Courrier des lecteurs : À propos de la sécurité routière

Dossier : ExpressionsMagazine N°606 Juin/Juillet 2005Par : Christian GUITTET (70)
Par Christian GUITTET (X70)

Tous les médias se sont récem­ment fait l’écho du suc­cès remar­quable du grand chantier de la sécu­rité routière lancé en 2002 par le prési­dent de la République. Comme tout le monde, je ne peux que m’en réjouir, d’autant plus vive­ment que j’ai moi-même été vic­time d’un très grave acci­dent à Paris il y a près de dix-huit mois : j’ai été ren­ver­sé par un chauf­fard sur un pas­sage pié­tons, après avoir atten­du que le feu passe au rouge pour les voitures ; le chauf­fard arrivait der­rière moi, tour­nait à gauche et n’a vu ni le pas­sage pié­tons, ni le mal­heureux pié­ton ! Un pan­neau “ Atten­tion, pié­tons ” a main­tenant été instal­lé, mais cela a pris plus d’un an ! Et le chauf­fard l’aurait-il vu ? J’en doute…

Dans ce grand con­cert d’autosatisfaction, je voudrais cepen­dant élever une voix dis­cor­dante et attir­er votre atten­tion sur plusieurs faits qui peu­vent intéress­er nos cama­rades. En tout cas, je l’espère vive­ment, pour que les choses changent enfin… Et sans doute cer­tains de nos cama­rades sont-ils bien placés pour les faire changer !

Tout d’abord, l’avocat de mon chauf­fard a demandé sa relaxe car, “ Si j’avais marché plus vite, son client ne m’aurait pas ren­ver­sé”! C’est ce qu’on m’a expliqué après : ma sur­dité totale, con­séc­u­tive à l’accident, m’a empêché de com­pren­dre un seul mot de ce qui s’est dit au procès pénal, auquel j’ai tenu à assis­ter quoiqu’il m’en ait coûté. De toute façon, mon avo­cat m’ayant, avec beau­coup d’insistance mais con­tre mes intérêts, dis­suadé de me con­stituer par­tie civile, je n’y ai pas eu droit à la parole…

Le tri­bunal n’a, heureuse­ment, pas accep­té cet argu­ment (peut-être parce que si j’avais marché moins vite, le chauf­fard ne m’aurait pas écrasé non plus…), mais la con­damna­tion pronon­cée peut paraître bien légère eu égard à la grav­ité de mes blessures : une amende délictuelle de 300 € plus une sus­pen­sion de per­mis de con­duire de six mois pour “ blessures involon­taires avec inca­pac­ité de tra­vail supérieure à trois mois”, et une amende con­tra­ven­tion­nelle de 300 € pour “ refus de pri­or­ité à un pié­ton ”. Le chauf­fard risquait pour­tant, au total, je crois… 75000 € d’amende, cinq ans de retrait de per­mis et même cinq ans de prison ! Le chauf­fard a, depuis longtemps, pu repren­dre sa vie comme avant, comme si de rien n’était ! Et repren­dre le volant : prenez garde à vous !

En ce qui me con­cerne, les séquelles sont à la mesure du choc (j’ai per­du con­nais­sance après avoir été pro­jeté à huit mètres du pas­sage pié­tons), j’ai déjà dû pay­er près de 2000 € de TVA sur mes frais d’avocat (à défaut de faire pay­er le respon­s­able de l’accident, ne faut-il pas faire pay­er la vic­time !), je suis tou­jours en inca­pac­ité de tra­vail, invalide à vie et je ne pour­rai plus jamais ni tra­vailler, ni con­duire, ni avoir une vie normale…

Vous voulez un autre point de com­para­i­son ? À Paris, l’amende pour déjec­tions canines sur la voie publique peut attein­dre 450 €. Je viens de le véri­fi­er sur le site de la Mairie de Paris : http://www.paris.fr/fr/la_mairie/a_paris/ mep_7_actu.pdf (page 9/16)… Doit-on en con­clure qu’un poly­tech­ni­cien vaut à peine plus qu’une crotte de chien ?

Vous voulez que je vous racon­te une autre his­toire vraie ? Un proche m’a mon­tré un “ Avis de con­tra­ven­tion au code de la route ” établi en France pour sa voiture imma­triculée à l’étranger, où il réside de façon per­ma­nente : la vitesse était lim­itée à 110 km/h, sur autoroute ; la vitesse con­statée est de 118 km/h, mais, compte tenu des marges d’erreur, la “ vitesse retenue après appli­ca­tion de la marge tech­nique ” est de 112 km/h. Cet excès de vitesse de 2 km/h a don­né lieu à l’établissement d’une “ amende for­faitaire ” de 68 €. Mais aucune “ perte de points du per­mis de con­duire ” n’est envis­agée – du moins, à l’heure actuelle…

J’allais oubli­er : la Pré­fec­ture de police de Paris affirme sans aucunes nuances, sur son site Web, que “ dans la plu­part des cas, le pié­ton est respon­s­able de l’accident dont il est vic­time ” : c’est par­fois vrai, bien sûr, mais ce n’était pas mon cas… Elle donne aus­si aux pié­tons quelques con­seils pour leur sécu­rité… Il s’agit d’un véri­ta­ble inven­taire à la Prévert, alors je n’en cit­erai que trois : “ Sur le trot­toir, faites atten­tion aux bicy­clettes et aux deux-roues (même s’ils ne sont pas autorisés à cir­culer sur le trot­toir) ”, “ Prenez garde aux voitures qui sor­tent d’un garage, elles ne sont pas pri­or­i­taires ” et “ Tenez compte de l’inobservation par cer­tains con­duc­teurs, de la pri­or­ité d’un pié­ton sur la chaussée ”. Con­tre toute attente (j’ai plus de cinquante ans, mais je suis resté un grand naïf), je n’ai, par con­tre, pas trou­vé d’engagement de la Pré­fec­ture de police de Paris à faire respecter le Code de la route… www.prefecture-police-paris.interieur.gouv.fr/prevention/ pietons/pietons.htmhttp://www.prefecture-police-paris.interieur.gouv.fr/prevention/ pietons/pietons.htm

Mais ne l’oubliez pas : le grand chantier de la sécu­rité routière lancé en 2002 est un suc­cès remar­quable ! Bonne chance !

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