques. Cela a pu paraître, bien à tort comme l’ont mon­tré les très lour­des sanc­tions ayant touché plusieurs groupes français, un risque loin­tain pour leurs salariés et leurs dirigeants. Pour ce qui con­cerne Orange, tous nos salariés, quels que soient les pays où ils tra­vail­lent, savent que nous sommes un groupe français, pleine­ment soumis à la loi française. Psy­chologique­ment, cela a eu un impact puis­sant et positif.

L’article 17 de la loi française

De plus, l’article 17 de la loi Sapin 2 impose la mise en œuvre de huit mesures de préven­tion et de détec­tion de la cor­rup­tion et du traf­ic d’influence. Ces mesures ne nous ont pas sur­pris car elles trou­vent leur orig­ine dans l’esprit des lois améri­caines et bri­tan­niques à par­tir desquelles nous avions bâti notre pro­gramme. La loi Sapin nous a cepen­dant don­né l’occasion de revis­iter l’ensemble de notre pro­gramme afin de nous assur­er, le dia­ble étant dans les détails, que nous étions bien con­formes à l’ensemble de ses exi­gences dont cer­taines lui sont spécifiques. 

Nous avons donc mené un tra­vail de revue et d’identification des éventuels écarts qui a don­né lieu à dif­férents plans d’action au niveau du groupe, tels que la mise à jour de notre poli­tique anti­cor­rup­tion, mais aus­si au niveau local avec par exem­ple la décli­nai­son de cette poli­tique dans nos dif­férents pays et son inclu­sion dans les règle­ments intérieurs des entités français­es. Étant présents dans de nom­breux pays, notre pro­gramme doit être robuste partout, pour tous, y com­pris dans des géo­gra­phies éloignées : c’est un tra­vail per­ma­nent pour lequel il nous faut sans cesse remet­tre l’ouvrage sur le métier !

Bâtir un avantage compétitif

Je voudrais pour con­clure rap­pel­er un point dont je suis pro­fondé­ment con­va­in­cu, c’est qu’une entre­prise qui met en place un pro­gramme robuste d’éthique des affaires se bâtit un avan­tage com­péti­tif qui sera de plus en plus décisif et dif­féren­ciant. Cela com­mence déjà à être le cas pour l’accès au finance­ment avec des exi­gences éthiques et envi­ron­nemen­tales crois­santes, mais aus­si pour le busi­ness lui-même avec un nom­bre crois­sant d’appels d’offres deman­dant au four­nisseur de démon­tr­er l’existence et la qual­ité de son pro­gramme de con­for­mité : ces exi­gences sont loin d’être une fig­ure de style et ont déjà pu, à plusieurs repris­es, faire la dif­férence face à des con­cur­rents dont les règles éthiques ne sont prob­a­ble­ment pas appliquées avec la même exigence.


Références :

https://www.zdnet.fr/actualites/huawei-et-zte-condamnes-pour-corruption-en-algerie-39772672.htm

https://fcpablog.com/2010/12/28/alcatel-lucent-settles-bribery-case/

https://www.justice.gov/opa/pr/telia-company-ab-and-its-uzbek-subsidiary-enter-global-foreign-bribery-resolution-more-965

https://www.justice.gov/opa/pr/ericsson-agrees-pay-over-1-billion-resolve-fcpa-case

https://www.justice.gov/opa/pr/vimpelcom-limited-and-unitel-llc-enter-global-foreign-bribery-resolution-more-795-million

https://fcpablog.com/2019/03/06/russian-telecom-pays-850-million-to-resolve-fcpa-offenses/

https://www.transparency.org/fr/cpi/2019


Orange en Afrique

Le déploiement inter­na­tion­al d’Orange dans toutes les zones géo­graphiques doit ten­dre au respect des meilleurs stan­dards en matière d’éthique des affaires. L’engagement d’Orange pour le numérique en Afrique est ancien et durable : l’entreprise, opéra­teur mul­ti­ser­vice, y est présente depuis plus de vingt ans et est aujourd’hui active dans 17 pays où plus de 18 000 col­lab­o­ra­teurs y ser­vent plus de 120 mil­lions de clients.

Orange est un acteur clef de la trans­for­ma­tion numérique du con­ti­nent, bien au-delà des seuls ser­vices de télé­phonie mobile et d’accès à Inter­net. Avec un mil­liard d’euros investi chaque année, la société développe la con­nec­tiv­ité numérique de l’Afrique avec, par exem­ple, Orange Marine et sa flotte de navires câbliers qui assurent le déploiement et la main­te­nance de câbles sous-marins qui relient l’Afrique au réseau mon­di­al, en con­stru­isant les infra­struc­tures de réseau per­me­t­tant de relever le défi de la cou­ver­ture des zones rurales ou encore en assur­ant le déploiement de la fibre optique à des­ti­na­tion du grand pub­lic, com­mencé dès 2018 à Dakar et à Abidjan.

Numérique et éducation

Orange sou­tient égale­ment l’innovation dans les ser­vices numériques : d’une part, en déploy­ant ses pro­pres ser­vices inno­vants tels qu’Orange Mon­ey qui per­met à ses clients de dépos­er ou de retir­er de l’argent liq­uide, d’effectuer des trans­ferts d’argent, de pay­er leurs fac­tures depuis leur télé­phone ou encore d’obtenir un micro­crédit pour dévelop­per leur activ­ité ; d’autre part, en sou­tenant les écosys­tèmes entre­pre­neuri­aux en Afrique avec ses pro­pres cen­tres d’innovation mais aus­si par le biais d’incubateurs cofondés par Orange au Séné­gal, au Mali et en Guinée et avec plus de 50 mil­lions d’euros engagés par Orange Dig­i­tal Ven­tures pour soutenir des pro­jets innovants.

Enfin, la Fon­da­tion Orange agit au quo­ti­di­en pour favoris­er l’apprentissage et l’accès à l’éducation, via le numérique notam­ment, ain­si que l’accès aux soins dans des zones rurales d’Afrique. La Fon­da­tion Orange a en par­ti­c­uli­er apporté son aide matérielle ain­si que son exper­tise lors de la crise san­i­taire Covid-19 dans les dif­férents pays d’Afrique
où Orange est présent.

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